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Comment l'Europe a façonné l'assiette des Anglais

Huile d'olive, spaghetti, pinard : de l'influence de la culture culinaire du continent sur les habitudes alimentaires britanniques.

Si vous avez lu les romans d'Agatha Christie – notamment ceux mettant en scène Hercule Poirot – vous savez qu'au milieu du XXe siècle, les Anglais sont plutôt méfiants vis à vis des trucs « étrangers ».

Par contre, quand il s'agit de nourriture, l'hostilité britannique se transforme en véritable enthousiasme. Une attitude qui s'explique par l'impact des auteurs, restaurateurs, fournisseurs de supermarchés ou personnalités de la télévision qui, pendant l'Après-guerre, ont fait circuler le message ; nos voisins européens disposent d'un véritable « savoir culinaire ». Les salades de saison, l'huile d'olive, les viandes marinées dans l'ail et la mozzarella ont joyeusement commencé à remplacer les condiments à la crème et les légumes trop cuits de la cuisine britanniques des années 1950.

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Formellement, l'union entre le Royaume-Uni et l'Europe a débuté en 1975 – après une décennie de campagne l'encourageant et deux tentatives avortées. Mais les louanges pro-Europe tressées par la critique culinaire britannique Elizabeth David avait commencé bien avant. Son premier livre de recettes Mediterranean Food a été publié en 1950. Il avait déclenché chez les familles de la classe moyenne un enthousiasme certain pour tout ce qui venait du continent.

En 1954, les assiettes anglaises étaient encore soumises au rationnement alimentaire. Les images ensoleillées d'artichauts, de tomates mûres et de mayonnaise fraîche rassemblées par Elizabeth David lors de ses voyages à travers le continent, étaient vues comme une forme d'antidote au corned beef ou au « National Loaf » (pain complet) qui faisaient le régime quotidien des Anglais pendant et après la Seconde guerre mondiale. Elle donnait déjà des conseils à ses lecteurs, rappelant que l'huile d'olive pouvait être achetée à des chimistes où elle était vendue dans des petites bouteilles à « usage externe uniquement » – l'ingrédient, aujourd'hui omniprésent, était à l'époque considéré comme un excellent remède pour se déboucher les oreilles.

Après la sortie de Mediterranean Food, French Country Cooking, Italian Food et French Provincial Cooking ont suivi. Les écrits d'Elizabeth David ont ensuite pris une toute autre dimension quand Penguin a décidé de publier les livres en format poche. Aujourd'hui, ses recettes inspirée par l'Europe ont influencé plusieurs générations de chefs aussi différents que Ken Hom, Prue Leith ou Rick Stein.

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L'huile d'olive n'est pas le seul ingrédient essentiel de la cuisine moderne que nous devons à l'Europe. En 1957, dans un épisode parodique de Panorama, la BBC parvient à tromper ses téléspectateurs en faisant croire à un certain nombre que les spaghetti poussent dans des buissons le long de la frontière italo-suisse. Les pâtes étant encore à l'époque un mets exotique, de nombreux quidams appellent l'émission pour savoir où peuvent-ils se procurer ces mystérieux « buissons de spaghetti ».

Dans le milieu des années 1960, les spaghetti bolognaise s'installent dans les cuisines britanniques. Aujourd'hui, The Grocer, magazine dédié à l'industrie agro-alimentaire, assure que les ventes de pâtes au Royaume-Uni atteignent chaque année 394,3 millions de lives, dépassant tous les autres produits d'épicerie ou de marché, et augmentent constamment. Rien de vraiment surprenant puisque les bolo' sont régulièrement citée parmi les plats préférés des Anglais.

Autre trace de cuisine italienne dans le paysage culinaire britannique : PizzaExpress. C'est le nom du restaurant que Peter Boizot ouvre en 1965 sur Wardour Street à Londres après être revenu de Naples avec un four à pizza. L'adresse londonienne n'est qu'une étape. Les tarifs abordables et l'ambiance relativement cool du resto ont un effet boeuf et agissent comme une sorte de révélateur alors que les pizzas étaient plutôt absentes des papilles/radars britanniques.

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Les images ensoleillées d'artichauts, de tomates mûres et de mayonnaise fraîche étaient vues comme une forme d'antidote au corned beef ou au « National Loaf ».

Quelques années plus tard, Boizot ouvre un second restaurant et transforme PizzaExpress en une chaîne nationale, établissant ses pizzerias dans toutes les villes du Royaume-Uni – on compte 400 établissements. La société est entrée en bourse en 1993 avant d'être revendue à un investisseur chinois pour 900 millions de livres (soit 1,1 milliard d'euros) en 2014. C'est encore aujourd'hui, en Grande Bretagne, une des adresses les plus sûres, synonyme de repas convenable, quelque soit la rue de banlieue dans laquelle vous êtes.

Dans les années 1980, l'Angleterre renforce ses connaissances en matière de cuisine européenne grâce à des émissions télévisées comme celle du « flâneur culinaire », Keith Floyd, et sa série Floyd on France, qui marque une étape importante dans le traitement de la culture culinaire. Le cuisinier/écrivain, affublé de son légendaire nœud papillon et d'un air jovial, plonge en Technicolor dans les cuisines et les greniers de la province française – un verre à la main plus souvent que de raison. On peut penser que certaines scènes de vorace festin ne passerait pas la censure aujourd'hui mais le flambeau de Floyd a été repris de manière plus soft par Rick Stein, dont la récente série pour la BBC le voit parcourir l'Europe à la recherche des secrets de cuisine de Bologne, Vienne, Berlin ou Bordeaux. Jamie Oliver a aussi fait sa part en tentant de traduire l'idée d'une authentique cuisine européenne à un public plus jeune.

Avant l'Italian de Jamie, il y avait le River Café, ouvert comme cantine du Hammersmith en 1987 par deux amis, Ruth Rogers et Rose Gray. Leur cuisine, articulée autour de l'origine des ingrédients et sobrement présentée comme venue d'Italie était rafraichissante – voire choquante par sa simplicité – dans la décennie du dîner chic et fancy. Le River Café est rapidement devenu le camp d'entraînement de chefs devenus aujourd'hui des célébrités comme Jamie Oliver, Hugh Fearnley-Whittingstall et April Broomfield. 30 ans après, Rogers continue de travailler main dans la main avec des fournisseurs italiens à la recherche du meilleur produit.

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Alors que beaucoup se lamentent devant les résultats du référendum et la sortie annoncée de la Grande Bretagne de l'Union Européenne, les ingrédients, la culture du repas et les saveurs de l'Europe continentale ne représente plus seulement une découverte gastronomique mais bien une partie de notre passé politique.