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Le café à 10 balles signe-t-il la mort de la culture bistrot ?

Le patron d'une brasserie de Toulon a décidé d'augmenter le prix du kawa après 17h pour encourager la vente d'alcool mettant à mal le concept de « glande en terrasse ».

Jean-Michel Bonnus en a plein le dos. Propriétaire de La Reale, une brasserie à Toulon, terre du pilou-pilou, il ne supporte plus les clients qui viennent dans son établissement le soir, ne commandent qu'un café et glandent des heures en terrasse – en gros, il en a marre des pinces et des pauvres.

Mais qu'est-ce qu'il peut y faire Jean-Michel ? Les chasser avec du gros sel ?

Pour rester dans les clous plantés par la législation française – il a naturellement pensé à refuser de servir les cafés en question mais la répression des fraudes lui a expliqué que c'était interdit – Bonnus a finalement trouvé une approche radicale et légale : faire payer le kawa à un prix totalement prohibitif.

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Après avoir pensé à foutre son espresso à 50 €, il a revu ses ambitions à la baisse et a finalement fixé le tarif à un prix exorbitant de 10 balles. Bonnus justifie son geste à Var Matin en expliquant qu'il voulait développer « un bar à cocktails » et éviter que les tables ne restent « bloquées par un simple café et un verre d'eau ».

Et c'est là que les emmerdes ont commencé.

Généralement, dans cette petite ville de la côte méditerranéenne si chère à Rolland Courbis, un café coûte entre un et deux euros. Tout dépend si vous avez choisi un rade qui donne sur le port ou un resto chic. Mais ça ne dépasse jamais cette fourchette-là.

Maintenant, je ne vends plus de café en fin d'après-midi, mais si un client souhaite en prendre un au tarif indiqué, je lui servirai volontiers.

En voulant encourager la vente d'alcool dans sa brasserie après 17h et en augmentant les prix, Bonnus a déchaîné les enfers. Après la première plainte d'une cliente excédée à l'idée de payer une telle somme, il assure être aujourd'hui la victime d'insultes et d'intimidation sur les réseaux sociaux.

La page Facebook de son restaurant est effectivement devenue un lieu de débat où l'on aborde en vrac : l'existence d'une loi sur le prix du café, la définition même d'une brasserie et l'Histoire des cafés en France et de la culture qui en découle. Sans le vouloir, Bonnus est donc à l'origine d'une vaste réflexion sur l'utilisation des terrasses – sacro-saint des passe-temps français. Peut-on y traîner ? Si oui, à quel prix ? Et est-ce que cette coutume est en danger ?

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Le restaurateur a confié ne pas très bien comprendre pourquoi il ne pouvait pas fixer lui-même le prix du café dans son resto. Certains internautes ont applaudi son esprit d'entreprise : « Les gens font les stars en terrasse avec un café verre d'eau et ils squattent. (…) Un établissement est un gagne pain, c'est un boulot et non un parc public gratuit qui est là pour décorer », peut-on lire sur Facebook. D'autres, de nature plus inquiète, considère que Bonnus est en train de mettre en péril un monument du mode de vie à la française.

« À partir de 17h, café 10 €, hors restauration. » Le message s'affiche sur une feuille A4, scotchée à une des fenêtres de La Reale. « Les passants pensaient à une blague en le lisant », poursuit Bonnus dans Var Matin. « Maintenant, je ne vends plus de café en fin d'après-midi, mais si un client souhaite en prendre un au tarif indiqué je lui servirai volontiers. »

Pourquoi cette brasserie propose les cafés à… 10 euros https://t.co/JABUAihbGF pic.twitter.com/udbBLZMJoh

— Var-matin (@Var_Matin) July 6, 2016

En France, les touristes sont souvent décontenancés par les règles en vigueur aux terrasses des cafés ou des brasseries. Lieu régit par de nombreuses traditions, où déplacer une chaise, s'asseoir sans l'assentiment du serveur et commander seulement un verre alors que la table est dressée, s'apparente à autant d'accidents diplomatiques majeurs.

Est-ce que les touristes en goguette à Toulon auront envie de payer 10 € pour un café ? S'ils sont américains, c'est fort possible. Après tout, il y en a bien quelques-uns qui considèrent que commander la boisson Starbucks la plus chère possible est un putain de sport. Et selon Caffeine Informer, il s'agit d'un Mocha Frappuccino blanc à 102,04 $ (environ 90 €), « pimpé » avec du caramel, des bananes, de la poudre protéinée et 112 shots d'espresso.

L'espresso à 10 € peut aller se rhabiller.