Un café végan attaqué à la saucisse par des ultra-conservateurs

La voilà la fameuse Guerre civile prévue par Ivan Rioufol et ses potes. L'enjeu, ce n'est plus le pétrole, les colonies sur Mars ou la grille des programmes de D8, mais bien le futur de l'alimentation. Enfin c'est ce qu'on s'est dit quand on a appris que le Kiwi Café, une des rares adresses végans de Tbilissi, la capitale géorgienne, avait été attaqué pendant le weekend par des néo-nazis armés de viandes et de saucisses.

Depuis le lycée, on sait que la chute de l'URSS a laissé un boulevard aux mouvements d'extrême-droite dans tous les anciens pays satellites de l'Union soviétique mais là, on se croirait presque dans un JT de Groland. On peut imaginer la scène à l'envers – des végans qui attaquent à coup de quinoa et de tofu un apéro saucisson-pinard – pour en apprécier vraiment toutes les composantes.

Les partis nationalistes gagnent du terrain en Europe et la Géorgie n'est pas une exception. Dans les urnes et dans la rue, les extrémistes sont de plus en plus décomplexés et la ligne qui sépare ce qui est, pour eux, acceptable et ce qui ne l'est pas, n'arrête pas de fluctuer. Musulmans, juifs et membres de la communauté LGBT étaient un temps les premiers visés. Aujourd'hui, ils ont une nouvelle cible : les végans.

Le conflit a pris un tournant assez dramatique au Kiwi Café, une adresse populaire chez les touristes de passage à Tbilissi, qui a déjà affiché son soutien à la communauté LGBT. Le café venait de débuter la projection de Rick & Morty, la série animée imaginée par Dan Harmon et Justin Roiland, quand un groupe de nationalistes – décrit comme des « néo-nazis » ou des participants du mouvement « Bergmann » qui soutient des idéaux nazis – est entré dans le café pour mettre le boxon.

Aparté, pour ceux qui trouvent que les gens ont une utilisation un peu trop hâtive du terme « nazi », sachez que les fouteurs de merde ont pris le nom de Bergmann en hommage à un groupe de soldats géorgiens qui combattaient du côté des Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale façon Oustachi baptisé « Bergmann Battalion ».

Les propriétaires du bar ont publié sur Facebook un récit de l'affrontement : « Tout en continuant de perturber la projection, de faire du bruit et de déranger les clients, les agresseurs ont sortis des morceaux de viandes, de saucisses et de poissons, qu'ils ont commencé à manger et à nous balancer à la gueule. »

La bataille de bouffe a empiré et quelques locaux se sont même rués dans la mêlée. Un couteau a été tiré et une fille s'est retrouvée « agrippée par les cheveux et traînée le visage contre le bitume ». Les coups se sont poursuivis dans la rue. La police a été appelée mais les fafs avaient déjà quitté le champ de bataille. Quelques blessures mineures ont été constatées.

Le café a signalé que le même groupe s'était enquis un peu plus tôt dans le mois, auprès des clients, pour savoir si le café servait les homosexuels. Selon le personnel du café, quand la bagarre a éclaté, quelques riverains ont décidé de se ranger du côté des zouaves à viande. La police aurait notamment accusé les salariés du Kiwi « d'être responsable de la situation ».

En Georgie, les ultra-nationalistes paradent depuis quelques temps dans les rues, notamment pour faire la promotion de leur programme qu'on peut résumer par « La Georgie aux Géorgiens ». Le nationalisme rampant est une blessure qui a déjà plusieurs décennies mais les actes de violence contre les membres de la communauté LGBT ont récemment augmenté. La parade de la Gay Pride avait notamment été perturbée en 2013 à coup de croix gammées taguées et de slogans racistes scandés.

Aujourd'hui, les végans sont aussi pris cible. Mais les gens derrière le Kiwi Café disent qu'ils tiendront coûte que coûte et qu'ils continueront d'accueillir tous les clients « quelque que soit leur nationalité, leur race, leur apparence, leur âge, leur genre, leur orientation sexuelle ou leur religion. »

Si vous êtes à Tbilissi et que vous voulez prendre un verre au Kiwi Café, faites juste gaffe aux attaques de saucisses nazies et au début de la 3e Guerre Mondiale.