De la paella en dessert : dans le labo de pâtisserie de Dominique Ansel

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De la paella en dessert : dans le labo de pâtisserie de Dominique Ansel

Dans sa toute nouvelle boulangerie à Londres, le papa du du Cronut nous a présenté sa dernière invention : un banoffee cuit à la poêle.

Quand je me suis pointée dans la nouvelle boulangerie Dominique Ansel du sud-ouest de Londres, l'endroit était bien pris d'assaut mais, heureusement, je n'ai pas eu à affronter une file de 200 personnes comme lors de l'ouverture quelques jours plus tôt.

Si Dominique Ansel, chef et proprio des lieux, a commencé à faire parler de lui chez Daniel Boulud à New York après avoir fait ses classes chez Fauchon, la célèbre pâtisserie française, vous avez en fait probablement entendu parler de lui en 2013, lorsqu'il a sorti son Cronut : un tourbillon de pâte feuilletée, une viennoiserie qui célèbre le mariage incongru entre un croissant et un donut. C'est véritablement à partir de ce moment-là que sa notoriété a explosé.

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Si je suis venue ici, c'est pour apprendre à faire un nouveau dessert qui sera la spécialité de sa toute dernière enseigne : la paella au banoffee. Mais on ne va pas se mentir, trois ans après sa sortie, la star de la boulangerie, c'est toujours le Cronut. C'est pour lui que les foules se déplacent en masse. Je note d'ailleurs à mon arrivée que la majorité des clients sont déjà en train d'en dévorer à pleine dent. Pendant ce temps, j'attends Dominique en croquant dans un « DKA » – le Dominique Kouign-amann, sa réinterprétation du célèbre gâteau breton.

FAITES-LE : La recette du banoffee façon paella de Dominique Ansel

Mon taux de glycémie commence dangereusement à faire un pic quand un membre de l'équipe prend l'initiative de m'emmener vers le grand atelier de pâtisserie qui se trouve au-dessus de la boutique.

« Chef, vous êtes prêt ? », demande-t-elle.

« Encore 35 secondes », répond Dominique.

« Pas 37 ? », plaisante-t-elle.

« Non, 35 », prononce-t-il sans une once de fun.

C'est un Dominique souriant mais concentré qui m'accueille. Il me regarde droit dans les yeux

« Je vais faire la paella-banoffee et ensuite, je vais te regarder la manger », dit-il. Alors que tout le sucre et le beurre débarquent dans mon sang comme les Mexicains à Alamo, j'acquiesce fébrilement. Dominique commence par saupoudrer de sucre une poêle à paella. Il attend que ça caramélise.

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Les bananes.Je voulais créer un nouveau produit pour la boulangerie de Londres, quelque chose qui soit inspiré par le paysage culinaire local et pas uniquement la cuisine britannique

« », dit-il à propos de ce plat. « La gastronomie espagnole est vraiment très présente ici, donc j'ai décidé d'utiliser une poêle à paella pour caraméliser les bananes. C'est beau, très savoureux, et ça change dans la manière de faire un banoffee. »

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Alors qu'il coupe les bananes et les dispose sur la poêle, Dominique ajoute : « Et pourquoi le banoffee ? Parce que j'adore les bananes ! C'est simple mais pourquoi ça ne ferait pas une bonne raison ? Vous aimez les bananes ? Tout le monde aime les bananes. Je ne connais personne qui n'aime pas les bananes. »

Je lui dis que bizarrement, ma mère n'aime pas les bananes. Je n'aurais pas dû, je sens tout d'un coup s'effondrer tout le capital sympathie que j'avais assemblé en disant que j'avais testé le DKA. Dominique me sourit : « Eh bien ! Elle devrait essayer mon banoffee. » Le mélange de banane et de caramel commence à bouillonner et une agréable odeur de sucre cuit se répand dans la cuisine. Ansel sort son téléphone pour prendre une photo. Il a une protection de téléphone Cronut. Évidemment.

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Dominique Ansel, l'inventeur du Cronut, dans sa nouvelle boulangerie de Londres.

Je saisis cette perche pour orienter la conversation sur sa boulangerie new-yorkaise devant laquelle les gens font toujours la queue dès 6 heures du mat. « Personne n'aurait pu prédire un tel succès », admet Dominique. « À l'époque, je n'avais que quatre employés dans ma petite boulangerie. Je pense que la mayonnaise a pris pour plusieurs raisons. Tout le monde a déjà mangé un donut et un croissant. Les gens peuvent s'imaginer une réunion de deux. Et c'est un produit abordable. Ce n'est pas un restaurant gastronomique. C'est quelque chose que n'importe qui peut acheter. »

Mais revenons à notre banoffee version paella. Un fond de tarte en banane caramélisée est prêt. Il a déjà refroidi et peut donc accueillir la crème fouettée de dulce de leche. Je demande à Dominique pourquoi il a décidé de faire de son Cronut une marque déposée. « C'était juste après son succès médiatique, sur les conseils de mon avocat, quand on réfléchissait au cadre juridique de la boulangerie. Dans ce milieu, beaucoup s'emparent des créations de petites boutiques et ils les reproduisent en masse. Ce sont eux qui déposent le brevet et ils vous empêchent d'utiliser le nom que vous aviez choisi. C'était donc juste pour me protéger », explique-t-il.

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Mise en place de la crème de dulce de leche.Inspirer les gens qui vont créer ensuite d'autres choses, c'est flatteur. Mais quand les gens volent vos idées et font croire à leurs clients que c'est leur propre création, ce n'est plus flatteur du tout

Le Cronut a-t-il depuis été copié ? « », dit-il sans langue de bois. « Tout bon chef devrait être en mesure de créer ses propres produits. ». Une fois la crème mise en place, c'est la touche finale : on y ajoute des miettes de biscuit. Dieu merci, je vais bientôt pouvoir y goûter. Ma glycémie commençait justement à chuter.

« Nous le présentons directement dans la poêle puis nous retournons une part, les gens adorent ça, et le biscuit ne ramollit pas », explique Dominique.

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La garniture en miettes de cookie.

Il faut reconnaître le génie du truc. Une idée simple mais parfaite puisque personne n'aime un banoffee tout spongieux.

Il en sort un tout prêt du frigo (il faut laisser refroidir le banoffee avant de le manger). Dominique s'apprête à le découper. C'est la première fois que je le vois un peu nerveux. Il s'empresse de me prévenir : « Retourner la première tranche, c'est toujours comme retourner la première crêpe. Ce n'est jamais parfait. » Tout le monde dans la salle retient son souffle et regarde la réaction de Dominique. La tranche retournée correspond-elle à ses attentes ?

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Ansel me tend l'assiette avec une fourchette. Je suppose donc que la tranche lui convient. Tentant d'oublier tous les regards qui se posent sur moi, je goûte ce dessert si riche et si onctueux. Je demande à Dominique s'il se lasse parfois de tous ces trucs sucrés. Juste à ce moment-là, l'odeur des DKA fraîchement cuit nous submerge depuis la pièce voisine.

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La version finale du banoffee paella.Ça sent bon, ça me donne faim. Je prends tous les jours un DKA pour le petit-déjeuner

« », rigole-t-il. « Je ne m'en lasserai jamais. C'est tellement addictif. » Dominique me regarde du bout de la boutique pendant que je lui fais au revoir de la main. Une petite foule de fans commence à se former autour de lui. Je me souviens alors d'un truc qu'il m'a dit plus tôt : « Fais la bonne nourriture et les gens seront reconnaissants. Ils reviendront parce qu'ils te font confiance. » Un principe qu'on peut totalement appliquer à son cas.