À Courbevoie, au paradis de la crêpe géante

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À Courbevoie, au paradis de la crêpe géante

On est allé grailler chez Brother's, le snack de quartier qui sert les crêpes les plus chargées d'Île-de-France.

Il est minuit ce samedi soir à Courbevoie et la queue de noctambules affamées ne désemplit pas. Devant l'enseigne illuminée, des cuistots en polo floqué enchaînent des crêpes gigantesques de la taille d'une pizza.

Devant chez Brother's le samedi soir, une foule dense et compacte. Toutes les photos sont de l'auteur.

Devant chez Brother's le samedi soir, une foule dense et compacte. Toutes les photos sont de l'auteur.

Dans la file d'attente, quelques mecs bien sappés, d'autres casquettés, des jeunes femmes apprêtées et même quelques darons égarés. Ici, la clientèle est dense, hétérogène et partage la même volonté : se casser le bide. Une seule contrainte joue contre l'estomac des clients qui gronde – devoir attendre que le disque connecté qu'on leur a confié lors de la prise de commande se mette enfin à sonner. Au bout de la file, enfin, se trouve le saint Graal : une crêpe monstrueuse, blindée à ras bord et qui peut contenir jusqu'à 18 ingrédients différents.

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À Paris, où de nombreux Bretons ont émigré en masse au cours du XIXe siècle, la crêpe occupe une place particulière. On la trouve à tous les coins de rue et qu'on soit jeune, vieux, blindé, moins friqué, caillera ou pas du tout, on la mange à toute heure et à tous les goûts : en famille le dimanche ou à l'arrache en sortant de boîte.

Mais dans cette petite ville du Nord-ouest parisien, chez Brother's Crêpes & Café, la crêpe est presque une religion. Le spot est plus qu'un simple snack, c'est le paradis des amateurs de grosses crêpes – ceux qui sont prêts à faire le pèlerinage d'un peu partout en Île-de-France pour venir trouver réconfort, décadence culinaire et sentiment de satiété.

Le concept est simple. Comme chez Subway, on sélectionne d'abord sa taille (« small ou regular »). Ensuite, on choisit parmi l'une des recettes déjà existantes ou on compose sa propre création. On commence par la base (sarrasin ou froment) puis on ajoute les « toppings » parmi 7 fromages, 9 viandes, des œufs, ou encore du saumon. Vient ensuite le moment d'ajouter la touche « healty » (comprenez : les légumes) : la salade, les tomates, les oignons crus, cuits ou frits, les pommes de terre, les champignons, les piments jalapeños, les poivrons, le maïs, les cornichons ou les olives noires. « Au début il y avait des crêperies qui s'aventuraient à mettre quelques légumes. Nous, on est allés plus loin et après une série de tests on a vu que ça marchait super-bien », explique Nabil, le propriétaire des lieux.

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Brother's, c'est une affaire familiale qui existe et prospère depuis octobre 2015. Nabil, l'initiateur du projet, est issu du monde de l'entreprise. Après avoir créé différentes boîtes, il décide – avec ses trois frères – de se lancer dans le business de la crêpe. Dans les années quatre-vingt-dix, son voisin était l'un des responsables de la célèbre crêperie du 2 rue du Faubourg de Montmartre, « Aux meilleurs crêpes de Paris ». Une fois à la retraite, il a alors proposé à Nabil — qui se qualifie comme un enfant de la rue Montmartre — de lui transmettre la fameuse recette de la pâte à crêpe. L'idée d'ouvrir un jour sa propre crêperie fait son chemin dans la tête de Nabil. L'idée de vendre des crêpes « surchargées » d'ingrédients, ça vient aussi de cette influence : « Rue Montmartre, les crêpes ont toujours été blindées. Quand on a commencé, on faisait du classique : œuf, viande, fromage. Mais nos clients qui vont souvent à O'Tacos ou au kebab et qui ont cette culture du bourratif nous ont inspirés. Ils nous en demandaient un peu plus, alors on a commencé à proposer des recettes avec plusieurs fromages, plusieurs viandes, etc. », nous confie Nabil.

De toutes les recettes originales du Brother's, c'est la Pachenga qui est de loin la plus populaire : une base mexicaine, de la mozzarella, des émincés de poulet, du chorizo, des piments, des poivrons, des oignons et une sauce barbecue-chipotle. Le snack tourne bien : on y sert environ 200 crêpes par semaine et plus du double le week-end. Les 4 frères espèrent bientôt franchiser l'enseigne (« d'ici la fin de l'année ») et agrandir la communauté. En attendant, les frangins s'apprêtent à ouvrir un deuxième établissement avec des places assises pour que « les gens puissent venir se poser et manger en famille ou entre amis ».

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Les gens viennent de très loin pour goûter les spécialités du snack comme la Pachenga, la New-yorkaise, la Blue Brothers, la Niçoise, l'Indienne, la Montagnarde, la Parisienne ou encore la Végétarienne.

Stevens, un client de passage, vient directement du département voisin des Yvelines. S'il a fait autant de route ce soir, c'est pour faire plaisir à sa petite amie qui l'a envoyé « en mission » : « Ma copine avait envie d'une crêpe bien copieuse donc on est venu du 78 pour venir chercher la commande. »

Un peu plus loin dans la queue, quatre jeunes filles s'apprêtent à sortir en boîte et sont venues déguster un milk-shake Kinder Bueno pour prendre des forces : elles reconnaissent que les crêpes salés sont bonnes et « bien chargées » mais n'ont pas été aussi convaincues par les crêpes sucrées.

Luc, qui vient du Val de Marne (94), ne regrette pas le voyage : « Vu le tas de garniture qu'il y a dans ma crêpe, ça s'annonce incroyable. » Devant la petite échoppe ce soir-là, on croise aussi quelques étrangers. Leonard et son ami sont Allemands et travaillent au Luxembourg. En week-end sur Paris pour trois jours, c'est la queue immense des clients devant le Brother's qui les a intrigués puis convaincus de passer le pas.

Les étages d'ingrédients de leur commande s'empilent dans leurs crêpes et sous leurs yeux ébahis : emmental, cheddar, viande hachée, émincé de poulet, poulet tikka, œuf, thon, et – parce qu'il ne faut quand même pas abuser – quelques légumes.

Au 1 avenue Marceau, tout le monde est accueilli comme un frère et nombreuses sont les personnalités qui viennent chercher un peu de réconfort dans l'un des cônes garnis de chez Brother's : des footballeurs Ngolo Kanté (qui vient à chaque fois qu'il en a l'occasion pour prendre une crêpe sucrée) ou Kingsley Coman au rappeur Tunisiano, en passant par Yassine Bouzrou (l'une des figures montantes du Barreau de Paris) ou encore ce bon vieux Jacky des Neg'Marrons.

Car plus qu'une simple crêperie, Brother's Crêpes & Café est un endroit de rencontre et de partage qui véhicule les valeurs d'une certaine culture quartier : celle du bien manger, en quantité, sans se ruiner, dans le partage, la convivialité… et la fraternité.