Lyophilisation et mélange au mezcal : avec les inventeurs de la bière en poudre

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Lyophilisation et mélange au mezcal : avec les inventeurs de la bière en poudre

Pour ces pionniers, le résultat était moins important que l’expérimentation. Mais ils se sont bien marrés avec de la binouze au café ou aux fruits exotiques.
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Toutes les photos avec l'aimable autorisation de To Øl.

Tobias Emil Jensen et Tore Gynthe sont des mecs curieux. Quand les cerveaux de la brasserie danoise To Øl se sont demandé jusqu'à quel point une IPA pouvait être chargée en blé et une bière blanche en houblon, ils ont accouché de M. White, une IPA blonde extra-houblonnée. Pareil, quand ils ont décidé de bosser sur une association entre piments et réglisse, ils ont élaboré une stout baptisée Liquorice Confidential et composée d stout avec de piment poblano, de guajillo, de chipotle et de réglisse. Tobias et Tore ont ensuite voulu s'attaquer à la lyophilisation. Résultat ? Une bière artisanale en poudre et différentes saveurs.

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Pour ces petits chimistes, le processus de création était presque aussi important que le produit fini. Ils ont imaginé quatre bières ; une stout au café, une IPA aux fruits exotiques, une pils plus sèche et une blonde extra-houblonnée. Que se passe quand vous y ajoutez de l'eau ? Vous vous retrouvez avec un liquide parfumé à la bière. Pour l'instant, la lyophilisation entraîne la disparition de l'alcool et de la carbonatation. Vous devez donc ajouter votre propre eau pétillante et votre propre alcool pour arriver à un truc qui ressemble à de la bière. Mais Tobias et Tore n'en ont cure. Ils pensent au contraire que ce n'est pas une mauvaise chose.

On a récemment parlé avec Tobias du futur de la bière instantanée, des expériences qu'il allait mener et des projets de To Øl.

**MUNCHIES : *D'où est venue l'inspiration à l'origine de la bière en poudre* ?** Tobias Emil Jensen : Quand j'étais étudiant en science de l'alimentation, j'étais confronté à énormément de produits lyophilisés – framboises, café, soupe, tout ce qui vous vient à l'esprit. Il y a un mec de l'université qui bosse aujourd'hui dans une entreprise de lyophilisation et je me suis dit qu'on pouvait appliquer le procédé à la bière. Ce mec est génial et très drôle. Il a par exemple essayé de lyophiliser un requin. C'est con hein, mais pourquoi pas ?

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*Est-ce que vous avez d'autres projets qui pourraient prendre cette forme ?* Je me suis toujours dit que ce serait marrant si les boulangers pouvaient incorporer de la bière dans le pain ou si les chefs travaillent en cuisine avec des saveurs de bière. Je pense qu'il y a des aspects à creuser dans l'utilisation de cette poudre et pas uniquement sous la forme d'une boisson.

*Le but, c'est de pouvoir faire de la bière partout, en randonnée ou dans l'avion. Mais si on doit apporter notre propre alcool et notre propre eau pétillante, est-ce que ça n'est pas contre productif ?* On peut effectivement le penser. C'est aussi pour ça qu'on travaille actuellement sur une poudre qui conserverait la carbonatation pour éviter d'avoir à ajouter de l'eau pétillante. C'est faisable mais il n'y a pas encore eu de résultat très stable. Si la poudre est exposée à l'air et à l'humidité, elle perd en carbonatation. Il y a aussi le problème de l'alcool, mais je trouve que l'expérience n'en est que plus marrante. Le projet repose sur une forme d'expérimentation. Dans ma stout, je peux ajouter du bourbon, du rhum ou du cognac. Pourquoi pas foutre du mezcal dans l'IPA ? C'est assez rigolo de chercher des associations de saveurs entre les spiritueux et les différentes bières.

*Est-ce que mélanger du mezcal et de la bière est une pratique qu'on devrait démocratiser ?* Je crois que ça rendrait pas mal. Un mezcal fumé doit bien se mélanger avec une bière fruité, houblonné ou avec des saveurs de pin. Je suis persuadé que le pin et le côté fumé se marient vachement bien. Après, c'est à vous de voir. Vous pouvez essayer d'y mettre du schnaps ou tout ce qui vous passe par la tête.

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*Est-ce que vous pouvez nous expliquer le processus scientifique qui permet d'avoir de la bière lyophilisée ?* Il suffit de faire descendre la bière à très basse température – entre 70 et 80 degrés en dessous de zéro. Ensuite, vous la mettez dans une chambre à vide pour que la glace se transforme en vapeur plutôt qu'en liquide. Si vous la portez à ébullition, comme une distillation, vous risquez de détruire toutes les molécules qui donnent le goût à la bière. Ici, les températures basses, vous permettent de récupérer une poudre qui retient toutes les saveurs du produit original. La seule chose que vous perdez c'est l'eau et l'alcool. Si on avait vraiment un labo scientifique, on pourrait faire une sorte de distillation lyophilisée. On pourrait récupérer l'alcool et le combiner avec le produit final.

*Est-ce que vous allez essayer de le faire ?* Hum… C'est difficile. Il faudrait carrément construire une nouvelle machine – celles qui nous permettent de lyophiliser ne fonctionnent pas avec les boissons alcoolisées. Pour ce genre d'expérience, il faut une véritable expertise et pouvoir se permettre pas mal de tentatives, comme l'entreprise qui fait de l'alcool en poudre (Palcohol). Le problème c'est que le processus de lyophilisation est déjà très coûteux et que le produit final serait impossible à écouler parce que trop cher. Pour le moment, c'est un projet rigolo qu'on aimerait faire mais je ne crois pas qu'on puisse l'appliquer dans un circuit commercial rapidement.

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*Combien ça nous coûterait si vous la mettiez sur le marché ?* On n'y a pas encore pensé mais ça coûterait une blinde parce que le processus est vraiment reuch.

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*Qu'est-ce que vous répondez aux gens qui pensent que ce que vous faites est un gadget ?* Ce n'est pas un gadget. Nous sommes une entreprise transparente. Nous montrons aux gens ce sur quoi nous travaillons. Là, on est en train de jouer avec des trucs marrants.

*Est-ce que vous pensez que vivre à Copenhague, dans un pays où il y a des restaurants qui innovent constamment et jouent avec les ingrédients, vous a donné cette envie d'expérimenter ?* Je pense vraiment qu'on a une approche expérimentale pour beaucoup de choses au Danemark. Si vous regardez il y a cinq ou six ans, on n'avait pas de tradition culinaire. On ne voyait pas le pays comme étant une terre de bonne nourriture. On faisait juste rôtir du porc et bouillir des patates. C'est tout. La seule bière que vous pouviez nommer, c'était la Carlsberg. On s'est dit, pourquoi ne pas être créatif ? On partait tellement de zéro, on ne pouvait pas faire pire.

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*Est-ce qu'il y a des nouveaux projets qui vous excitent ?* On a une bière qui va sortir, qui est inspirée par le Campari. On n'a pas voulu utiliser de houblon pour l'amertume. À la place, on a trouvé des herbes et de la peau de pamplemousse. Les gens sont persuadés qu'il y a du houblon dans la bière. Il y en a un peu mais je trouve que c'est sympa d'avoir trouvé une alternative.