Manger comme François Hollande au Salon de l'agriculture

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Manger comme François Hollande au Salon de l'agriculture

Cette année, notre Président n'a pas pu s'adonner à l'attraction incontournable du salon : la tournée des stands. J'ai nommé un gouvernement et j'ai improvisé une visite gastronomique de nos régions à sa place.

Il est 9 heures ce samedi matin quand je déboule au Salon international de l'agriculture. D'une minute à l'autre, François Hollande est censé s'adonner à l'une des attractions incontournables du salon : la tournée présidentielle. Le moins que l'on puisse dire, c'est que ce jour-là, cela ne s'est pas vraiment passé comme prévu.

À peine débarqué dans le Hall 4, les agriculteurs sont tombés à bras raccourcis sur notre cher Président et, d'invectives en altercations, le service de sécurité de l'Élysée a fini par sortir la boîte à gifle. Bilan : un nez cassé et quatre interpellations. Le Président a aussitôt avorté la visite et annulé les dégustations prévues au pavillon suivant. Plus tard, il improvisera une réunion avec les syndicats dans un bureau à l'abri des regards. Après avoir attendu pendant deux plombes qu'il sorte de son huis clos, je me suis dit qu'il fallait prendre les choses en main : j'allais improviser une tournée gastronomique de nos régions à la place du Président.

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DANSE

Toutes les photos sont de l'auteur.

Le Salon international de l'agriculture a été créé en 1964 par Edgard Pisani, alors ministre de l'agriculture, et devient dès sa première année un passage obligé pour tout politique en quête de visibilité médiatique. La visite commence généralement par le cul des bovins au pavillon 1, puis se poursuit par les stands d'innovation et nouvelles technologies au numéro 4, là où cette année la mode semble être aux drones agricoles. Approché par deux hôtesses-commerciales qui souhaitaient me vendre un publireportage sur leur dernier prototype de drone, je leur demande si elles ont eu la chance d'apercevoir François Hollande un peu plus tôt : « Il est passé au stand ce matin avant la cohue, m'annonce l'une d'elles, il nous a dit que la technologie était l'avenir de l'agriculture ! »

Chaque président a sa méthode pour les dégustations. On se souvient tous des virées du grand Jacques, enchaînant bière, pinard, poisson et viande pendant dix heures sans chavirer. Il y a aussi la méthode Sarkozy qui consiste à insulter les visiteurs, entre deux tartines. Hollande, pour sa part, l'a toujours joué discret, enchaînant les stands et les exploitants en épicurien timide. Pour m'aider dans ma tournée des régions, il a quand même fallu que je fasse appel à quelques connaissances. J'ai donc décidé de former mon propre gouvernement – j'ai nommé mon frangin Oscar Premier ministre, mon pote Mathias fera office de Stéphane le Foll, et le reste du groupe complétera les fauteuils ministériels à leur guise.

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TRUFFADE

La truffade, spécialité du Cantal.

Pour démarrer les hostilités, j'ai embarqué mon gouvernement provisoire dans le Cantal, et pour se plâtrer le ventre afin d'être endurant pour l'après-midi, rien ne vaut une bonne truffade. Ce plat de Haute Auvergne, à base de pommes de terre écrasées, de fromage de Salers et d'ail, est le truc qui se marie le plus parfaitement avec une viande rouge. « Le gros sel de la truffade, ça ne vous donne pas un peu soif ? », me demande le Cantalou derrière le comptoir, en abaissant sa tireuse à pression. S'alignent alors les demis de « Bougnat » et de « Birlou », une bière et une liqueur à la châtaigne, très utile pour faire glisser les pommes de terre de la truffade… et réveiller les neurones.

EMILIE-MOSELLE

Emilie, de la fromagerie Ritterwald, exhibe fièrement ses deux gros fromages fermiers.

Après cette petite mise en bouche, direction la zone réservée à la Moselle, où Mathias a eu le brillant réflexe de commander un Pinot noir – un petit rosé de Vic sur Seille et accessoirement : Médaille d'or des vins de Lorraine. « C'est un vin qui s'accorde à merveille avec nos fromages », balance Émilie, l'une des associées de la fromagerie Ritterwald. L'occasion de se faire les dents sur trois fromages fermiers : un Munster, un Marguerite (un genre de camembert) et un Conté nature savoureux. « S'il revient, le Président à plutôt intérêt à aimer mon fromage, m'interpelle Émilie, et d'ailleurs avec mon mari, on a bien l'intention d'incruster nos produits sur les tables de l'Élysée dès que possible. »

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WHISKY-2

Du whisky made in France, en Moselle.

Un peu plus loin sur le stand, une bouteille attire mon attention. La Moselle n'a décidément pas fini de me surprendre : il s'agit du whisky St-Patrick, un single malt 5 ans d'âge, légèrement tourbé, certifié 100 % Moselle et mis en bouteille à Metz. Une action entraînant forcément une réaction, c'est tournée générale : on ne passe pas à côté d'un whisky Lorrain.

ANDOUILLETTE-2

Ce sandwich à l'andouillette vaut tous les discours présidentiels du monde.

Après un petit coup dans le pif, on ne dit jamais non à une andouillette. Direction la Bretagne, au stand « Ty Glazig », une entreprise familiale basée à Quimper et spécialisée dans la distribution de produits du terroir bretons. On bave direct sur le stand charcuterie et le sandwich à l'andouillette, fabriquée à partir de cochon de race blanche typiquement breton et dégoulinant de moutarde : « Ça, c'est un sandwich pour Chirac, m'annonce le responsable, il aurait adoré. » On avale ça en quelques minutes, le tout arrosé « d'un petit jus de pomme sympa », dixit Loic le serveur. En réalité : un petit cidre demi-sec, lui aussi médaillé d'or et vieilli 8 semaines en fut – comme la bière ou le vin –, ce qui lui donne un petit gout sucré bien à propos pour apaiser le feu de la moutarde.

PECRESSE

Valérie Pécresse au mic.

Quitte à côtoyer des gentils indépendantistes, autant continuer en Corse. On trace vers le stand de l'île de beauté dont le slogan annonce la couleur : « Corse, la terre d'excellence », rien que ça. À peine les Figatellis commandés, que Madame Pécresse débarque sur le stand d'en face, chez nos voisins franciliens, pour une conférence de presse, le tout sous les yeux amusés de nos amis du maquis déjà bien entamés à la Ribella. « Ribella », en langue corse, ça veut dire rebelle et « c'est une bière de Patrimonio, brassé grâce à la source du domaine, comme m'explique Pierre François Maestracci, le maître brasseur. On produit aussi nos propres houblons et notre orge pour obtenir ce type de bières ambrées ».

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Après une cigarette dans le froid entre deux pavillons, direction la Corrèze, sur les terres de François Hollande. Nous sommes accueillis par un Tulliste, très fier de nous présenter le slogan de sa ville : « Sors de ta bulle, viens à Tulle » – à mon sens, la meilleure punchline de municipalité française avec le célèbre « Nîmes, la ville avec un accent ». Il annonce la couleur : « Je vais vous faire ma spécialité : une pinte de « Bergère, la bière de Saint Bonnet de Bellac, avec un fond de vodka. C'était le cocktail préféré d'un ancien stagiaire à nous – à la fin du premier verre vous allez rigoler » et en effet on a ri, un peu trop, la bouche remplie de saucisse d'Égletons pour tenter d'amortir les larmes de vodka.

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Noel Jamet, cinq fois champion du monde du cri de Cochon, et Oscar, mon Premier Ministre.

Généralement après cinq régions, la foule commence à être un peu saoule et donc moins dérangeante pour la visite du Président. Pour nous, les transferts entre les stands sont propices aux rencontres, comme quand on est tombés sur Noel Jamet, cinq fois champion du monde du cri de Cochon, que mon Premier ministre a soudoyé dans le but d'obtenir un selfie et une démo live.

MAROUALLES

Au premier plan : un beau maroilles. Au second plan : le Duc de la Confrérie du maroilles.

Tout en haut du hall 7.1 se dresse la région Pas de Calais, où j'ai rendez-vous avec le syndicat du maroilles. Le Duc de la confrérie nous attend en tenue traditionnelle, ce qui rend la rencontre plus officielle et protocolaire. Nous goûtons un maroilles de la commune de La Capelle, l'un des préférés du syndicat. Pour accompagner un fromage aussi fort, rien de mieux qu'une bière robuste. On jette notre dévolu sur « La Ch'ti », une blonde à 8° brassés à côté de Lens, tellement bonne que les tournées s'accumulent sur le tonneau réquisitionné à mesure que le maroilles finit de parfumer nos haleines.

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ACRAS-+-RHUM

Des accras, du rhum. Du rhum et des accras.

Complètement imbibés de bière du nord, on a débarqué au stand de la Réunion en plein décalage horaire mais avec la ferme intention de goûter au meilleur rhum. Nous prenons nos quartiers au comptoir de « La Réunion de la ! », une communauté réunionnaise de Strasbourg qui propose de délicieux acras de morue et de la rougail saucisse. S'en suit une ronde des rhums, pour réchauffer tout mon gouvernement. Qu'il soit arrangé, coco ou exotique, les verres s'enchaînent comme des banderilles avant l'estocade finale.

En général, les Présidents en exercice s'attardent toujours un peu sur le stand de leurs régions d'origine. La majorité de ma délégation venait du BAB (comprendre, le triangle d'or constitué de Bayonne, Anglet et Biarritz), c'est donc le plus naturellement du monde que nous titubons péniblement jusqu'à l'autre bout du salon pour rejoindre les stands du Pays Basque, comme pour mieux mourir sur nos terres. Pour dissiper les effets du rhum, rien de mieux que du Jambon de Bayonne au porc basque, quelques tranches d'Ardi-Gasna (un fromage de brebis local) et quelques demis d'Ackerbeltz, une bière blanche d'Ascain. Un exposant du Tarn a eu le malheur de passer avec une assiette pleine de saucisse : il est reparti le plat vide et la tête pleine de colibets.

Sur les coups de 19 heures, la première journée du salon touche à sa fin et avec elle, notre visite présidentielle improvisée. Sur le pavé à l'extérieur de la grande halle, quelques-uns de mes plus fidèles ministres gisent ivres morts, perdus pour la France. C'est dans le Uber diplomatique qui me ramenait chez moi que j'ai réalisé à quel point mon expérience devenait encore plus authentique : comme bon nombre de Présidents français avant moi, j'étais en train de rentrer du Salon de l'Agriculture dans une voiture avec chauffeur, complètement torché.

Vive la République et vive la France !

Arthur réalise des vidéos pour MUNCHIES France. Quand il ne mange pas comme un Président, il est sur Twitter.