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Food

L'histoire mortelle de la pâte à cookie contaminée

2009, Las Vegas : Linda Rivera succombe sur son lit d'hôpital à une intoxication après avoir mangé de la pâte à cookie crue acheté dans le commerce. C'est le début d’une nouvelle psychose alimentaire qui va pousser les industriels à renforcer les...
Hilary Pollack
Los Angeles, US

Mettre un ami en garde sur le fait qu'il encourt un danger de mort lente et cruelle s'il ingurgite un morceau de pâte à cookie crue peut paraître complètement absurde. C'est un peu comme quand on annonce très gravement à un enfant qui s'amuse à loucher qu'un simple coup de vent pourrait maintenir son regard bloqué dans cette position pour toute la vie. Car le risque pour que cela se produise paraît tellement infime et surtout tellement improbable, que quiconque balance ce genre d'avertissements passe pour un gros mytho.

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Mais l'histoire de Linda Rivera, morte des suites d'une intoxication après avoir mangé de la pâte à cookie crue, pourrait bien marquer le début d'une nouvelle psychose alimentaire.

La pâte à cookie contient des œufs crus et tout le monde sait plus ou moins qu'il n'est pas vraiment recommandé de consommer les œufs crus, à cause des risques contamination aux salmonelles.

C'était en 2009, à Las Vegas. Cette année-là, Nestlé avait dû faire revenir près de 3,6 millions de paquets de sa célèbre pâte à cookie Toll House — que l'on achète crue et prête à cuire — suite à l'intoxication à la bactérie E. coli de plus de 69 personnes dans 25 états des États-Unis. Mais cette épidémie est assez rapidement passée aux oubliettes pour rejoindre la longue liste des intoxications alimentaires qui font la une des journaux pendant deux jours et dont on n'entend plus jamais parler par la suite.

En mai 2009, donc, Linda a eu le malheur de manger « quelques petites bouchées » de cette pâte à cookie contaminée. Deux jours plus tard, elle est tombée sérieusement malade et son état de santé s'aggravant, elle a été conduite d'urgence à l'hôpital. Le diagnostic est assez lourd : un côlon ravagé et un choc septique qui entraîneront plus tard, une défaillance d'organe suivie d'un arrêt cardiaque. À un certain stade de son intoxication, elle est restée plus de dix jours dans un coma artificiel.

La souche du virus qu'elle avait contractée (l'E. coli O157:H7) était exceptionnellement violente. Pour la plupart des gens, les symptômes d'une contamination de ce type se traduisent par une violente diarrhée, des crampes à l'estomac et des vomissements, mais pour Linda les conséquences sont allées un peu plus loin qu'une soirée aux chiottes en compagnie d'un rouleau de PQ.

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Même si les médecins ont réussi à venir à bout de la bactérie, sa santé n'a pas cessé de se dégrader pendant les quatre années qui ont suivi. Elle a fini par mourir des suites de son intoxication, en 2013. Et c'est dans un état grabataire qu'elle a passé les dernières années de sa vie.

Dans le cadre d'une enquête de la Food and Drug Administration (FDA), le fils de Linda, Ricky Simpson, a témoigné et raconté en détail le dur combat mené par sa mère.

La plupart des victimes de l'épidémie de 2009 étaient des adolescents et des enfants, rendant le cas de Linda encore plus exceptionnel. Le plus troublant dans cette histoire, comme l'explique l'épidémiologiste Karen Neil qui travaille aux Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), c'est que tout porte à croire que cette épidémie venait principalement d'une contamination par la farine et non par les œufs. Or, quand le risque de salmonellose est avéré, les œufs crus sont le plus souvent mis en cause ; la farine quant à elle n'est jamais mentionnée. Les œufs dans la pâte à cookie Nestlé sont pasteurisés, ce qui veut dire que le risque de chopper une salmonellose est encore plus faible — que la salmonellose vienne de la farine, par contre, personne ne s'y attendait.

J'ai donc demandé à un porte-parole de chez Nestlé (une certaine « Rachael ») s'il y avait un réel danger à manger de la pâte à cookie crue. Sa réponse a été très consensuelle : « Nous faisons vraiment attention et nous déconseillons très fortement de manger n'importe quel de nos produits qui nécessite d'être cuit au préalable. Si la pâte à cookie maison peut potentiellement contenir des agents infectieux, il en est de même pour celle que nous fabriquons. Les œufs utilisés pour notre préparation sont pasteurisés et théoriquement, ils ne devraient pas contenir d'agents infectieux. Par contre, d'autres ingrédients sont susceptibles d'en contenir ». J'ai ensuite demandé s'il y avait eu d'autres plaintes en rapport à la pâte à cookie déposées par les clients : « Cette information est confidentielle, et nous déconseillons très fortement de manger de la pâte crue », a-t-elle martelé.

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Ce qui est arrivé à Linda est clairement le pire scénario possible. Et j'étais curieuse de savoir s'il était encore fréquent d'attraper une intoxication alimentaire avec de la pâte à cookie. Selon les observations du CDC faîtes sur le sol américain, une personne sur six est touchée par une intoxication alimentaire chaque année et pour plus de 3 000 d'entre elles, l'issue est fatale. En 2011, ils étaient plus de 19 000 Américains à avoir été hospitalisés suite à une intoxication à la salmonelle, contre seulement 2000 cas d'empoisonnement à l'E.coli.

J'ai consulté le Dr. Adrienne Kassis, prestataire de soins santé au One Medical Group, pour en apprendre plus sur le risque réel encouru en léchant occasionnellement une cuillère de pâte crue. Et voilà ce qu'elle m'a dit : bien qu'il y ait des centaines de cas de salmonellose constatés chaque année aux Etats-Unis, seulement un œuf sur 20 000 est contaminé et les principales victimes sont les enfants de moins de 15 ans : « Dans l'ensemble, le risque est faible et les salmonelloses sont rarement graves ». Elle a aussi souligné le fait qu'il est beaucoup plus fréquent et probable d'être victime d'une intoxication alimentaire grave quand on mange des viandes pas assez cuites ou des produits laitiers non pasteurisés : « Personnellement, je n'ai jamais eu d'intoxication alimentaire après avoir mangé de la pâte à gâteau et pourtant je ne manque pas une occasion de le faire depuis que je suis toute petite, a-t-elle ajouté. Je n'ai jamais eu aucun patient qui avait contracté une salmonellose après avoir mangé ce genre de chose. »

Il est donc peut-être utile de le rappeler : dans le cas de Linda Rivera, les coupables n'étaient probablement pas les œufs, mais la farine. Dans un monde où la pasteurisation est reine, on est parti sur une mauvaise piste et on a un peu vite accusé le mauvais ingrédient — Ou peut-être que Linda n'a tout simplement pas eu le cul bordé de cookies.

Suite à l'épidémie d'intoxications qui a eu lieu en 2009, Nestlé a décidé de changer sa recette et a ajouté un avertissement sur l'emballage. Le contrôle a également été renforcé sur chaque ingrédient et leur farine subit désormais un traitement thermique. Mais le risque, bien que minime, peut toujours avoir de très lourdes conséquences.

Dans une interview donnée depuis son lit d'hôpital en 2010, Linda nous mettait tous en garde : « Ne prenez pas le risque de manger de la pâte à cookie crue. Ça ne vaut pas le coup. Vous avez tout à perdre. » Dans de telles circonstances, on aurait plutôt intérêt à prendre ses paroles très au sérieux, mais c'est à notre amour pour la pâte crue de décider si le risque en vaut la chandelle.