Avec la chef qui a trouvé une source inépuisable de houmous

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Avec la chef qui a trouvé une source inépuisable de houmous

Hannah McCollum rachète tous les légumes recalés par la grande distribution pour en faire la meilleure purée qui soit.

Je n'arrive pas à trouver de manière plus originale de le dire. Le fait est qu'on gaspille 40 % de nos récoltes sous prétexte que certains légumes n'ont pas la forme parfaite ou la bonne couleur. Ça fait pratiquement la moitié de tous les fruits et légumes qui poussent avant même d'atteindre les étals des supermarchés et le plan de travail de la maisons où l'on jette chaque année sept millions de tonnes de nourriture.

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Face à cet état de fait, Hannah McCollum a eu l'idée de transformer ces légumes moches en houmous. Elle a aussi lancé une campagne de financement participatif pour agrandir son activité et utiliser encore plus de légumes indésirables. Quand on réalise toute la quantité gaspillée chaque année, son petit business a de la marge niveau matière première.

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Le houmous du chef Hannah McCollum aromatisé au gingembre, à la carotte et au curcuma. Photo via ChicP.

« Je fais ma part, mais c'est encore à un petit niveau. Je sais qu'il existe des agriculteurs que je pourrais aider en exploitant leur production. »

Hannah ne supporte pas le gâchis. Son aversion a commencé quand elle a terminé ses études. Elle a fait une formation en cuisine et a commencé à bosser pour des entreprises de catering sur des événements privés ou sportifs.

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McCollum fait du houmous d'épinards dans sa cuisine londonienne. Photo de l'auteur.

« À la fin de chaque événement, on avait des quantités énormes à jeter : du saumon fumé, des steaks, du pain, des croissants, du fromage. Des quantités énormes partaient à la poubelle. J'ai essayé de faire des trucs pour limiter ça mais on m'a dit de laisser tomber. J'ai arrêté parce que j'avais l'impression qu'il s'agissait d'une tâche herculéenne, sauver toute cette nourriture qui allait être gâchée. »

Après ça, Hannah est devenue traiteur pour des particuliers.

« Quand je devais cuisiner pour beaucoup de personnes, je commençais à utiliser les restes pour en faire des sauces ou du houmous le lendemain », se rappelle-t-elle. « Les gens ont adoré. Ça avait du goût, c'était coloré et marrant. C'était une bonne méthode pour utiliser des choses qui seraient parties à la poubelle. »

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Des feuilles d'épinards fanées vont être transformées en houmous.

Ce qui a commencé comme une façon d'économiser de l'argent pour ses clients s'est finalement transformé en idée de projet.

« Je suis allée voir au marché de mon quartier, parce qu'ils jettent beaucoup là-bas. Dès que j'y allais, je me retrouvais avec les bras chargés de surplus à ramener chez moi. La quantité devenait ridicule. Je me donnais encore plus de taf parce que je ne supportais pas de voir toute cette nourriture gâchée. »

Au départ, difficile de réaliser à quel point cette production de déchets est inhérente à la façon dont on produit les aliments. Mais Hannah a fini par comprendre pourquoi certains fruits et légumes allaient directement par la case poubelle sans même passer par la case marché. Les producteurs les apportent dans de grands hangars. Là, tous leurs concombres, leurs bananes ou leurs carottes sont passés à la loupe sur des tapis roulants. Chaque aliment est scanné pour en vérifier la taille, le poids et la couleur et voir s'il est en conformité avec les standards de la grande distribution.

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De l'huile, du tahini, du citron et des épices. Photo de l'auteur.

« Prenez par exemple un cultivateur de concombres », énonce Hannah. « Il finit toujours avec des caisses entières de concombres qui ont l'air parfaits mais qui ont été recalés parce qu'ils ne sont pas exactement la bonne couleur. »

Tous les légumes à la forme, la couleur ou au poids anormal sont définis en tant que légumes de « classe 2 ». Ils sont alors envoyés sur le marché pour être vendus pour finir en soupe ou en purée.

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C'est là qu'Hannah intervient.

« Même au marché, il y a des caisses et des caisses qui ne se vendent pas. L'offre change toutes les semaines. Un jour, tu tombes sur un type qui a sept caisses de curcuma, un autre qui a toujours des betteraves de classe 2 et un troisième avec des mini-bananes. La semaine d'après, tu ne retrouveras plus les mini-bananes mais peut-être des grosses bananes. »

Hannah utilise donc les rejetés parmi les rejetés. Même parmi ces produits déclassés, il lui reste l'embarras du choix. Elle se concentre donc sur les légumes qui se déclinent bien en houmous et qu'elle est certaine de trouver.

« J'ai plein de recettes mais je me concentre sur les goûts que je peux facilement trouver au marché, qu'importe la saison. On trouve toujours des carottes difformes, des bananes trop mûres, des betteraves qui ont été rejetées parce qu'elles sont trop grosses ou trop petites. Et il y a aussi des herbes aromatiques rejetées parce qu'elles sont trop grandes – les supermarchés refusent les feuilles trop grandes. »

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Du houmous frais avec épinards recalés.

Ces quatre déclinaisons forment la base gustative des houmous de ChicP : carotte, gingembre et curcuma ; betterave, raifort et sauge ; une version très herbacée à base de persil et une autre avec de la banane, de l'avocat et du cacao.

Toute l'élégance du projet de Hannah tient dans la simplicité. Elle m'invite chez elle, dans sa cuisine où ChicP a vu le jour, et me montre comment faire une sauce aux légumes. Il suffit de détailler un petit tas de feuilles d'épinard brunies et de les mixer avec des pois chiches, du citron, de l'huile, du tahini et quelques épices. Une minute plus tard, ces légumes que j'aurais moi-même balancé à la poubelle s'ils avaient été dans mon frigo sont transformés en un mélange frais, vert et savoureux.

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Mais bien sûr, même les légumes ont des limites en matière de ce qui est consommable ou non.

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Une feuille d'épinard un poil trop fané, même pour du houmous.

« Ça, par exemple », me montre Hannah en tenant entre ses doigts une feuille toute ratatinée. À cet instant, l'expression de son visage veut tout dire.

Vous vous demandez peut-être quel peut être l'intérêt de ChicP car même en augmentant sa production de houmous, Hannah ne pourra jamais recycler tous les légumes rejetés du pays en dips pour lunch-boxes ou pour apéros.

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Les différentes sauces imaginées par ChicP et McCollum.

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Mais c'est un début et c'est déjà mieux que rien pour réduire le gaspillage alimentaire. Hanna espère que sa tentative pour gagner sa croûte de manière utile pour la société en inspirera d'autres. Et qu'au final, son travail fera une différence.