Au Royaume-Uni, Silo est le premier restaurant qui recycle 100% de ses déchets
Photo via Flickr user Joi Ito

FYI.

This story is over 5 years old.

Food

Au Royaume-Uni, Silo est le premier restaurant qui recycle 100% de ses déchets

Le gaspillage alimentaire coûte environ 5 milliards de livres chaque année au gouvernement britannique. Un chiffre qui indigne Douglas McMaster, un chef anglais qui vient d'ouvrir Silo, le premier restaurant « zéro déchets » du Royaume-Uni.

Le gaspillage alimentaire coûte environ 5 milliards de livres chaque année au gouvernement britannique. La plupart des restaurateurs se préoccupent peu de leurs déchets ; mais pas Douglas McMaster - un chef cuisinier qui a derrière lui 12 années d'expérience dans plusieurs restaurants à travers le monde, tels que le St. John et le Greenhouse by Joost à Melbourne ou le Quay à Sydney. De retour en Grande-Bretagne, il a décidé d'ouvrir le premier restaurant anti-gaspillage dans un entrepôt monochrome de Brighton.

Publicité

Silo a ouvert en octobre dernier. Nous avions rencontré Douglas McMaster en juillet pour lui parler de son restaurant, qui peut accueillir jusqu'à 50 personnes. McMaster le décrivait comme un « système de restauration pré-industriel », visant à limiter le nombre d'intermédiaires dans un souci de traçabilité, et à respecter les cycles saisonniers. Silo aura ses yaourts maison, fera fermenter son propre vinaigre, moudra sa farine, fera pousser ses champignons, fabriquera son chocolat de la fève à la tablette, et contrôlera l'ensemble de sa chaîne de production en gardant toujours à l'esprit son objectif « zéro déchets ». Ce qui signifie zéro sac poubelle, zéro produits de nettoyage industriels, et surtout zéro restes au fond de bennes puantes. Une machine à compost à 22 000£, la première en son genre en Grande-Bretagne, sera là pour y veiller. À l'époque, voilà ce que nous avait dit l'homme qui pense que le « gâchis est dû à un manque d'imagination ».

MUNCHIES : Salut Douglas. Comment l'idée d'ouvrir Silo t'est-elle venue ?

Douglas McMaster: Quand j'habitais à Melbourne, je travaillais avec l'artiste Hollandais Joost Bakker. Ce type appartient à la cinquième génération d'une famille d'agriculteurs - normal, il est hollandais - et il est en osmose parfaite avec la nature. Silo correspond au concept que nous avons créé ensemble à Melbourne - l'idée était d'utiliser les restes de nourriture pour en faire du compost qui servirait ensuite à faire pousser nos aliments. Il est ma plus grande source d'inspiration et a trouvé la façon la plus innovante d'utiliser les déchets. Il a même créé des œuvres d'art à partir de déchets.

Publicité

Ok. Et pourquoi ouvrir Silo en Grande Bretagne ?

Joost et moi avons créé Silo deux ans auparavant à Melbourne et je m'en suis occupé pendant un an. La dynamique et la réputation grandissante du concept étaient vraiment enivrantes, mais j'ai dû retourner en Grande-Bretagne pour des raisons familiales ; et malgré ma riche carrière à l'étranger, ma réputation en Grande-Bretagne restait à faire. Ça s'annonçait comme un véritable challenge. Un jour, en passant à côté de la fac de Brighton, je suis tombé par chance sur cet incroyable entrepôt. J'ai tapé à la porte et demandé au propriétaire du bâtiment s'il voulait bien me le louer. Il m'a demandé ce que je comptais faire au sein de ces murs et a été tellement enchanté par l'idée de monter Silo qu'il est très impliqué dans la réalisation de ce projet depuis.

Tu as dû voir des quantités monstrueuses de nourriture partir à la poubelle au cours de ces dernières années ?

Oui, carrément. Dans un restaurant (très réputé) de Sydney, ils font un truc qu'ils appellent la « gelée de porc », en faisant réduire au maximum des quantités industrielles de joues de porc pour en faire une gelée de la taille d'une bille. Pour cela, ils utilisent tout un tas de matières plastiques qui ne pourront pas servir à autre chose ensuite. C'était choquant. Un autre restaurant ne sert que le cœur de laitue et jette tout le reste.

Ça craint. Du coup, est-ce que tu as dû adapter ta manière de cuisiner pour créer le menu du Silo ?

Publicité

Absolument pas. J'ai travaillé à St. John, ce qui a changé la donne pour moi. Peu importe ensuite pour quelle cuisine étoilée au guide Michelin je travaillais, je ne retenais que leur capacité à respecter la nature et tout ce qu'elle nous offre. Je pense que c'est un art de vivre. Quand tu cuisines depuis aussi longtemps, et que tu ne fais qu'un avec ta manière de cuisiner, tu reconnais intuitivement quand une idée ou une façon de faire est correcte ou pas.

silomushrooms

Ici, aucun champignon ne finit à la poubelle. Photo prise par Milo Belgrove.

Je vois.

Je pense qu'il faut laisser la nature choisir ce qu'il faut cuisiner. Mais l'industrie agro-alimentaire suit actuellement le chemin inverse. Nous obligeons la nature à se plier à nos désirs. Par exemple, pourquoi trouve-t-on des ananas du mauvais côté de la planète et pourquoi s'obstiner à manger des tomates en plein milieu de l'hiver ? C'est l'une de nos plus grosses erreurs et elle est à l'origine d'une catastrophe écologique planétaire. Ce qui est produit à un moment donné par notre planète doit être ce que nous servons aux clients. Dans notre premier menu d'automne, nous avons servi des plats tels que du poulet rôti avec du pesto au noix, du sarrasin et des fanes de navet, ou du risotto de riz noir aux pleurotes et au lait de brebis caillé.

Est-ce que tu es en bons termes avec tes fournisseurs ?

Eh bien, c'est une question délicate. Il me reste à affirmer la légitimité du restaurant et du concept avant de pouvoir convaincre les gens de changer leurs manières de faire. Mon objectif est de complètement supprimer les intermédiaires et de mettre en place un lien direct avec les fournisseurs tout en achetant uniquement des produits de saison.

Publicité
DouglasSilo

Très bien. Comment tu finances cette machine à composter à 22 000£ ? Tout seul ?

Non, non, heureusement. Joost est un des ambassadeurs de la compagnie de recyclage Closed Loop. Ce sont eux qui nous ont fourni celle de Melbourne ; et la popularité du concept en Australie a permis d'en vendre plus d'une centaine aux meilleurs chefs cuisiniers du pays. J'ai la plus petite, mais c'est la seule en Grande Bretagne. Elle peut produire 60kg de compost en l'espace d'une nuit, mais il me faut généralement une semaine pour en produire autant. J'espère que ça sensibilisera le public et que d'autres restaurants s'y mettront, comme en Australie. Je vais mettre notre compost dans une boîte avec marqué « Compost gratuit », parce que c'est ça l'idée : promouvoir le recyclage des déchets auprès du plus grand nombre.

Mais le concept ne se limite pas au compost, si ?

Non, bien sûr que non. Il y a aussi l'« Eau de Jésus ».

Pardon ?

(Rires) C'est le surnom qu'on a donné à EOwater. C'est une eau électrolysée et oxygénée qui a été créée au Japon pour nettoyer les plaies ouvertes.

Ok. Et en quoi ça a un rapport avec ton restaurant ?

Cette eau est trois fois plus hygiénique que du savon ! En créant nous-mêmes nos produits de nettoyage, nous éliminons tous les déchets liés aux emballages de savons, désinfectants et produits d'entretien.On met la science au profit de nos principes. Ce petit joujou nous coûte 30 000£ mais il nous permet par la même occasion de promouvoir leur système, qui est encore peu connu.

Publicité
douglasmcmasterdish

Un dessert typique de Douglas McMaster : zeste, eucalyptus et petit lait.

Tu penses que les gens ont conscience des quantités de nourriture qui sont gâchées ?

Notre rapport à la nourriture est de pire en pire. Nous voulons à tout prix avoir le contrôle sur notre alimentation, ce qui a pour conséquence de la dénaturer. Il suffit de voir comment de plus en plus de gens souffrent d'intolérances alimentaires ! Nous sommes des êtres biologiques. Pourquoi est-ce que c'est si compliqué de manger des aliments naturels ? La fermentation, par exemple : nous cherchons à maîtriser l'utilisation des bactéries dans ce procédé, au contraire de l'industrie agro-alimentaire. On fera ainsi fermenter notre vinaigre nous-mêmes, et on moudra notre propre farine.

Vraiment ?

Oui, c'est meilleur pour notre santé mais aussi pour l'environnement. Et ça a le mérite de ne pas avoir été dénaturé.

Si tu devais décrire l'industrie alimentaire en un seul mot, quel serait-il ?

Stérilisation.

Tu peux nous donner un nom pour ce nouveau système que vous mettez en place en créant Silo ?

C'est ce que j'appelle le système alimentaire pré-industriel. Cette expression désigne une façon particulière de produire et de s'approvisionner tout en respectant les aliments, tout comme nos ancêtres le faisaient avant nous.