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Le guide pour enfin tout comprendre aux sushis

Les poissonniers du marché de Tsukiji, à Tokyo, nous filent leurs secrets pour déguster les sushis frais et de saison.
All photos by the author. 

Quand je me suis pointée dans le célèbre marché de Tsukiji, il était quelque chose comme 11 heures du matin et la frénésie qui avait démarré aux alentours de 2 heures du matin commençait à s’essouffler. Les vendeurs étaient posés avec une clope au bec ou faisaient une petite sieste, adossés contre une pile de cagettes vides. Les camions allaient et venaient alors que des hommes armés de pelles les remplissaient de carcasses d’animaux marins, et des têtes de poissons aussi grandes que les petites tables basses qui les soutenaient, jonchées au sol comme abandonnées à leur triste sort, au pied des plans de travail en inox. Entourée de tout ce poisson, l’idée d’acheter des sushis au thon et au saumon me paraissait un tantinet ridicule – je ne savais pas trop quoi prendre. J’ai donc demandé conseil aux poissonniers du marché.

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Toutes les photos sont de l'auteur.

J’ai commencé par rendre visite à Kazuhiko Wada, le président de Kamewa Shoten, l’une des 200 et quelques sociétés qui agissent comme intermédiaires entre les grossistes, peu nombreux, et les autres acteurs du secteur. Puis j’ai discuté avec Mina-san, membre hyperactif de Kamaume, rencontré dans les profondeurs du marché dans un couloir de ce labyrinthe chaotique fait de piles de polystyrène et de cagettes en bois, seulement éclairé par la lumière chaleureuse et mystérieuse de lampes que l’on imaginerait tout aussi bien surplombant l’ambiance enfumée d’une table de poker, entouré de kanjis transformés en blasons… Bref, cet endroit m’évoquait parfaitement l’expression de « bordel organisé ».

Mina-san.

Ils m’ont tous deux annoncé la couleur dès le début. Au menu, ce serait : « shun no sakana » (du poisson de saison), et ils ont fait quelques suggestions :

Shirodane.

Les meilleurs sushis en été

La plupart des poissons d’été sont des poissons blancs de la variété « shirodane ». Ce sont des poissons très légers et rafraîchissants. Subtils et élégants, ils sont par ailleurs considérés par beaucoup de chefs comme les meilleurs poissons pour préparer des sushis.

  • Shima-aji (carangue dentue), peut être disponible toute l’année en provenance d’élevages, mais le sauvage n’est disponible qu’en été.
  • Ma-aji, sous-variété de chinchard, avec des lignes horizontales jaunes sur le côté, considéré comme l’un des poissons les plus savoureux.
  • Mako-garei, type de flet endémique du Japon, souvent assaisonné avec du sel et une touche de jus de citron, ou après avoir été pressé entre deux feuilles de kombu ( kombu-jime).
  • On peut trouver d’autres poissons blancs pendant la période estivale. Par exemple l’ isaki (ou bar isaki), le shiro-kisu sauvage (merlan), ou le suzuki (bar du japon), qui sont tous subtils au goût et n’ont pas une trop forte odeur de poisson.

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Sortons maintenant du royaume des poissons. L’ anago (anguille de mer) connaît son meilleur moment en été, grillée jusqu’à ce qu’elle prenne une texture légère, puis arrosée de tare, une sauce au soja. L’ aori-ika, le calamar le plus difficile à mâcher qui soit, est considéré comme le meilleur choix, du fait de son goût naturellement doux et de son riche umami. L’ akaebi, (la crevette rouge) peut sembler un peu agressive, avec cet immense corps allongé de tout son long en travers de votre riz, mais elle est douce et tendre, et pas collante comme peut l’être la crevette crue dans d’autres cultures.

Sujiko.

Les meilleurs sushis à l’automne

L’automne est la saison du shokuyoku (la surbouffe, parce que tout est super savoureux). Les poissons de la catégorie des aozakana (poisson bleu) sont des stars du shokuyoku, de même que les hikkarimono (poisson brillant argenté), qui s’engraissent à cette période de l’année pour donner naissance à leur progéniture. Cette variété peut faire peur aux novices du sushi parce qu’elle a un goût de poisson très fort, mais le niveau élevé de gras des poissons à cette période de l’année va régler ce problème. Tous les aozakana sont généralement servis avec du gingembre frais râpé, et des tranches de negi (d’oignon vert), plutôt que du wasabi.

  • Iwashi, ou ma-iwashi (sardine), ce sushi est très différent de la version en boîte avec laquelle on l’associe généralement, puisque la sardine a un goût doux et léger lorsqu’elle est crue et fraîche.
  • Sanma (balaou du japon) , le symbole de la nourriture automnale au Japon, c’est un long poisson argenté qui tient son nom du kanji qui signifie « épée ».
  • Saba, ou ma-saba (maquereau), peut être mangé cru à cette période de l’année, alors qu’il est généralement mariné dans du vinaigre pour atténuer son fort goût de poisson.
  • Katsuo (bonite) – ou techniquement, « modori Gatsuo », qui signifie « bonite retournée » – ce poisson est en pleine migration vers les eaux plus chaudes du sud et il est bien plus gras qu’en été.

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L’hiver, on trouve encore pas mal de poissons sur les étals. Et quand on les mange, on se retrouve souvent avec une fine couche d’huile sur les lèvres. Le mieux, pour nettoyer ça, c’est un petit saké junmai.

Les meilleurs sushis en hiver

L’hiver, on trouve encore pas mal de poissons sur les étals. Et quand on les mange, on se retrouve souvent avec une fine couche d’huile sur les lèvres. Le mieux, pour nettoyer ça, c’est un petit saké junmai.

  • Buri (sériole) – également appelé kanburi (sériole lalandi) – ce poisson est léger, doux et fondant.
  • Différents vivaneaux : le célèbre madai rouge (vivaneau rouge) est considéré comme le meilleur kinmedai, c’est aussi celui qu’on trouve sur Google. On peut le manger toute l’année, mais il est plus gras pendant l’hiver qui est donc le meilleur moment pour le déguster.
  • Nodoguro (vivaneau nodoguro), est un poisson à la peau rosée, très prisé pour sa chair grasse et tendre, et pêché en mer du Japon.
  • Hirame (cardeau hirame), est un poisson crémeux et subtil. Le meilleur, c’est le engawa, la partie volante à l’extrémité du poisson, qui est bien grasse. Il est léger mais en même temps, riche et butyreux, en particulier lorsqu’il est braisé dans le style aburi, et idéalement, il est accompagné d’une touche de sel ou de ponzu.

L’hiver est également un grand moment pour goûter des neta de sushis (le neta est la partie animale posée sur le riz), sans poisson. Ankimo, qu’on appelle parfois « le foie gras de la mer », est le foie du anko (de la lotte), qui a été nettoyé, cuit à la vapeur, coupé en tranches et servi sous forme de plaque, posé sur le sushi. C’est un plat riche et c’est aussi un mets de luxe. Le crabe, et plus particulièrement le zuwaigani (crabe des neiges), est doux et laiteux. Le murasaki et le bafun, qui sont deux espèces communes d’oursins, ou uni, connaissent leur meilleure période pendant l’hiver, puisqu’ils sont également doux et gras. Le shirako (liquide séminal de poisson), est à disposition des courageux, et il a le même côté crémeux et la viscosité d’un œuf cru.

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Les meilleurs sushis au printemps

Le printemps marque le retour de la légèreté. Le poisson redevient donc plus fin, plus frais. Le katsuo revient, mais cette fois, il est plus maigre et plus consistant.

  • Sayori (demi-bec), est divin, préparé de telle manière qu’une bande de leur peau scintillante et argentée suive la chair blanche, presque translucide, comme la crête d’une montagne enneigée. Il est un peu ferme sous la dent, parce que ce poisson est une espèce d’aspirateur pleine de muscles, mais c’est l’un des meilleurs neta de sushi.
  • Shirasu (bébé sardine), à cette époque de l’année, il donne une sensation de « puri puri » (grassouillet et éclatant) en bouche, et il est généralement présenté en tas, comme garniture du gunkan-maki (maki navire de guerre, de magnifiques petits rouleaux de riz surmontés de poisson).
  • Shirauo (blanchaille), est un tout petit poisson de moins de 10 cm, fin, blanc comme de la glace, servi comme en banc, sur un nigiri.
  • Sawara (thazard oriental), est une sous-espèce de maquereau considéré par de nombreux Japonais comme le meilleur maquereau. Il peut être consommé tel quel, ou passé sous un coup de flamme puis assaisonné d’une pointe de sel. Comme c’est un poisson migrateur, on en trouve également en hiver, et là, il est appelé kan-sawara (sawara de la saison froide), et il est bien plus gras, ce qui est toujours bon à prendre.

Du côté du sans poisson, il existe le hotaru ika (des petites bouchées de calmar luciole), on en trouve parfois sur le gunkan-maki, ou servi avec du su-miso (miso mélangé avec du vinaigre).

Et si ça vous fait trop d’informations à retenir, Wada-san a dit qu’il est totalement possible de s’en remettre aux conseils des chefs : « kyou no osusume » (la suggestion du jour) ou « omakase de » (ce qui vous semble bon).