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Les raisins de la colère

En choisissant un vin chilien comme sponsor, le Tour de France s'est mis à dos les vignerons du Languedoc-Roussillon qui menacent de perturber plusieurs étapes de la Grande Boucle.
Photo via Flickr user Jean-Michel SANGLERAT

Suite à quelques erreurs stratégiques regrettables durant la Seconde Guerre mondiale, une partie du monde prend la France pour un pays de lâcheurs collabos. Mais il y a au moins deux choses qu'aucun Français n'abandonnera jamais sans se défendre : son vin, dont la réputation n'est plus à faire et sa Grande Boucle, seule course cycliste connue à travers le monde.

Et les organisateurs du Tour de France viennent de faire un enfant dans le dos des vignerons français en signant jusqu'en 2017 un partenariat avec Cono Sur, un producteur de pinard d'Amérique Latine. Face à ce sponsor étranger, voir les vignerons s'énerver les uns après les autres puis menacer de foutre le bordel pendant la course est une suite aussi logique que la chute de tout le peloton après celle d'un premier vélo.

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Ce sont surtout les producteurs du Languedoc-Roussillon qui ont pris la mouche. Frédéric Rouanet, président du syndicat départemental des vignerons de l'Aude a critiqué Amaury Sport Organisation (ASO), qui gère la Grande Boucle, et fait savoir que le syndicat « aller perturber » la bonne tenue du Tour de France.

« On est en colère, on se sent presque humiliés », confie Rouanet au Figaro. Il appelle notamment les « autres régions productrices de vin à rejoindre » l'insurrection – le syndicat des Jeunes Agriculteurs a déjà rallié sa cause. « On a l'intention de bloquer des étapes très médiatisées tant qu'un vin français n'est pas choisi pour représenter cet événement sportif, symbole emblématique de la France et vitrine du patrimoine culturel, économique et social. »

Est-ce par prudence que le tracé de la Grande Boucle évite cette année le Bordelais ? Est-ce que les vignerons bourguignons profiteront du départ du Tour à Moirans-en-Montagne pour passer à l'action ? Tout est encore très flou mais les cyclistes traverseront bien le Languedoc Roussillon lors de la 11ème étape qui va de Carcassonne à Montpellier.

Et comme le souligne Decanter, la région s'y connaît en revendication musclée. Elle abrite le CRAV (comité régional d'action viticole), le seul groupe de vignerons terroristes du monde. « Depuis des dizaines d'années, plusieurs attaques contre des producteurs de vins étrangers ont été commises par des membres cagoulés de ce comité. » Pas vraiment le genre de jojos qui se laisseraient attendrir par le nom particulièrement choupi de la cuvée sud-américaine : La Bicicleta.

Mais le coup de gueule des vignerons paraît assez futile. En effet, la loi Évin interdit de promouvoir des boissons alcoolisées pendant un événement sportif. La Bicicleta sera surtout promue lors des deux étapes à l'étranger, en Espagne et en Suisse. Les vignerons français n'auraient de toute façon pas pu s'afficher sur le Tour.

Ce ne serait pas la première fois que la Grande Boucle est le théâtre de revendications. En 1966, les cyclistes ont carrément boycotté la sixième étape du Tour sous prétexte qu'on voulait les soumettre à un contrôle anti-dopage. Ils ont marché avec leur vélo en main sur une partie du trajet.

Il est impossible de savoir comment la situation va évoluer d'ici là. Peut-être que les cyclistes et les vignerons s'écharperont sur les routes du Languedoc le 13 juillet et que le vin coulera à flots. Une manière somme toute très française de célébrer l'esprit rebelle national.