Champagne, sprint et verre cassé : la dernière Course des garçons de café de Londres

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Champagne, sprint et verre cassé : la dernière Course des garçons de café de Londres

Depuis les années cinquante, la Soho Waiters Race invite les serveurs du quartier à s'affronter dans une course effrénée sans faire tomber le contenu de leurs plateaux.

À Londres, la course des serveurs du quartier de Soho est une tradition qui remonte aux années cinquante. Les vieilles photos et les archives vidéo de l'époque montrent les employés des restaurants et des bars du quartier cavaler entre Soho Square et Greek Street dans leurs vestes amidonnées en espérant remporter la très convoitée « Waiters Cup ».

Soixante ans plus tard, le dresscode est un poil plus détendu : la plupart des participants arbore un combo T-shirt-basket. Mais pour ce qui concerne les règles, elles n'ont pas changé : les serveurs doivent concourir en tenue de travail, exclusivement, que cela implique ou non un queue-de-pie et un veston de service. Tout au long de la course, ils doivent réussir à faire tenir un plateau, une serviette, une petite bouteille de mousseux (aujourd'hui du Prosecco – mais à l'origine on utilisait du Champagne).

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Les coureurs de la Soho Waiters Race, Londres. Toutes les photos sont de l'auteur.

« Ils doivent tenir le plateau d'une seule main. Ils peuvent le rééquilibrer avec l'autre main mais cela ne doit pas durer plus de trois foulées », explique Clare Lynch de la Soho Society, l'organisation communautaire qui s'occupe de la logistique. La course a lieu pendant la Soho Fete, un événement annuel.

Des serveurs bénévoles de la Society jouent les arbitres et sont postés sur le trajet de la course pour assurer son bon déroulement et dénoncer tout comportement frauduleux. Le gagnant est le premier serveur à franchir la ligne d'arrivée avec tous ses objets intacts.

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« Le but, c'est de souder les serveurs entre eux et renforcer le sentiment de communauté, m'explique Tim Baros, le responsable de la course et membre de la Soho Society. On veut créer du lien social entre les employés du quartier et les riverains ».

D'ailleurs, ça fait un bail que Soho est devenu un point de ralliement pour les amateurs de bouffe française. Les restaurants de Greek Street comme L'Escargot (qui s'appelait à l'époque Le Bienvenue) porposent des gastéropodes à leur carte depuis le XIXe siècle. La Soho Waiters Race a donc sans doute été inspirée par la fameuse « Course des Garçons de Café », un événement qui se tenait tous les 14 juillet à Paris au début des années 1900 – et c'est probablement à cause d'elle si celle de Londres a encore aujourd'hui toujours lieu à la mi-juillet.

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Si la Course des Garçons de Café de Paris a été créée pour faire rayonner la profession, la Soho Waiters Race quant à elle, s'attache davantage à resserrer les liens entre les serveurs. Pour reprendre les mots de la Soho Society, il s'agit de « montrer que dans Londres, Soho est l'endroit où l'on mange le mieux tout en pouvant y faire la fête également ».

Alors que j'attends le départ de la course, Baros me rencarde sur les obligations qui lui incombent en tant qu'organisateur.

« En ce moment, beaucoup de gens viennent traîner à Soho parce que c'est l'été et qu'il fait beau. Mon rôle, c'est de veiller à ce qu'ils n'aillent pas sur la route afin que les serveurs qui participent aient le plus de place possible. Ils courent avec leur plateau et s'ils font tomber la moindre chose, la course s'arrête pour eux ».

Le départ de la course est donné devant la fameuse French House, sur Dean Street. Chaque bar ou restaurant peut inscrire jusqu'à deux participants et le prix à payer pour entrer dans la course est de 20 £. Tous les coureurs sont rassemblés avec leur plateau. Cette année, des membres de l'association caritative House of St. Barnabas et ceux de la famille qui tient le Mediterranean Café depuis 1987 participent pour la première fois à la course. Les bénéfices iront au Waiters Benevolent Fund, un fonds d'aide mis en place par la Soho Society pour aider filer un coup de main aux serveurs en galère.

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George, serveur-coureur pour le Mediterranean Café.

La course part du French House, puis continue jusque Dean Street en passant par Soho Square, Greek Street et Old Compton Street avant de finir devant un caviste, le Gerry's Wines & Spirits.

Tous les serveurs et serveuses ont leur nom et celui de leur bar épinglé sur leur poitrine. Ils avancent plus ou moins droit dans les rues normalement noires de monde en se concentrant pour ne rien faire tomber. Un peu plus tard, je retrouve Ben, un serveur du Bill's. Il participait pour la première fois à la course. Il pense être arrivé sixième mais il faudra attendre l'annonce officielle des résultats pour en être sûr : « Tous ceux qui étaient devant moi ont fait tomber des choses, donc je pourrai tout aussi bien finir premier, si ça se trouve. »

Son collègue Yani débarque : « J'ai rien cassé moi, et c'est ça qui compte ! »

On se trace ensuite un chemin vers les jardins de St. Anne's Church, là où a lieu le reste des festivités de la journée. C'est ici que je crois la route de George, un serveur-coureur d'origine grecque qui bosse au Mediterranean Cafe. Est-ce qu'il a bien été entraîné pour la course ?

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« Mon boss. Il m'a dit : 'Cours mon gars, contente-toi de courir !' »

Charlie, un autre serveur, officie quant à lui au Dean Street Townhouse depuis deux ans et demi. C'est sa deuxième participation à l'événement.

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« Je pense être plutôt bon – l'année dernière j'ai participé alors que j'avais une cheville foulée et je suis quand même arrivé cinquième », balance-t-il fièrement.

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De son côté, Luca, du Bar Termini de Old Compton Street, pense lui aussi avoir toutes ses chances. Avant le départ, on lui a filé le plus pragmatique des tuyaux : « Cours vite. »

Finalement, les résultats tombent et c'est Luca qui arrive deuxième.

« Ça va, je ne serai pas au chômage demain », dit-il sur le ton de la déconne.

À Soho, si les costumes des serveurs ont bien changé, l'esprit reste sans doute le même. Pourvu que ça dure.