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Petit message au trou du cul qui a volé mes couteaux de chef

Un rouleau de couteaux chouré et c’est toute une brigade qui est affectée, pas seulement son propriétaire éploré.
Foto von Tracy Rhodes via Flickr

Quand cuisiner est votre métier, les couteaux deviennent le prolongement de votre corps. Ils finissent par faire partie de vous et, par conséquent, vous vous y attachez émotionnellement.

Si vous bossez dans un restau, il est fort probable qu'une part importante de votre salaire parte dans ces couteaux. Actuellement, je possède pour 2 000 $ (environ 1 775 €) de coutellerie : épluche-légumes, feuilles de boucher, couteaux de chef. Il m'a pourtant fallu pas mal de temps pour reconstruire la collection qui m'a été volée l'année dernière.

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Je n'oublierai jamais cette sale journée. Je venais de commencer un nouveau boulot dans un restaurant près du Dodger Stadium à Los Angeles et, comme un abruti, j'ai laissé mon rouleau de couteaux dans la caisse pour aller voir un match qui avait lieu en journée. Quand je suis revenu à la voiture, il avait disparu. Ces salopiauds m'avaient aussi volé une veste en cuir et un paquet de clopes mais c'est en réalisant que mes couteaux s'étaient fait chourer que j'ai senti un vide abyssal s'ouvrir dans mes entrailles – comme quand on apprend qu'une connaissance va bientôt mourir et qu'on se rend compte qu'on ne la reverra plus jamais.

Ces couteaux m'avaient vu devenir le cuisinier professionnel que je suis. Le rouleau comprenait un affiloir que mes parents m'avaient offert – il était tellement parfait que même le chef voulait que je le lui prête. Je suis presque sûr que je n'arriverai jamais à en retrouver un aussi bien. Il y avait aussi un couteau très particulier que j'avais reçu de mon ex-copine : il arrivait parfaitement à ciseler un oignon et à dénerver une pièce de bœuf.

Et si le type qui a volé mes schlass me lit, j'espère qu'il se coupera les mains et qu'on lui versera du jus de citron dessus.

Ce vol a été un tel choc qu'il m'a littéralement laissé sans voix pendant quelques instants. Le sentiment était tellement intense que je ne peux le décrire autrement : c'était un mélange de panique et de désespoir. Je me disais « Comment ça a pu arriver ? Pourquoi moi ? » Et quand je suis sorti de cet état, j'ai appelé les flics pour porter plainte. Ils m'ont expliqué que les vols de couteaux professionnels se répandaient de plus en plus à L.A. depuis que les voleurs avaient fait marcher leur cervelle et compris que ces couteaux pouvaient être revendus à très bon prix, surtout ceux en acier carbone.

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La semaine dernière, un autre cuisinier de ma brigade s'est fait voler ses couteaux, lui aussi. Ça nous touche particulièrement parce qu'en travaillant en cuisine, on sait ce que ça nous coûte de gagner dix balles et les heures de travail nécessaires pour pouvoir s'acheter une bonne lame à 200 boules.

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Quand je me suis réveillé le lendemain, je ne pouvais toujours pas y croire. Je me sentais complètement impuissant. Comment aller travailler sans mes outils ? Si vous bossez dans une brigade sympa, les collègues vous prêteront leurs petits couteaux sans trop de valeur et auxquels ils ne tiennent pas plus que ça. Sinon, vous devrez utiliser les couteaux de cuisine qui servent aux cuisiniers du matin, ceux qui sont là pour préparer les oignons et les carottes. Se servir de ces couteaux, c'est comme porter des chaussures en 41 alors que vous faites un petit 37 : c'est bizarre et ça vous ralentit. Vous ne pouvez pas être aussi efficace avec des lames mal taillées et du coup, vous ralentissez tout le monde. Un rouleau de couteaux volé et c'est toute une brigade qui est affectée, pas seulement le propriétaire.

Rien que d'y repenser encore maintenant, ça me fait mal. Psychologiquement, je ne m'en remettrais sans doute jamais. C'est le genre d'événement traumatique qui change toute ta façon de voir la vie et d'appréhender les gens. Je ne souhaite à personne d'avoir à vivre ça. Si les cuisiniers ont quelque chose à retenir de mon histoire, c'est de ne jamais perdre sa trousse de couteaux des yeux, même pour une seconde. Et de ne faire confiance à personne. Et si le type qui a chouré mes schlass me lit, j'espère qu'il se coupera les mains et qu'on lui versera du jus de citron sur les plaies.

Propos rapportés par Javier Cabral

Adrian Correa est actuellement cuisinier au Rustic Canyon de Santa Monica. Vous pouvez le suivre sur Instagram pour voir tous les bons petits plats qu'il fait avec ses nouveaux couteaux.