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Food

Dans la dernière brasserie avant la fin du monde

À Longyearbyen, ville la plus proche du pôle Nord, Robert Johansen, pilote et guide touristique, fait aussi de la bière.
Brasserie Norvège
© Natalie B. Compton pour Munchies

J'ai la gueule de bois, ce qui signifie que je ne conduirai pas de motoneige aujourd'hui. À Longyearbyen, même si on se croit dans l'Ouest sauvage, les règles sont strictes en matière de conduite et d’alcool. Dans la ville la plus au nord du monde, située dans l'archipel norvégien de Svalbard, même une bière avant de prendre le volant vous causera des ennuis. On me dit aussi que la police est particulièrement zélée dans le coin.

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Je ne m'attendais pas à ce que Longyearbyen ait une vie nocturne aussi chaude. Mais la nuit dernière, à 3 heures du matin, le bar était encore rempli de locaux et de touristes venus faire connaissance avec la ville la plus proche du pôle Nord qui n’est qu’à une heure et demie de vol. Du coup, je monte à l'arrière de la motoneige de mon pote et je le laisse conduire.

Alors qu’on fend les flocons en quittant la ville il faut un certain temps pour que mes yeux s'adaptent au faux ciel nocturne. Il est 10 heures, mais il n'y a pas de lumière. On est si loin au nord que le soleil ne brille pas à cette époque de l'année. Malgré l'obscurité polaire, je vois des rennes creuser la terre gelée pour se nourrir.

La plupart des 2 000 habitants de Svalbard se déplacent en motoneige, à vélo ou à pied. Dans le paysage arctique désolé, on ne voit pas beaucoup de voitures. On dirait vraiment la face cachée de la lune. Il n'y a pas d'arbres. Il fait super froid. Et si vous lancez Tinder et que vous essayez de swiper, vous allez avoir mal aux mains au bout de quelques minutes.

Même s'il n'y a pratiquement aucun signe de vie ici, Svalbard n'est pas aussi difficile d’accès qu'on pourrait le croire. Il y a des vols quotidiens via Scandinavian Airlines dès que le temps le permet et on n’est qu’à trois heures d’Oslo. La compagnie aérienne est aussi chargée de l'approvisionnement en denrées alimentaires de l'île. Il y a donc toujours des fruits et des légumes frais en ville (même s'ils sont plus chers que ceux de la Norvège continentale).

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Robert Johansen a fondé la Svalbard Bryggeri en 2015 après avoir passé des années à se battre pour modifier une loi datant des années 1920 qui interdisait la production d'alcool dans l'archipel.

Les habitants parviennent également à trouver de la nourriture dans le coin. La veille, une serveuse du Gruvelageret, un nouveau restaurant gastronomique de Longyearbyen, m’a expliqué qu’il y avait plus de 200 champignons qui poussaient sur l’île et qu’elle avait cueilli ceux présents dans la soupe au cabillaud servie le soir même.

Après une matinée d'exploration dans la toundra glaciale, on est retourné à Longyearbyen pour voir ce qui m'intéresse peut-être le plus sur cette île : la Svalbard Bryggeri. Vous l'avez peut-être deviné au son, c'est la brasserie la plus septentrionale du monde. On s’y rend pour une dégustation. Première étape, la Spitsbergen Pilsner (l'île sur laquelle se trouvent Longyearbyen et la brasserie s'appelle Spitsbergen) au goût de citron. La bière m'aide à dégeler.

Robert Johansen a fondé la Svalbard Bryggeri en 2015 après avoir passé des années à se battre pour modifier une loi datant des années 1920 qui interdisait la production d'alcool dans l'archipel. Maintenant, le slogan de la brasserie, que l'on retrouve sur les t-shirts et les canettes de bière, est le suivant : « On a changé la loi pour faire de la vraie bière polaire ».

Plus rigolo que la bataille juridique, gérer la brasserie n'est même pas le taf principal de Johansen. S’il s’est installé à Svalbard quand il avait 20 ans pour bosser dans les mines, il est aussi pilote à la tête d’une compagnie aérienne locale, propriétaire d'une agence de voyages sous-marine, d'un gymnase et d'une compagnie d'hydravions. Faire fonctionner cette brasserie d’une capacité de 500 000 litres n’est qu’un hobby.

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Ida Larsen, une des quatre salariés de la brasserie, explique que la bière est fabriquée à 16% d'eau de glacier. C'est super cher et super difficile à obtenir – c’est pour ça qu’ils n’en utilisent pas plus. De toute façon, c'est surtout un truc marketing. « L’eau des glaciers, c’est un gadget », dit-elle, « Mais c’est quand même bien réel ».

On passe ensuite à la Spitsbergen Weissbier, puis à la pale ale, à l'IPA, et on termine avec la stout. Les portions de la dégustation sont généreuses et Larsen veille à ce que les verres soient bien remplis quand on aime une bière en particulier.

Je n'ai aucune idée de l'heure ou du jour qu’il est. À cause de l’obscurité arctique, j’ai une perception de la vie assez biaisée. Dans mon état de confusion, la seule chose sur laquelle je peux me concentrer c’est que la Svalbard Bryggeri n’est pas seulement la brasserie la plus au nord du monde, c’est aussi l’une de mes préférées. Et que Svalbard est magique.


Cet article a été préalablement publié sur MUNCHIES US

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