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Dérapages, brûlures et doigts coupés : quand les arrières-cuisines deviennent des films d'horreur

J’ai donc demandé à cinq professionnels du monde de la restauration de me raconter leurs pires histoires d’accidents derrières les fourneaux.

Bienvenue dans Cuisine Confessions, une rubrique qui infiltre le monde tumultueux de la restauration. Ici, on donne la parole à ceux qui ont des secrets à révéler ou qui veulent simplement nous dire la vérité, rien que la vérité sur ce qu'il se passe réellement dans les cuisines ou les arrière-cuisines des restaurants. Dans cet épisode, on s'intéresse à la pire phobie des cuistots : les accidents de cuisine.

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On a tous entendu des histoires de peau arrachée sur une râpe à fromage ou de phalange entaillée à cause d'une carotte mal tranchée. Si dans chaque foyer, la cuisine est un lieu dangereux, dans les restaurants, les cuisines professionnelles sont vraiment des zones à haut risque.

Je dis ça parce que j'ai moi-même travaillé dans la cuisine d'un restaurant et j'ai été le témoin de plein d'accidents plus ou moins sanglants tout au long de ma carrière. Les choses ont d'ailleurs commencé à déraper dès le premier jour de classe à l'école hôtelière lorsqu'une fille qui avait visiblement un peu trop confiance en elle a déclaré savoir se servir de la machine de découpe. Elle avait décrété qu'elle n'allait pas se servir des options de sécurité parce qu'elles rendaient ses manoeuvres plus délicates. À peine deux minutes plus tard, elle hurlait à l'aide et courrait partout en tenant ses doigts qui pissaient le sang. Le prof a inspecté la lame de la machine et s'est aussitôt figé sur place : il venait de tomber sur quelques bouts de doigts qui étaient restés attachés dessus.

Je crois que depuis ce jour-là, assez bizarrement, je garde une certaine fascination pour les accidents sanglants qui arrivent en cuisine. J'ai donc demandé à cinq professionnels de me raconter leurs histoires d'accidents les plus maladroits et les plus terrifiants.

Sander Lenselink a exercé le métier de chef au Pays-Bas pendant des années. Il se souvient de cette journée particulièrement intense pendant laquelle il s'est brûlé le visage. « C'était un vendredi après-midi, on était bondé, il y avait environ 80 clients en salle. Je préparais des gnocchis et j'avais donc fait chauffer une grande casserole d'eau et d'huile pour les faire cuire. En vidant l'eau, la marmite m'a échappé des mains et est tombée dans l'évier. Mon visage a aussitôt été aspergé par toute cette eau bouillante. Je me souviens très bien de la scène – tout ce qui était en train de m'arriver défilait devant mes yeux en slow motion. » Comme c'est arrivé pendant le coup de feu, Sander ne s'est pas arrêté et a continué son boulot jusqu'à ce qu'un collègue finisse par le prendre à part. Il raconte : « Apparemment, j'avais des cloques sur tout le visage. On a nettoyé un peu les plaies et je suis allé à l'infirmerie. Là-bas, on m'a expliqué que j'avais des brûlures au premier et au second degré. Je suis sorti de là recouvert de bandages, comme dans Le Patient Anglais. Je n'ai pas pu travailler pendant une semaine et demie mais heureusement, je n'ai gardé aucunes séquelles de cet accident. »

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Avant de lancer sa propre entreprise de restauration, Joost Brouwer a aussi travaillé en cuisine pendant plusieurs années. Et les journées dont il se souvient le mieux sont celles où un accident a eu lieu. « Dans l'un des restaurants où j'ai travaillé, on cuisinait vite et on improvisait beaucoup – comme dans la plupart des cuisines – du coup, il arrivait souvent que des trucs tombent par terre. Un soir, j'ai glissé sur une moule en balayant le sol. Ma jambe a dérapé vers l'avant et mon genou s'est cogné sur un plan de travail. J'ai fini avec ce qu'on appelle le 'genou du sauteur' : une inflammation de l'articulation de la rotule. C'est assez handicapant, surtout si ton boulot t'oblige à rester debout toute la journée. »

Brûlures et dérapages sont assez courants en cuisine, mais l'accident qui arrive en tête, c'est le fameux doigt coupé. Un chef qui ne s'est jamais coupé fait partie des rares exceptions. Joost garde de son travail quotidien avec les couteaux un souvenir douloureux : « J'avais cette mauvaise habitude qui consiste à essuyer la lame de mon couteau contre mon tablier. Un jour, j'ai carrément oublié de mettre mon tablier et en essuyant mon couteau sur la cuisse, la lame est venue trancher ma chair. Ce jour-là, j'ai décidé que j'allais définitivement changer de méthode d'essuyage. »

Jordy Pottgens est gérant d'un restaurant. Il se souvient en particulier d'une expérience plutôt traumatique avec les déchets. « On venait de recevoir une nouvelle machine pour briser le verre en petits morceaux, genre pour les bouteilles de bière, par exemple. C'était un genre de gros mixeur avec un couvercle et une poignée pour que les morceaux de verre soient bien maintenus à l'intérieur de la machine. Le jour où j'ai voulu la faire marcher, j'ai attrapé la fameuse poignée et j'ai bien appuyé dessus pour écraser le verre, mais ça n'a pas tout à fait fonctionné comme prévu : le couvercle s'est ouvert d'un coup et ma main s'est retrouvée bloquée entre le couvercle et la poignée. Ça m'a tranché le bout de mon annulaire gauche et un morceau de mon majeur. Heureusement, on s'est débarrassés de cette machine rapidement. L'assurance et des gens de la médecine du travail sont toujours en train d'enquêter, mais ce n'est pas ça qui va me recoller mes bouts de doigts. »

Samuel Levie est traiteur et gère une entreprise de communication en alimentation. Pendant ses années de service en cuisine, il a croisé plusieurs chefs un peu têtes brûlés dont les cascades ont souvent mal fini. « Quand j'avais environ 18 ans, je bossais pour un chef qui picolait beaucoup. Un soir, il s'est mis à préparer du caramel pendant que j'étais occupé à faire autre chose. Il m'a alors tendu une cuillère en me demandant mon avis. En cuisine, on dit toujours que c'est essentiel de goûter. J'ai donc goûté. Mais le caramel en question était encore brûlant – et bien collant – et ça m'a complètement cramé les gencives jusqu'au nez. J'ai eu des brûlures apparentes pendant trois semaines et en bonus : une lèvre supérieure pleine de pus qui sentait le caramel. »

Samuel a changé ensuite d'employeur et s'est retrouvé dans une cuisine où le chef avait à cœur de se prouver qu'il était fort en prenant des risques inutiles. « Il disait toujours qu'il pouvait sortir à main nue des croquettes de l'huile de friture. Pour son dernier jour de service, il a voulu nous prouver qu'il ne mentait pas et il a plongé ses mains dans l'huile pour aller chercher les croquettes. Je ne sais pas si c'est humainement possible de mettre ses mains dans de l'huile brûlante sans se brûler – ce jour-là, il s'en est rendu compte à ses dépens. Il a dû tout de suite rentrer chez lui se soigner et c'est sans lui que l'on a tous bu un petit verre à sa santé pour son départ. »

Enfin, l'un des commis du chef Peter Ian s'est récemment tranché le pouce et a perdu plus d'un centimètre de doigt. Le chef a bien voulu me raconter comment cela s'était passé. « Le gosse est venu me voir en me montrant sa moitié de doigt et m'a tout simplement dit qu'il avait besoin de voir un médecin, rapport au fait qu'il avait utilisé la machine de découpe. En effet, après vérification on y a bien trouvé un très beau bout de doigt plein de sang. Suite à cet accident, j'ai dû le remplacer moi-même en cuisine pendant sept jours d'affilée. Après une semaine, il est revenu avec un bout de doigt carré. » C'est assez fréquent de voir débarquer aux urgences des gens qui rapportent leur bout de doigt dans un Tupperware avec des glaçons en espérant que les chirurgiens vont réussir à les recoudre.

Je terminerai donc cette collection d'histoires édifiantes en soulignant qu'un peu de bon sens pourrait éviter de faire couler beaucoup de sang : jouer avec de l'huile brûlante, des machines à découper ou des couteaux bien aiguisés, c'est toujours une mauvaise idée.