Plaidoyer pour un houmous

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Plaidoyer pour un houmous

Quand je tombe sur du houmous, c’est comme si je tombais dans un grand tourbillon : je bascule en apnée et il faut que j’en bouffe le plus possible.

Quand je tombe sur du houmous, c'est comme si je tombais dans un grand tourbillon : je ne peux pas m'empêcher de tout engloutir très vite et sans bruit. Je bascule en apnée et il faut que j'en bouffe le plus possible. Ma façon préférée de l'accommoder, c'est comme on fait à Jérusalem : avec du bœuf ou de l'agneau haché chaud par-dessus. Avouez que c'est quand même une idée de génie. Je tourne à plus d'un litre par semaine et si on fait le calcul sur toute ma vie, je crois que j'ai presque atteint les 2 000 litres.

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En Israël, on ne dit pas « manger du houmous » mais plutôt « s'essuyer un houmous ». C'est dire à quel point les Israéliens aiment se casser le bide avec cette crème. Le truc à ne jamais faire par contre, c'est de servir une petite portion individuelle de houmous dans son assiette. Tout le monde trouverait ça bizarre puisqu'ici, l'idée c'est plutôt de se nourrir directement à la source, dans le bol de houmous. Mais il ne faut pas trop se formaliser non plus car l'étiquette concernant la consommation houmous n'a pas encore atteint un vrai consensus.

Il faut y aller sans hésiter et bien essuyer ; il faut faire place nette. Tu prends ton pain pita, tu en déchires un petit bout et tu le transforme en une petite embarcation qui va contenir le plus de houmous possible.

En vérité, il n'y a pas de mauvaise façon de manger le houmous, mais parfois je vois des gens plonger un bout de pita ou de laffa dans le bol comme s'ils trempaient un mouchoir dans de l'eau avant de s'essuyer le visage avec et là je me dis : « Ils n'ont pas capté la vérité du houmous. Il faut y aller sans hésiter et bien essuyer ; il faut faire place nette. Tu prends ton pain pita, tu en déchires un petit bout et tu le transforme en une petite embarcation qui va contenir le plus de houmous possible ». À part ça, tu manges un peu ton houmous comme tu veux.

Le houmous lui-même est protéiforme. En été, il commence à fermenter à température ambiante alors qu'en hiver, il a tendance à se solidifier. La meilleure saison pour le déguster, c'est à la fin de l'automne, mais ce qui est vrai en Israël ne l'est pas forcément ailleurs. Il n'y a pas de secrets pour le préparer, donc pas d'excuse non plus pour le rater. Le tahini, par exemple, doit être assaisonné à la perfection et il doit avoir une consistance particulière. Il ne faut pas qu'il y ait trop de citron ni trop d'ail, et il ne faut pas qu'il soit trop solide. D'ailleurs c'est assez difficile à rattraper si vous l'avez fait trop consistant.

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Notre restaurant envoie près de 4 litres de houmous par heure, mais quand on a du monde, ça peut monter jusqu'à 20.

FAITES-LE: La recette du houmous à la mode de Jérusalem

Chez Zahav, la préparation des pois chiches est un vrai rituel. On fait tremper, cuire et on presse un nombre inimaginable de pois chiches. On met en plus un chaudron entier plein de légumes à bouillir – ça prend beaucoup d'espace, du coup les pois-chiches occupent une place centrale dans la cuisine. On a un Robot-Coupe géant avec un moteur de Formule 1 qui ne sert qu'à une chose, c'est mixer le houmous – vu le bruit qu'il fait et la puissance qu'il envoie, il ne lui faudrait que quelques secondes pour broyer et réduire en poussière des os humains.

Quand je suis arrivé ici, j'essayais d'imiter exactement les plats typiques comme on trouve en Israël mais au final, ça ne marchait pas trop.

Ici, on n'a pas l'opportunité de tracer l'origine de nos produits comme en Israël. Dans notre restaurant de Pennsylvanie, le climat n'est pas le même qu'au Moyen-Orient. Donc il faut faire avec les ingrédients locaux.

Par exemple, le choux kale – qui pousse presque toute l'année dans la région – est un légume important pour nous puisqu'il rentre dans la composition de notre taboulé. Aux États-Unis, ça fonctionne très bien alors qu'en Israël, c'est quelque chose qui serait reçu assez bizarrement. C'est ce que nos clients attendent de nous et en tant que chef, je me dois d'être créatif. Quand je suis arrivé ici, j'essayais d'imiter exactement les plats typiques comme on trouve en Israël mais au final, ça ne marchait pas trop.

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Quand l'indépendance d'Israël a été proclamée, en 1948, le pays a connu des premières années très austères. À l'époque, mes parents étaient fauchés et ils utilisaient de la margarine à la place du beurre. Tout le monde avait des tickets de rationnement. C'était pas comme maintenant. Ce n'était pas franchement occidentalisé et tout était subventionné par le gouvernement. David Ben Gourion, le premier Premier Ministre d'Israël, s'est retrouvé avec pas mal de pain sur la planche, sans mauvais jeu de mot. L'une de ses premières préoccupations fut de trouver un substitut au riz qui ne coûtait pas cher à produire. C'est comme ça que le gouvernement israélien a imaginé et mis au point le ptitim, aussi appelé « couscous de Jérusalem », une base de pâte coupée en forme de toute petites perles qui donnent l'impression de manger du riz.

Finalement, j'ai l'impression que le meilleur moyen de se faire une idée d'Israël, c'est à travers sa culture culinaire. Et ce qu'il y a de bien quand on parle de bouffe, c'est que l'on n'a pas à parler de politique. Je ressens le besoin d'apporter mon soutien à un pays qui, selon moi, est souvent mal compris. Je ressens aussi le besoin de manger du houmous, beaucoup de houmous.

Propos rapportés par Helen Hollyman.

Note de l'éditeur: vous trouverez un chapitre entier sur le tahini, et plein d'autres choses, dans le premier livre de cuisine de Michael Solomonov, Zahav: A World of Israeli Cooking (non traduit), disponible aux éditions Houghton Mifflin Harcourt.