Le banh mi à 100 balles que les Vietnamiens s'arrachent
Photos avec l'aimable autorisation d'Anan Saigon et de Best Ever Food Review Show

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Le banh mi à 100 balles que les Vietnamiens s'arrachent

« C'est un peu too much, mais en même temps, on respecte le sandwich », explique Peter Cuong Franklin.

Difficile de dire si le chef Peter Cuong Franklin est un génie absolu ou juste complètement timbré.

Dans une ville où le salaire mensuel moyen est d'environ 200 balles, ce gastronome fou propose un banh mi à 100 balles au menu de son nouveau restau, l'Anan Saigon. À titre de référence, la valeur marchande du sandwich le plus célèbre du Vietnam – une baguette avec du porc, du pâté et des légumes marinés – atteint 1 dollar (voire moins) dans les rues de Hô-Chi-Minh-Ville, qu'on appelle encore Saïgon ici. En gros, si vous appliquez le même raisonnement que Peter, vous vendriez un banh mi à plus de 1 000 euros dans le Marais. Ce qui fait beaucoup pour un sandwich.

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Plutôt que de choisir Paris, Hong Kong ou Los Angeles, Peter Cuong Franklin a décidé de commercialiser le banh mi le plus cher du monde dans un des plus anciens marchés de Hô-Chi-Minh-Ville, le Cho Cu Old Market, où l'on s'agite au-dessus de chaudrons bouillonnants de soupe, bún mm sucré et iodé (le Mekong dans un bol) ou bún bò huế (un grand classique de la cuisine épicée du centre du Vietnam). Le restau de Peter est entouré d'au moins trois vendeurs de banh mi cent fois moins cher.

Et pourtant, les clients en raffolent.

« Le fait qu'on ait pu le vendre à des Saïgonais, c'est déjà incroyable. Mais on reçoit également des gens venus d'autres régions », explique le chef, qui évoque la gastronomie du pays en constante évolution. La modernisation rapide de Hô-Chi-Minh-Ville a entraîné une affluence de locaux et d'expatriés dont, visiblement, de nombreux fans de son banh mi. « Il y a cette curiosité qui pousse à l'essayer. Quand on le fait en cuisine, on cherche à obtenir quelque chose d'amusant et d'un peu fantaisiste. C'est 'too much', mais en même temps, on respecte le banh mi. »

Les clients ont l'air séduit. J'ai l'impression que, chez Peter, le curseur penche plutôt du côté du génie que du fou. (Au moment où j'écris ses mots, je me rends compte qu'il a peut-être glissé l'idée de cet article dans mon sommeil – comme dans Inception.)

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Avant de rendre mon verdict, je jette un coup d'œil à ce que Franklin met dans son sandwich.

« On commence par étaler de la mayonnaise aux truffes des deux côtés du pain avant de le mettre sur le gril », dit-il. « On peut manger ça tout seul et c'est déjà sacrément bon. Ensuite, on ajoute une couche de pâté. Je me fournis chez un charcutier français basé à Da Lat [Vietnam]. C'est un produit magnifique et on l'étale aussi des deux côtés du pain. Encore une fois, vous pouvez le manger tel quel et c'est déjà un délice. Franchement, vous me donnez ça, je suis le plus heureux des hommes. »

Mais ce n'est pas fini. Comme la viande d'une côtelette de porc est trop épaisse pour bien cuire sur le gril, il utilise une méthode de cuisson sous vide – qui consiste essentiellement à foutre la barbaque dans un sac sous vide à une température précise pendant six heures..

Pour ce sandwich, on met généralement quatre morceaux de foie gras, d'environ 40 g chacun. On a récupéré la graisse pendant la cuisson et on arrose le banh mi avec.

« L'avantage, c'est qu'on conserve la saveur et la texture », explique Franklin. Lorsqu'une commande est passée, la côtelette est sortie du sac et déposée sur le gril pour obtenir ce parfum grillé et fumé. « On utilise un morceau qui a un bon ratio graisse/viande », précise-t-il. « Il y a une même partie de la poitrine du porc. C'est une très grosse côtelette qui s'installe dans le banh mi. »

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Enfin, il est temps d'ajouter le foie gras. « Quand vous allez dans un restau français et que vous prenez du foie gras, vous avez normalement un morceau de 30 à 50 g, parce que c'est très riche et blindé de saveur », confie Franklin.

« Pour ce sandwich, on met généralement quatre morceaux, d'environ 40 g chacun. Quatre briques. On a récupéré la graisse pendant la cuisson et on l'utilise ensuite dans la sauce qu'on fout dans le sandwich. »

L'art du banh mi réside dans l'équilibre. C'est dans cet esprit qu'on ajoute un assortiment d'herbes et de légumes. La coriandre, le concombre, le basilic et la menthe – ou comme Franklin appelle ce mélange, les herbes de Saïgon – apportent une touche croustillante et croquante qui arrondit toutes les saveurs.

« Ce truc est maintenant prêt à nourrir un Américain très affamé ou un couple de Vietnamiens », plaisante-t-il. Qu'est-ce qu'on sert avec un banh mi à 100 balles ? Des patates douces trempées dans du caviar, bien sûr. Si vous trouvez ça un poil trop décadent, vous pouvez toujours utiliser la mayonnaise aux truffes à la place.

Pour faciliter la déglutition, Peter sert deux verres de Prosecco. En additionnant la somme de tous les ingrédients, on peut dire que le prix à payer est lourd mais pas disproportionné.


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« Si vous voulez changer les règles du jeu, vous devez être prêt à prendre des risques et parfois des coups », dit Franklin. « Je l'ai fait assez souvent pour savoir ce qui va se passer. Avec le banh mi, j'étais préparé. Une des raisons pour laquelle je me suis lancé dans sa conception, c'est parce que je pense que c'est une bonne chose pour la nourriture de créer une conversation. »

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Alors qu'on termine la bête, il ajoute nonchalamment : « Je suis aussi en train de bosser sur un phở à 100 dollars ».

Quel filou.