En Colombie à la découverte des différentes étapes de production du café

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En Colombie à la découverte des différentes étapes de production du café

De la récolte au triage en passant par le séchage, un reportage dans une « finca cafetera » sur les traces de l'or rouge colombien.

Un paradoxe survient lorsque l'on pose le pied sur le sol colombien et que l'on goûte à son premier café. Son caractère âpre et sa dominante minérale – autrement dit, de flotte – en font une boisson absolument imbuvable.

Une vue sur l'Hacienda Venecia, une ferme de café qui s'étend sur 120 hectares. Toutes les photos sont de Mathilde Coué.

Le café que tout le monde boit ici s'appelle «  Tinto » et croyez-moi, c'est un véritable jus de chaussette. On en regrette presque l' Americano de Strarbucks. Je me suis demandé comment le pays troisième exportateur de café au monde pouvait accoucher d'un café aussi dégueulasse.

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Dans les bureaux de l'Hacienda Venezia, on s'occupe de toute la logistique : salaires des cueilleurs, exportations, livraisons.

La raison est simple : le café de qualité supérieure, qui représente 70 % de la production colombienne, est réservé à l'export et s'envole vers plus de 36 pays. Les Colombiens se contentent de boire les 30 % de café restants : des grains de deuxième et troisième catégories.

Un dépulpeur mécanique (donc plus vraiment utilisé) qui sert à séparer la peau du café du fruit.

Même avec la plus belle des machines, si votre café est bas de gamme, il est impossible de faire un bon  espresso ;c'est un peu comme si l'occident avait cultivé le goût du café et que les pays producteurs se contentaient de lui fournir la matière première.

En décembre 2014, la Colombie est classée au troisième rang des pays producteurs de café, derrière le Brésil et le Viêt Nam.

Mais au cœur de la zona cafetera, la région productrice dans laquelle je me suis rendue en Colombie, le café est 100 % arabica, une variété réputée pour être de bonne qualité. Située à 300 kilomètres à l'ouest de Bogota, on produit ici environ 25 % du volume total national. L'arabica a gagné ses lettres de noblesse face au robusta grâce à ses arômes et sa finesse. En contrepartie, sa culture est plus délicate et moins productive.

Le caféier est souvent protégé par l'ombre des autres arbres, ce qui lui permet de se développer plus facilement.

Alors que le robusta s'accommode des terrains de plaine, l'arabica nécessite quant à lui un climat plus frais et tempéré. En pleine cordillère centrale des Andes, à 11 km au sud de Manizales, la capitale du département de Caldes, l'Hacienda Venecia est une finca cafetera (une ferme de café) qui s'étend sur plus de 120 hectares. C'est donc ici, perchée dans les montagnes à 2 100 mètres d'altitude, entre humidité et chaleur, que j'ai pu découvrir les différentes étapes de fabrication du café.

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À 17 heures, avant la tombée de la nuit, les cueilleurs descendent pour pesée leurs sacs.

La récolte se fait deux fois par an, sans compter la petite récolte intermédiaire moins importante qui intervient entre les deux.

Une personne cueille entre 80 kg et 120 kg par jour, et gagne 300 000 pesos par semaine (91 euros).

Chaque étape de production a le même but : trier et classer les grains afin de sélectionner les meilleurs. En Colombie, on favorise la méthode dite humide : une fermentation des grains dans l'eau qui permet d'accentuer les arômes et les saveurs.

La fermentation du café dure de 6 à 48 heures dans des bacs à eau qui permet de trier le café dense (et recherché) du café léger qui remonte à la surface, destiné à la consommation colombienne.

Cette méthode est un peu plus complexe que la méthode par séchage, mais elle a l'avantage de donner un résultat homogène sur toute la récolte. On a besoin de 50 à 100 litres d'eau pour faire un kilo de café, c'est pourquoi on retrouve un système de récupération et d'épuration d'eau dans toutes les fincas cafeteras.

Le café vert décortiqué est celui qui s'exporte sur les marchés internationaux.

La phase de torréfaction ne se fait pas sur place mais directement dans les pays importateurs de café. Chaque région du globe a ses préférences de goût, et chaque torréfacteur va donner au café ses propres arômes et son identité gustative en fonction de la demande.

Le fruit du café est un type de drupe, c'est-à-dire charnu à noyau. À droite la cerise de café est  enfermée dans une coque semi-rigide transparente, c'est la paroie du noyau.

Pour faire torréfier le café, on le fait chauffer entre 210º C et 230º C. On distingue plusieurs cuissons ou « toasts » : léger, médium et intense. Après torréfaction, l'amateur de café identifie d'abord plusieurs goûts (vinaigré, dur ou encore amer) puis des arômes (caramel, noisette, herbé, fumé). Dans les coffee-shops ou sur les terrasses des puristes européens, on parle de café comme de vin. Alors que les Colombiens – eux qui n'ont pas appris à le boire –, aiment leur café comme notre vin : doux et sucré.

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LIRE AUSSI : De l'art de boire du café, selon David Lynch

Mon expérience personnelle avec le café Colombien a trouvé son apogée dans la capitale, près de la fameuse place Bolivar. L'odeur du café est telle que je n'ai pas pu résister à entrer dans un de ces cafés pour touristes comme on pourrait en trouver à Brooklyn. C'est pourtant là-bas que j'ai goûté à l'un des meilleurs cafés de toute ma vie. Le café venait de la région de Santanders et le patron du bar était… Américain. Chacun en tirera ses propres conclusions !

Le plant doit grandir durant 3 ans avant sa première récolte, et devient rentable au bout de 5-6 ans.

Angelica, 26 ans, travaille dans les plantations de café depuis ses dix ans.

La récolte est réalisée à la main, fruit par fruit. Les mains rugueuses d'Angelica évitent les épines du caféier.

Angelica met 2 heures pour remplir un sac quand le café est bon, et une journée entière quand le café est mauvais.

Les cueilleurs travaillent super vite, en jetant les fruits mûrs dans un sac attaché à leur taille.

Un sac de café pèse 40 kg.

Maria et sa fille de 13 ans (à droite) sont chargées d'annoter le poids des sacs à chacun des cueilleurs.

Le kilo de café récolté est payé entre 350 et 400 pesos (70 centimes d'euros).

La pesée est aussi un moment de rassemblement et de convivialité.

Une balance pour peser le café.

Le mouillage : dans les six heures qui suivent la cueillette, on baigne les cerises dans des bassins afin que la partie charnue se dégrade.

On dépulpe le café à l'aide de machine pour éliminer les morceaux de pulpe qui sont restés accrochés au noyau.

À l'issue de la fermentation, les grains de café sont à nouveau abondamment lavés dans un courant d'eau.

On fait sécher les grains pendant une dizaine de jours au soleil pour baisser l'humidité à 12 %. Le grain de café de première qualité a une couleur claire (blanche à grise). À l'inverse, le grain de 2e et 3e qualité est plus sombre, voire noir.

Les coques sont récupérées et utilisées comme combustible.

En Colombie chaque producteur de café doit obligatoirement vendre sa production à la Fédération Nationale du Café qui fixe le prix d'achat du café et traite le négoce à l'international.

560 000 familles vivent sur le commerce du café.


Mathilde Coué est une photographe indépendante basée à Paris. Elle est la fondatrice de Studio Artichaut, un studio de photographie spécialisé dans le culinaire.