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Les candidats à la chefferie comptent sur la jeunesse pour sauver le PQ d’une mort certaine – avec les réponses d’Alexandre Cloutier (enfin)

On a demandé aux candidats à la chefferie ce qu'ils pensaient la mort prédite du parti de René Lévesque.

Le Parti québécois va mourir, et c'est les Y qui vont le tuer. C'est ce qu'ont conclu deux chercheurs du Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique.

L'étude réalisée par Valérie-Anne Mahéo et Éric Bélanger prédit la mort du PQ en 2034, quand d'importants changements vont s'opérer dans la démographie : les jeunes vont prendre le dessus sur les vieux… et non, les jeunes ne s'intéressent plus vraiment au PQ ni à la souveraineté.

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En pleine course à la chefferie du PQ, cette étude soulève d'importantes questions pour les candidats. Comment redonner le vent dans les voiles à un bateau qui coule? Ça passe par la jeunesse, d'après les candidats à la chefferie.

Mise à jour (le 5 octobre 2016): Comme nos demandes d'entrevues auprès d'Alexandre Cloutier n'avaient pas abouti, nous avions choisi de publier cet article la semaine dernière, sans ses réponses. Le candidat nous a finalement contactés le 4 octobre pour nous faire part de sa vision des enjeux.

Qu'est-ce qui fait que les jeunes ne sont plus péquistes, comme c'était le cas lors des référendums de 1980 et 1995?

Probablement [qu'il y a eu une perte de confiance envers les grands partis], mais en même temps, être jeune, c'est vouloir remettre les choses en question. C'est un peu ce que je leur propose dans cette course au leadership: se joindre au changement et cette volonté de remettre les choses en questions. Je pense aussi que le virage identitaire a fait mal au Parti québécois. C'est pour ça que j'essaie de faire le pont entre les générations, d'avoir une position qui est plus consensuelle sur ces enjeux-là et d'avoir aussi une ouverture à la diversité québécoise, parce que le Québec d'aujourd'hui a changé. Il faut que le Parti québécois fasse sa place à cette belle diversité qui enrichit le Québec.

Qu'est-ce que le parti doit faire pour renouer avec les jeunes?

Le défi que je me suis donné, c'est de ramener des jeunes dans notre formation politique. J'ai fait des propositions qui s'adressent à eux, comme créer un Conseil de la jeunesse qui va conseiller directement le premier ministre, mais qui aura aussi la responsabilité d'inciter les jeunes à se joindre à la fonction publique, pour construire une fonction publique compétente, à leur image. Il faut retrouver notre esprit réformateur, notre volonté de changement. Quand on est jeune, on veut prendre des risques, on cherche des voies alternatives. C'est cet esprit-là qu'incarnait le Parti québécois de 1976, quand il était rempli de jeunes. La jeunesse n'a plus de voix politique présentement; c'est au Parti québécois à l'incarner.

Comment on donne l'envie aux jeunes de lever le poing en criant « On veut faire du Québec un pays! »

C'est en répondant aux questions sur l'environnement et sur l'éducation dans un contexte de Québec pays. L'indépendance est un projet qui est vieilli et qui doit être adapté à la situation d'aujourd'hui. Je veux que la jeunesse vienne le définir avec nous. J'ai proposé par exemple des chantiers sur l'indépendance que je vais lancer dès la semaine prochaine, pour expliquer concrètement ce qui va arriver pour nos régions, pour le développement économique du Québec. C'est le défi que je me suis donné pour réussir à ramener des jeunes et leur donner le goût de s'impliquer avec nous.

Le taux de participation des jeunes aux élections est ridiculement bas. Comment on les incite à se rendre aux urnes?

Ça ne date pas d'hier, ça a toujours été un défi d'intéresser les jeunes à la politique. C'est à nous de la rendre intéressante, de la rendre inspirante, et c'est ce que j'essaie de faire avec les propositions que je défends. C'est évident que les médias sociaux, c'est aussi une partie de la solution. Il y a quand même des dizaines de milliers de personnes qui nous suivent sur les réseaux sociaux. C'est une des façons de diversifier notre façon de communiquer. Je pense que c'est important et fondamental pour réussir.

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Qu'est-ce qui fait que les jeunes ne sont plus péquistes, comme c'était le cas lors des référendums de 1980 et 1995 ?

Jean-François Lisée : Ça fait 4 générations qu'on dit que le PQ est le parti d'une génération, et ils vont continuer à le dire même dans 10 générations. C'est clair que l'appui à l'indépendance décline chez les jeunes, mais on sait qu'un renversement est possible. C'était le cas avant le référendum de 1995. Et ce qui fait que les libéraux ont eu plus de jeunes à l'élection de 2014, c'est que les 18-24 francophones péquistes sont restés à la maison. L'abstention est la principale cause de la défaite du PQ en 2014, et de loin.

Martine Ouellet : Vous dites qu'en 1995 il y en avait beaucoup, mais c'est parce qu'il y a un travail qui a été fait. Je pense que là où il y a eu une dérive du Parti québécois dans les dernières années, c'est que le Parti québécois, son article 1 c'est l'indépendance. Mais quand vient le temps de faire des plans d'action, on dirait que ce n'est plus l'indépendance qui est mise de l'avant. Je propose de briser la glace, qu'on s'assume pleinement en tant qu'indépendantistes et sociaux-démocrates.

Paul St-Pierre Plamondon : La politique ne réussit pas à convaincre les 20 à 35 ans, et ce depuis 10 ans. Pourquoi? Parce qu'il y a eu pendant l'ère Charest une ère de corruption, de perte de confiance généralisée, et on ne peut pas dire que le Parti québécois dans son court mandat minoritaire a réussi à changer ça. Il n'y a aucune raison pour que le Parti libéral soit le parti de la jeunesse avec la quantité de corruption qu'ils génèrent sur une base régulière. C'est au PQ de se remettre en question et de se dire « Mais là, qu'est-ce qu'on n'a pas compris? ».

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Qu'est-ce que le parti doit faire pour renouer avec les jeunes?

Lisée : C'est en étant des porte-paroles crédibles de thèmes auxquels les jeunes sont très sensibles. Je veux donner plus de pouvoirs et plus de moyens aux militants jeunes pour connecter avec la jeunesse. Je suis un peu frustré de voir que l'aile jeunesse du Parti libéral du Québec a davantage de pouvoirs que l'aile jeunesse du Parti québécois. Dans les statuts du Parti libéral, les jeunes comptent pour 30 % des votes au congrès. Nous, ça n'existe pas. Je veux renverser ça. Aussi, il y a une nouvelle cohorte de 90 000 jeunes chaque année. Ce sont des vagues successives de jeunesse, et on ne peut jamais les appréhender de manière permanente. Je veux donner aux militants jeunes la responsabilité de savoir comment reconnecter avec eux.

Ouellet : Vous avez vu les résultats de 2014 — je pense qu'il y a eu une perte de confiance un peu généralisée. Ça se change en donnant un coup de barre au Parti québécois, pour qu'il s'assume sur l'ensemble de ses positions. Des positions claires sur la question du pétrole. La gratuité scolaire, c'est un plus pour la société québécoise, donc on n'a pas de raison de ne pas aller jusqu'au bout. Il faut sortir des positions ambigües. Quand je rencontre des jeunes au cégep ou à l'université, des discours de langue de bois, ça ne les intéresse pas. Ils veulent des choses authentiques et je les comprends.

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St-Pierre Plamondon : Il faut que les débats et les questions de société intéressent les jeunes. Et il faut que le processus démocratique à l'interne permette d'avoir de l'impact. J'ai proposé d'améliorer les congrès jeunesse pour qu'il n'y ait aucune limite d'admission : on fait le plus gros pow-wow possible et on déformalise la recherche d'idées. Dans un cadre informel, on obtient d'excellents résultats avec la cohorte Y. Une autre chose, c'est que la démographie des jeunes est beaucoup plus diversifiée que celle des plus de 70 ans, et le Parti québécois ne s'est pas transformé avec cette démographie. Il faut tendre la main à tout le monde, et je pense qu'à ce moment-là les jeunes vont revenir.

Comment on donne l'envie aux jeunes de lever le poing en criant « On veut faire du Québec un pays! »

Lisée : On n'a jamais vu un tel désintérêt des jeunes Québécois envers le Canada. Les jeunes sont dans une situation où rien ne les rattache au Canada, mais ils ne sont pas tentés par l'acte de rompre avec le Canada. Il faut qu'ils sentent que la question est posée par la réalité qui se trouve autour d'eux. La souveraineté n'est pas désincarnée. Le fait de ne pas pouvoir empêcher un pipeline de pétrole sale de traverser le Québec, c'est un argument extraordinaire pour dire: « On n'a pas la liberté de dire non, donc ça nous prend la souveraineté. »

St-Pierre Plamondon : Le PQ doit reprendre le pouvoir. On sous-estime que les jeunes ont vécu dans un environnement où il n'y avait aucune promotion de l'identité québécoise et un désinvestissement dans la langue française. Il y a eu très peu de valorisation de notre culture francophone, dans un environnement de mondialisation. Quinze ans de pouvoir libéral, ça a eu un impact sur notre fierté, notre identité. Ce n'est pas irréversible, mais il faut reconstruire la base identitaire. Le PQ a la responsabilité morale de reprendre le pouvoir, pour changer cet environnement-là.

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Ouellet : Il n'y a plus d'appui massif, parce que les jeunes n'en ont pas entendu parler. Ça fait 20 ans que le PQ n'a pas mis la souveraineté sur la table comme un engagement à la prochaine élection. J'ai une petite pointe d'envie envers les baby-boomers qui ont eu l'occasion de construire tout le modèle québécois dans les années 1960-1970. L'indépendance, c'est une occasion pour les millénaux et la génération Y de pouvoir construire leur pays. C'est extraordinaire ce que ça ouvre comme possibilités, et surtout comme vision.

Le taux de participation des jeunes aux élections est ridiculement bas. Comment on les incite à se rendre aux urnes?

Lisée : L'intention de vote est en déclin partout en Occident. Le fait de voter pour une première fois crée toutefois une habitude qui est assez durable. Les Scandinaves ont décidé d'aller chercher les jeunes à 16 ans. Ils organisent un vote dans les écoles secondaires. Les partis y font vraiment campagne, et le vote est organisé nationalement, le même jour, et le résultat est une nouvelle nationale le soir. Évidemment, ce n'est pas décisionnel, c'est un vote symbolique des 15-18 ans. Mais ça crée une habitude. Les Suédois et les Norvégiens ont réussi à renverser la courbe du déclin de la participation du vote chez les jeunes grâce à ça. C'est ce que je propose de faire si je suis premier ministre.

Ouellet : Je pense qu'il faut avoir des enjeux qui les rejoignent. Les jeunes sont très politisés, mais de manière plus organique. Ils se réunissent ponctuellement sur une question, sur un enjeu. La politique citoyenne, c'est essentiel parce que c'est un grand pouvoir d'influence. Mais pour aller plus loin, pour être sûr que le gouvernement prend des décisions dans le bon sens, il faut faire de la politique partisane. Les cyniques vous diront que tous les politiciens sont pareils, mais ce n'est tellement pas vrai. On est plusieurs à être là pour les bonnes raisons. Et il ne faut surtout pas jeter les gants.

St-Pierre Plamondon : Mon défi, c'est de dire aux jeunes « Saisissez votre démocratie. Il faut que vous saisissiez votre levier démocratique principal. » Alors on fait ce que je fais en ce moment : on rentre en disant « Faut que ça change! », et on reste assez longtemps pour influencer le parti. Soit en se faisant élire, soit en se procurant une carte de membre. En ce moment, on n'est pas assez nombreux dans le parti à vouloir ces changements. Mais lorsqu'on aura le nombre, c'est l'avenir qu'on va bâtir. Il faut qu'il y ait un mouvement, et le mouvement va naître quand les gens sentiront qu'ils font partie d'une solution importante.