FYI.

This story is over 5 years old.

reportage

Des pilotes nous ont expliqué pourquoi il ne fallait pas craindre les turbulences

Selon l'ancien pilote militaire Keith Tonkin, ce qui est stressant pour les passagers n'est qu'un simple nid-de-poule pour ses confrères.
Illustration : Carla Uriarte

Depuis la disparition du MH370, le crash de l'avion de la compagnie AirAsia et l'ultime vol d'Andreas Lubitz, mon esprit s'est trouvé envahi des pensées les plus irrationnelles qui soient. Sans le moindre argument scientifique sur lequel me fonder, je me suis dit les avions ne fonctionnaient pas et que les pilotes avaient juste des coups de chance. Et de tous les problèmes qui peuvent survenir durant un vol, les zones de turbulences sont ceux que je déteste le plus. À chaque fois que mon avion est passé par une de ces zones, je me suis senti tragiquement impuissant. Histoire de me détendre un peu, j'ai demandé à quelques pilotes d'avion de m'expliquer ce qu'étaient vraiment les turbulences.

Publicité

« Vous n'avez rien à craindre des turbulences », m'a expliqué Keith Tonkin, un ancien pilote de l'armée et directeur du cabinet conseil Aviation Projects. « Les nouveaux avions sont conçus pour leur résister. » Il a ajouté que les avions militaires volaient régulièrement dans les cyclones pour récupérer des données météorologiques – ce qui montre à quel point ils sont robustes.

En dehors de la solidité de l'avion, je voulais savoir si une turbulence pouvait violemment secouer l'engin. J'ai rappelé à Tonkin qu'en novembre 2011, le vol 587 American Airlines s'était écrasé après son décollage de l'aéroport JFK à New York, tuant ses 260 passagers, ainsi que cinq personnes au sol. Son avion avait décollé seulement une minute après le précédent, et il avait été emporté par la turbulence de sillage. Mais Tonkin a fini par me rassurer : le problème résidait dans le décollage précoce du vol 587. Comme il l'a très bien souligné, l'erreur humaine est le facteur le plus commun aux chutes précipitées d'un avion. En soi, les turbulences météorologiques constituent un ennui plutôt qu'un danger. « Nous faisons de notre mieux pour éviter les turbulences, car elles peuvent être très stressantes pour les passagers », a-t-il détaillé. « Mais pour les pilotes, ce n'est pas un problème. »

Il existe trois catégories principales de turbulences : thermique, mécanique et cisaillement. Si vous avez déjà, au décollage, volé à travers des nuages en plein après-midi, vous avez sans doute connu des turbulences d'origine thermique.

Publicité

Ensuite, la turbulence mécanique se produit lorsque des structures physiques comme les montagnes et les bâtiments perturbent les courants du vent, un peu comme un rocher provoque des ondulations dans un courant en mouvement. C'est dangereux, mais très facile à prédire et les pilotes évitent tout simplement de voler près de grandes structures à basse altitude.

Une compilation d'atterrissages d'avions subissant un cisaillement

Le dernier type de turbulence est dû au cisaillement du vent. Ça peut être particulièrement effrayant, sachant que vous ne pouvez souvent pas prédire à quel point il sera conséquent – il peut se produire quand un pilote fait voler l'avion dans un courant-jet ou en dehors de celui-ci.

Un courant-jet, comme une autoroute de l'air, est une barre de vent jaillissant à travers la haute atmosphère. Afin de minimiser la consommation de carburant, les pilotes se précipitent souvent vers ces flux pour bénéficier d'un vent arrière. Vous avez peut-être déjà vu un voyant s'allumer pour indiquer qu'il faut remettre la ceinture de sécurité, souvent parce que le pilote est sur point de passer par un courant-jet. En général, le pilote sait à quoi s'attendre dans ces moments-là, sachant qu'un autre avion aura enregistré l'intensité de la turbulence sur la zone de transition.

Les turbulences sont enregistrées et partagées entre différents avions selon un système de notation. Par exemple, une légère turbulence se traduit par un mouvement de quelques mètres, et fera trembler le chariot à boissons. Si vous voyez une hôtesse de l'air mettre sa ceinture de sécurité, c'est que votre avion subit une turbulence modérée. Une turbulence violente peut faire valser des objets, voire des personnes – il est néanmoins important de noter que cela n'arrive qu'une poignée de fois dans la carrière d'un pilote. Mais il n'y a rien de pire qu'une turbulence extrême. Dans ce cas, un avion peut chuter ou faire une ascension de 30 mètres en l'espace de quelques secondes, ce qui peut provoquer la mort des passagers n'ayant pas mis leur ceinture. Comme le mentionne le rapport de l'Administration de l'Aviation Fédérale, « de 1980 à 2008, les transporteurs aériens américains ont dénombré 234 accidents dus aux turbulences – ce qui a entraîné 298 blessés graves et trois décès. »

Publicité

2013 était l'année la plus sûre jamais enregistrée – 2014 n'était pas loin derrière.

Ron Bartsch est le président de la société de conseil AvLaw, et ancien directeur de la sécurité à Qantas. Selon lui la turbulence extrême est extrêmement rare, bien qu'il soit lui-même passé par là. « J'étais dans un petit avion biplace, et je devais passer par-dessus les Montagnes Bleues », s'est-il rappelé. « Il y avait de l'orage et quelques turbulences mécaniques au-dessus des montagnes, et je volais assez bas – à environ 3 000 mètres de hauteur. » Il m'a dit avoir heurté soudainement un mur d'air qui l'a balayé vers le ciel, à un endroit moins fourni en oxygène. « L'avion n'était plus pressurisé et j'étais terrifié à l'idée de m'évanouir. Heureusement, je suis rapidement passé de 3000 à 3600 mètres. C'est dans ce genre de moment qu'on a l'impression de vraiment mériter son salaire de pilote. »

C'est une des raisons pour lesquelles les pilotes de vol commerciaux font des détours afin d'éviter les turbulences. Une compagnie aérienne commerciale ne s'approchera jamais des montagnes à moins de 3 000 mètres et contournera toujours les orages plutôt que de passer à travers. Et encore, ce n'est pas parce que les avions ne peuvent pas résister aux conditions, mais parce que la majorité des passagers ne comprendraient pas ce qu'il se passe. Pour Keith comme pour Ron, l'impact d'une turbulence leur donne l'impression de passer sur un nid-de-poule. Cela va attirer l'attention du pilote, sans causer de grave problème pour autant.

« On peut avoir l'impression que de nombreux avions se sont crashés l'année dernière », m'a raconté Ron Bartsch, en réponse à mon problème essentiel avec les avions. « Mais en réalité, 2 013 était l'année la plus sûre jamais enregistrée – et l'année 2014 n'était pas loin derrière.» Il souligne également que les accidents de l'an dernier étaient sans précédent et qu'aucun n'avait été provoqué par des turbulences. Il m'a ensuite invité à regarder quelques chiffres.

Trois milliards de personnes ont voyagé en avion en 2014, avec 692 morts lors de vols commerciaux. Avec de tels chiffres, vous avez plus de chances de gagner à la loterie que de périr dans un crash.

Suivez Julian sur Twitter.