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Musique

La meilleure toune de balcon de l’été a été réalisée en Grèce dans les années 1930

Arrête de te demander ce que c’est, la chanson de l’été 2017 : elle s’appelle Τ’Άσπρα Πουλιά στα βουνα (en gros, ça veut dire « Les oiseaux blancs dans la montagne ») et elle a été enregistrée à Athènes en 1936.
Kostas Bezos (centre) et son groupe. Image est tirée du livret de l'album Kostas Bezos and the White Birds

Fais-toi s'en pas, je ne le savais pas non plus avant de découvrir Kostas Bezos il y a environ un mois grâce à une compilation intitulée Kostas Bezos and the White Birds. Elle vient d'être éditée par Mississippi Recordings et Olvido Records, et elle nous permet de découvrir que la musique hawaïenne avait été ben populaire en Grèce quelque part entre la deuxième moitié des années 1920 et le début de la Deuxième Guerre mondiale.

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Sincèrement, cette chanson-là a tout ce que tu peux espérer d'une bonne toune de balcon : de la steel guitar, des gros choeurs qui font « ha ha ha ha haaa » pis des « youpah » enthousiastes qui vont même faire sourire ton voisin qui trouve que tu fais jouer ta musique trop fort (relaxe, dude, c'est l'après-midi). Le mélomane en moi ne peut s'empêcher d'être fasciné par la manière dont Kostas Bezos amalgame les sonorités caractéristiques de la musique hawaïenne aux mélodies de la chanson traditionnelle grecque, mais le cabochon en moi a juste envie d'entendre en boucle des « ha ha ha ha haaa » pis des « youpah » tout en pognant une insolation. Ce n'est pas de ma faute, je suis fait de même.

Bezos, comme à peu près tous les musiciens mystérieux qui semblent un peu sortir de nulle part, a mené une vie relativement fascinante. En plus d'enregistrer de la musique grecque d'inspiration hawaïenne, ce qui constitue un exploit remarquable en soi, il a aussi travaillé comme caricaturiste pour de nombreux quotidiens athéniens. Bezos, en effet, était un illustrateur de grand talent en plus d'être guitariste, chanteur et compositeur. C'était aussi, semble-t-il, un cocaïnomane. Il est mort de la tuberculose en 1943, à l'âge de 37 ans. La rumeur veut que ça ait été un pas pire gars de party, et sa musique, même dans ses moments les plus mélancoliques, trahit une joie de vivre à laquelle il est difficile de résister si tu as une paire d'oreilles pis un cœur.

Τ'Άσπρα Πουλιά στα βουνα est la pièce la plus ouvertement « comique » de l'œuvre de Bezos, pastichant de manière absurde une variété de genres et de moods en l'espace de trois minutes trente. Mais d'autres compositions, comme Tα Άσπρα Πουλιά στον πόλεμο (traduction : « Les oiseaux blancs vont en guerre »), traitent avec lucidité de la situation politique de l'époque. Le dictateur Ioannis Mataxas vient de prendre le pouvoir, la guerre civile espagnole s'apprête à éclater, et Bezos chante qu'il ne veut pas aller à la guerre, parce qu'il va « y crever nostalgique des jupes courtes ». Les dernières caricatures qu'il publie, peu de temps avant sa mort, se moquent de Benito Mussolini.

Tout ça n'est pas très estival, j'en conviens. Mais ne vous en faites pas : l'album contient un paquet de chansons plus ensoleillées, avec des titres comme Let's Go to Honolulu, Lady Ukulele et A Dream of Hawaii. Parce qu'il n'y a rien de plus plaisant, pour accompagner ton Mai Tai, que le fait de découvrir qu'il y a 80 ans, un musicien grec tripait autant que toi sur la steel guitar hawaïenne… et que, tout comme toi, il craignait l'éventualité d'une guerre mondiale.

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