Société

Les survivalistes français face à la guerre en Ukraine

Depuis la déclaration de guerre entre l’Ukraine et la Russie, les survivalistes se préparent à toute éventualité et même à un accident nucléaire.
Les survivalistes français face à la guerre en Ukraine
Un survivaliste/ Getty image.

« J’ai acheté des comprimés d’iode dès que Poutine a envahi l’Ukraine. Je sais bien que c’est dérisoire face à la puissance nucléaire mais c’est plutôt au cas où un de nos voisins serait visé » raconte Fred, 45 ans, survivaliste en Loire-Atlantique depuis bientôt une décennie. Du poulailler, à la réserve d’eau de pluie jusqu’aux armes à feu, Fred se dit prêt. Mais prêt à quoi ? Le but du survivalisme c’est de se préparer à toutes les potentielles crises du quotidien. Incendie, famine, inondation, anarchie et même guerre, il faut pouvoir s’adapter et surtout apprendre à faire le plus de choses par soi-même pour être autonome. Avec la montée des tensions à l’international, les communautés de survivalistes du monde entier s’inquiètent - et notamment en France. Certains tentent même de prévoir une solution face aux menaces de Vladimir Poutine. 

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Si Fred n’envisage pas la construction d’un bunker en urgence, car trop onéreuse, il tente de s’instruire sur le sujet. En ce moment, sur sa table de chevet, trônent plusieurs livres dont les titres ne laissent pas de place au doute : “Survivre aux événements nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques “, “La France et l’arme nucléaire” ou encore “Nucléaire : danger immédiat”.

« Avec le nucléaire, on atteint la limite du survivalisme » - Fred

« Je suis formée à la survie en forêt, je sais chasser, me battre, faire un feu mais je suis incapable d’expliquer comment fonctionne l’énergie atomique et encore moins quoi faire en cas d’accident nucléaire » nous raconte-t-il. Quelque peu inquiet par l’épée de Damoclès qui plane au-dessus de nos têtes, Fred y voit l’occasion de se perfectionner dans le survivalisme  : « être survivaliste c’est tout simplement, prévoir et apprendre. Je ne dis pas que je vais devenir un expert mais je veux savoir, ne pas rester dans l’ignorance et la peur. » 

Pour s’informer sur les actualités, ce dernier a activé des alertes mail autour des occurrences “nucléaire, Russie, Ukraine”. Mais malgré toutes ces lectures, Fred est incapable de nous répondre lorsqu’on l’interroge sur ses intentions en cas de véritable annonce de guerre atomique. Hormis le fait de prendre ses comprimés d’iode et se réfugier dans sa cave, le quarantenaire se dit dépassée : « Avec le nucléaire, on atteint la limite du survivalisme ».

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Un constat partagé par un autre survivaliste contacté par nos soins. Paul, 25 ans, habitant dans le sud-ouest, estime qu’il est aujourd’hui impossible de se préparer à une attaque nucléaire, même si cette menace est sur toutes les lèvres des survivalistes en ce moment. « Ils achètent des pilules d’iode ou des tenues NRBC (protection nucléaire, radiologique, biologique et chimique) alors qu’aujourd’hui on peut raser un pays entier. Ce n’est pas ta combi qui va te sauver. Il y a plein de choses à prendre en compte : le taux de radiation, les retombées radioactives avec les vents… Pour la tenue, il faut des isolants au charbon actif à scotcher entre les chaussettes et les chaussures pour isoler totalement. »

« Mon côté survivaliste vient surtout de ma peur de l’homme. Il n’y a qu’à voir les gens avec le PQ durant le covid, je sais que les gens s’étriperont s’il y a des pénuries » - Paul

Il faut aussi un masque à gaz avec un filtre différent selon les isotopes. Et il faut changer tout cet équipement toutes les 3-4 heures. Pour la tenue, tu ne peux même pas l’enlever normalement car si tu la touches, tu t’irradies, il faut donc aussi un système de décontamination. « C’est quasiment impossible d’avoir tout ça » affirme Paul. Cela fait, en effet, une liste très longue de conditions à réunir pour survivre en temps de guerre atomique. Ce qui n’empêche pas Paul d’avoir tout de même une combinaison NRBC et un masque à gaz au cas où dans son attirail chez lui.  

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L'équipement de Paul

L'équipement de Paul

S’il lit beaucoup de productions d’experts sur le nucléaire pour en apprendre plus comme Fred, Paul sait déjà ce qu’il fera si un drame de ce genre venait à arriver. « C’est une énergie qui nous dépasse. Si ça arrive tu n’as qu’à hausser les épaules, te dire que tu as eu une belle vie et passer la journée à t’envoyer en l’air », déclare-t-il. Le jeune survivaliste s’inquiète surtout d’une potentielle pénurie alimentaire ou pétrolière. Avec sa paie du mois de mars, il en a profité pour acheter dix jours de conserves à ajouter à son stock alimentaire.

« Mon côté survivaliste vient surtout de ma peur de l’homme. Il n’y a qu’à voir les gens avec le PQ durant le covid, je sais que les gens s’étriperont s’il y a des pénuries. » L’occasion pour lui de vérifier le bon fonctionnement de l'intégralité de son équipement : gilets par balle, casque balistique, état des lames… Paul est toujours prêt  et emporte toujours dans son sac, même au travail, une dizaine de briquets. Il compte avant tout sur sa débrouillardise. « Je sais chasser, pêcher, faire de la culture. J’ai même une petite bande de personnes en qui j’ai confiance et à qui je confierais ma vie. »

Paul, survivaliste de 25 ans

Paul, survivaliste de 25 ans

Si certains sont autodidactes et se forment sur le tas à la survie, d’autres préfèrent sonner à la porte d’experts. Depuis le début du conflit, le téléphone de David Manise n’arrête pas de sonner. En tout, plus d’une centaine de personnes sont venus chercher conseil auprès de cet instructeur en survie. « Rien à voir avec cette image des survivalistes paranoïaques et complètement flippés, assure l’instructeur. La plupart des gens essaient simplement de se préparer à la situation de guerre actuelle dans laquelle on se trouve, surtout en ce qui concerne les pénuries alimentaires et des produits de première nécessité ». 

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« La plupart des gens ont bien conscience qu’en cas d’attaque nucléaire, les gestes de survie ne vont pas faire une grande différence. Sans mauvais jeu de mot, en cas de bombardement, c’est un peu la roulette russe » - David Manise

Depuis une quinzaine d'années, ce spécialiste, auteur de plusieurs livres et d’un podcast sur le sujet, forme les journalistes comme les passionnés de nature à avoir les bons gestes pour survivre en milieu hostile. Mais face à une catastrophe nucléaire, il confirme ne pas avoir grand chose à proposer. « La plupart des gens ont bien conscience qu’en cas d’attaque nucléaire, les gestes de survie ne vont pas faire une grande différence. Sans mauvais jeu de mot, en cas de bombardement, c’est un peu la roulette russe. Si on est sur zone, on a très peu de chance d’en réchapper et la seule chose qui puisse faire la différence, ce sont les infrastructures. Difficile de faire mieux qu’un abri pour se protéger. » Pas de chance pour nous puisque la France est l’un des pays les moins bien dotés en la matière avec à peine un millier de bunkers dans l’hexagone adaptés à ce genre d’attaque.

Malgré la demande, David Manise n’entend pas profiter de la situation pour proposer des stages de protection en cas d’attaque nucléaire. Son principal conseil est toujours le même  : se former aux premiers secours. Éventuellement apprendre quelques bases de l’artillerie. « La seule chose qui peut nous protéger dans ces situations, c’est la terre, qui absorbe les ondes de choc et nous apporte un peu de couverture naturelle. En dehors de ça, c’est impossible d’anticiper. »

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