Pour l'amour du punch

Dans l'imaginaire éthylique collectif, le punch pâtit toujours de sa triste réputation. Pour beaucoup, le punch (prononcez « ponche ») évoque de manière quasi-proustienne cette mixture vaguement alcoolisée qui a essuyé les plâtres (en même temps que les premières cuites, et donc les premiers déboires sexuels) d'à peu près toutes les soirées étudiantes que l'on a connues dans sa jeunesse. Pour d'autres, le punch est ce cocktail qui manque terriblement d'inspiration : c'est celui qu'on trouve systématiquement en arrivant dans n'importe quelle « soirées appart » foireuses auxquelles on n'avait pas prévu d'aller, c'est la synthèse du mauvais rhum et du mauvais jus de fruit qui a été faite à la hâte dans un vieux saladier et qui traîne sa mélancolie — parce que personne n'y touche jamais vraiment — entre deux tranches de chorizo Lidl, un paquet de chips marque repère et un ancien pote de fac trop bavard.

Alors, quitte à chatouiller les plus exigeants des amateurs de cocktails, on a demandé à deux experts ès mixologues (Daniel Webster et Robin Chopra) de revisiter pour nous des recettes de punch et de laisser s'exprimer leur créativité. La promesse ? Remettre au goût du jour un cocktail désuet qui mérite pourtant sa place au panthéon des grandes boissons.

Car, du fait qu'on le prépare en grande quantité, le punch peut servir de base et donc s'adapter à tous les alcools. Il peut, par exemple, prendre la forme d'un Long Island Iced Tea, auquel on ajouterait à peu près tout ce qui nous passerait par la tête. En fait, il n'y a rien de vraiment contraignant avec le punch : vous trouvez qu'il ne vous saoule pas assez rapidement ? Ajoutez la moitié d'une bouteille de n'importe quel alcool qui attend sagement au froid dans le frigo ; Vous ne le trouvez pas assez relevé à votre goût ? Jetez quelques bâtons de cannelles dedans, ou six citrons. Bref, le punch vous laisse une grande liberté et c'est justement ce qui fait sa force.

Mais quand il est question d'accoucher d'un punch d'exception, celui qui mettra tous vos convives d'accord dès la première gorgée, on a besoin d'un véritable plan et d'un peu plus de rigueur gustative.

On a donc insisté pour que Daniel Webster du Porchlight à New York nous file sa recette de punch (voir plus haut). C'est sombre et incroyablement bon — vous avec raison de vous méfiez de sa couleur inquiétante. Car derrière cette apparence de thé noir, ce petit goût sucré et citronné, se cache en réalité trois bouteilles entières d'alcool : une de rhum jamaïcain, une de cognac et une de xérès. Ah oui, ça fait cinq au total en fait, si on compte les deux bouteilles de vin rouge qui viennent sublimer tout ça.

Ce bijou est à servir dans un saladier en cristal. Le résultat est tellement classe que celui qui le boit se transforme en l'espace de seulement quelques verres en une personne à la fois belle et sophistiquée, mais aussi complètement bourrée.

Mais peut-être que vous n'êtes pas le genre à boire du rhum. Après tout, c'est l'alcool des pirates, des Antillais et plus généralement, des bonhommes qui supportent des températures supérieures à 59°C. Et la dernière chose dont on a envie en plein mois d'août, c'est de se retrouver avec dix cousins de Guadeloupe qui débarquent dans votre crâne avec leur poids en bouteilles de rhum arrangé. Reconnaissez que c'est pas le truc le plus facile à gérer, surtout en pleine canicule.

Donc à la place, vous pouvez faire comme Snoop Dogg et opter pour une valeur sûre : le gin and juice.

Mais si Snoop Dogg se contente d'en chanter les louanges, Robin Chopra, barman du Corazón y Miel, en Californie, s'applique lui à nous livrer une version bien sentie à base de gin sec, de jus de cranberry, d'ananas et d'orange.

Comme le ratio de jus de fruit et d'alcool est de deux pour un, on vous déconseille fortement tout contact, de près ou de loin, avec un volant de voiture juste après en avoir bu. Et de manière générale, avec n'importe quelle machine automatisée. Ni des animaux. Ni des armes. Et surtout pas avec votre ex.

D'ici là, on vous souhaite une belle fin d'été, des plus enivrantes. Tant que vous vous en tenez à distribuer des punchs dans les verres des autres et pas dans leurs gueules.