FYI.

This story is over 5 years old.

Algérie

L’armée algérienne élimine 22 terroristes à une centaine de kilomètres d’Alger

Le ministère de la Défense algérien a annoncé avoir tué une vingtaine de djihadistes à une centaine de kilomètres au sud-est de la capitale, alors qu’AQMI semble perdre de l’influence dans le pays, au profit de l’organisation État islamique.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Wikimedia Commons / Amine Bentoutah

Le ministère de la Défense algérien a annoncé, ce mardi, que l'armée populaire nationale (APN), nom de l'armée algérienne, a tué 22 djihadistes près de la localité de Ferkioua, en Kabylie, située à une centaine de kilomètres au sud-est de la capitale, Alger.

L'opération, lancée mardi dans l'après-midi, était toujours en cours dans la soirée, a précisé le communiqué du ministère. Un important arsenal militaire a été saisi — l'inventaire révèle la prise notamment de 11 kalachnikovs, de fusils semi-automatiques, ainsi qu'une importante quantité de munitions et grenades. Le journal local El Watan rapporte qu'une trentaine de djihadistes aurait réussi à fuir, malgré les importants moyens humains et matériels déployés dans la région.

Publicité

Depuis le début de l'année, l'armée a annoncé avoir tué 56 terroristes dans le pays. Fin avril, la dernière opération en date avait permis d'éliminer cinq islamistes dans la région de Tizi Ouzou, une ville située au nord de la Kabylie. En 2014, l'armée avait annoncé avoir tué près d'une centaine de djihadistes, s'efforçant de démontrer l'efficacité de ses programmes de lutte antiterroriste — jadis critiqués notamment après la décapitation d'un otage français en 2014.

La décapitation d'Hervé Gourdel, en septembre 2014, avait mis en lumière les manquements de la lutte antiterroriste algérienne. La mort du ressortissant français, capturé et assassiné par un groupe djihadiste baptisé Djound Al-Khilafa (ayant prêté allégeance à l'organisation État islamique), avait obligé l'armée algérienne à admettre des faiblesses en octobre dernier.

Si l'armée algérienne n'a pas délivré plus d'informations sur l'appartenance des terroristes éliminés ce mardi, El Watan avance l'hypothèse qu'ils pourraient appartenir à Djound Al-Khilafa (« Soldats du califat »), les responsables donc de l'assassinat d'Hervé Gourdel. Le Niçois avait été capturé dans une région située entre les deux dernières zones visées par les raids de l'armée (Ferkioua, ce mardi, et Tizi Ouzou, fin avril).

Pour Matthieu Guidère, spécialiste de l'islam radical au Maghreb et professeur à l'université de Toulouse Jean-Jaurès, « Rien ne permet d'affirmer pour le moment à quel groupe appartiennent les terroristes tués ce mardi. Il s'agit surtout d'un effet d'annonce de l'armée. » Le spécialiste explique ce mercredi à VICE News qu'après l'assassinat d'Hervé Gourdel, l'armée algérienne avait ratissé la zone pour finalement trouver le campement de Djound Al-Khilafa, et en diffuser des photos. Guidère estime qu'il faut attendre de telles « preuves, » avant de pouvoir dire de qui il s'agit pour ce qui est de l'assaut sur Ferkioua.

Publicité

Toutefois, sur la liste des organisations suspectées, Djound Al-Khilafa est en bonne position. C'est une brigade armée salafiste qui était autrefois affiliée à AQMI (Al Qaida au Maghreb Islamique, le groupe terroriste le plus représenté en Algérie). À la mi-septembre 2014, la brigade avait prêté allégeance à l'EI. Abdelmalek Gouri, le calife de cette branche algérienne de l'EI a été abattu en décembre 2014 par l'Algérie. Gouri était soupçonné par la justice algérienne d'être à l'origine de plusieurs actes terroristes dans la région d'Alger entre 2007 et 2011. Pour Matthieu Guidère, ils seraient environ une trentaine de djihadistes à appartenir à cette mouvance.

AQMI est l'autre force terroriste en présence dans le pays. La branche régionale d'Al Qaida compterait environ 300 membres dans le pays selon Guidère, « Il y a quelque temps, ils étaient encore 500, peut-être même un millier, » précise le spécialiste. AQMI est organisé en 6 brigades qui correspondent à 6 « régions militaires » selon le vocable de l'organisation, explique Guidère.

Le chef d'AQMI, Abdelmalek Droukdel, est aussi responsable de la première brigade, dite du commandement, située en Kabylie. La zone visée ce mardi par l'armée algérienne est connue pour être le repère présumé de Droukdel. Le chef djihadiste dirigerait l'état-major de la filiale terroriste depuis les montagnes de Kabylie investies ces derniers jours par les militaires algériens. Aucune information n'a été donnée sur la possible présence de Droukdel parmi les victimes du raid de mardi.

Malgré leur affiliation à Al Qaida, certaines de brigades d'AQMI sont tentées de rejoindre l'EI. « La brigade située au nord a passé le cap et fait allégeance à l'EI il y a peu, » explique Guidère. « La brigade Oqba Ibn Nafaa, qui couvre la région Est, participe à des actions contre l'armée tunisienne, se dit neutre par rapport à AQMI, mais félicite l'EI pour ses actions, » continue le spécialiste. La brigade de l'ouest (à la frontière marocaine) fait la jonction avec les groupes marocains — dont les ressortissants sont largement représentés dans l'EI. La brigade de la région sud agit, elle, près du Sahara occidental.

L'autre région couverte par AQMI ou plus précisément par ses affiliés, c'est le Sahara, qui est sous la responsabilité du groupe Al-Mourabitoune, dirigé par le chef djihadiste Mokhtar Belmokhtar, un ancien chef d'AQMI. Belmokhtar s'est éloigné de cette filiale régionale d'Al Qaida à la fin de l'année 2012, sans pour autant renier son allégeance à Al Qaida central. Le 16 mai dernier, Belmokhtar a réaffirmé son allégeance à Ayman al-Zawahiri (le chef d'Al Qaida central). Cette déclaration fait suite à l'allégeance d'un autre dirigeant d'Al-Mourabitoune à l'EI quelques jours auparavant. Pour le spécialiste Matthieu Guidère, il existe « un vrai débat au sein d'AQMI, » nombre de djihadistes « regardent plus du côté de l'EI que du côté local. L'EI leur donne un objectif, ce qui explique les défections. »

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray

Image via Wikimedia Commons / Amine Bentoutah