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Saint-Valentin et tee-shirts sales

On a voulu savoir lequel de nos journalistes réussirait le mieux à conclure grâce à ses phéromones.

Vendredi dernier, comme chaque 14 février, les amoureux transis fêtaient la Saint-Valentin tandis que les célibataires mataient tranquillement la télé, la main dans le caleçon. Il y a deux ans, notre collègue Loïg était parti célébrer ce jour de l'amour dans une soirée salsa. Cette année, à l'occasion de la première « Phéromone Party » française organisée à la Bellevilloise, à Paris, on a voulu tester autre chose.

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Cette « autre chose », c'était un événement à concept plutôt compliqué. D'abord, dans la préparation : il a fallu récupérer des tee-shirts blancs gracieusement fournis par les organisateurs quelques jours avant. Puis, les instructions stipulaient qu'il fallait porter ce tee-shirt pendant 3 nuits d'affilées, afin qu'il puisse s'imprégner de notre odeur. Trois matins de suite, il fallait placer ledit tee-shirt dans un sac plastique zippé, type sac congélation, afin de ne pas perdre les phéromones accumulées.

Le jour de l'événement, au début de la soirée, chaque tee-shirt emballé dans son sac zippé s'est vu étiqueter en rose pour les filles et en vert pour les garçons, avant d'être numéroté. Ils ont ensuite été mis à disposition des autres invités sur une grande table afin que chacun puisse à loisir en humer le contenu. Si l'odeur de votre tee-shirt plaisait à quelqu'un, la personne partait alors se faire prendre en photo avec votre sac. Les photos défilaient sur un écran géant ; si vous voyiez votre numéro apparaître, vous pouviez alors vous diriger vers celui ou celle que votre odeur avait envoûté. Voilà pour le concept.

Parvenir à draguer avec l'odeur de nos aisselles et sniffer des tee-shirts crados d'inconnus étaient potentiellement les pires choses qu'on pouvait faire un vendredi soir placé sous le signe de l'amour. Pourtant, on s'y est quand même rendu pour voir lequel d'entre nous possédait le plus gros charme olfactif.

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Félix – numéro 208 : Pour booster mes chances, je m'étais concocté un mix fait de frottements de barbe, d'une goutte de whisky bas de gamme et de deux pschitt de Scorpio acheté pour l'occasion – pour attirer les valentines les plus confuses, les nanas sans scrupule excitées par les mâles primitifs. Un mélange presque poétique qui se mariait impeccablement avec la sueur et le coton fin du tee-shirt que l'organisation m'avait filé.

J'ai secrètement espéré que mon compère Glenn, très porté sur les bières et les parfums efféminés, n'ait rien changé à son mode de vie. S'il continuait sur cette lancée, c'était la victoire assurée pour moi. Quant à ma collègue Sonia, c'était gagné d'avance : cette fille se rendait beaucoup trop à la piscine, quand elle ne passait pas ses soirées à boire des gin tonic. Le doux mélange de chlore, de pisse de gamin et d'alcool fort qu'elle devait suer par tous les pores, la nuit, rendait sa défaite inévitable.

Tout ça pour vous le dire – j'étais tranquille.

Sonia – numéro 144 : À mon sens, suivre des règles et s'amuser sont deux choses fondamentalement incompatibles. Cette fois, il était question d'adopter une ligne de conduite trois jours avant l'événement. Bien décidée à mettre toutes les chances de mon côté, j'ai adopté une technique top secrète et extrêmement élaborée qui a consisté à vaporiser un peu de parfum sur mon tee-shirt, chaque soir. Je me suis aussi soigneusement abstenue d'aller à la piscine.

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J'avais confiance dans mes chances de surpasser les deux mecs qui m'accompagnaient. Félix a un rythme de vie que je qualifierais de « crasseux ». Il débarque souvent le matin, l'œil glauque, et je le soupçonne de prendre de la drogue. Lui et ses phéromones malades n'allaient pas me poser de difficultés. Quant à Glenn, je savais qu'il avait fait face à des mésaventures sanitaires qui l'avaient privé d'hygiène corporelle pendant un bon bout de temps : je m'en méfiais un peu plus. Ce truc aurait pu aussi bien jouer en sa faveur qu'en sa défaveur.

Spoiler : je tiens à préciser qu'il y avait beaucoup plus de tee-shirts de filles que de mecs. Mon échec ne repose donc que sur ces statistiques.

Glenn – numéro 227 : Pour préparer mon tee-shirt, j'ai appliqué quelques règles de virilité classique : me nourrir exclusivement de viande, porter le même tee-shirt pour faire cuire ladite viande et me laver le moins possible – abstention facilitée par une panne d'eau chaude.

Je m'étais soigneusement gardé de parler de mes techniques secrètes aux deux individus qui m'accompagnaient. J'éliminais d'office la victoire de Sonia : le matin, elle dégage une odeur de vestiaire et je la soupçonne d'utiliser un déo pour hommes.

Si Félix m'inquiétait, je me rassurais en me disant qu'il trimballe toujours une odeur de chien mouillé dans son sillage, probablement dû au manteau en daim et à col en fourrure qu'il porte tous les jours, même quand il pleut, et qu'il ne laisse jamais sécher. J'étais confiant.

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Nous sommes arrivés à 20h30. Contre toute attente, la salle était déjà pleine à craquer. À l'intérieur, on pouvait distinguer deux types de personnes : celles venues uniquement pour le concept, occupées toute la soirée à humer des phéromones et à regarder l'écran géant pour voir si leur tee-shirt avait été choisi et les autres venues pour passer une soirée avec leurs potes et pécho des gens en fonction de leurs odeurs – une sorte de speed-dating primitif. Si les seconds étaient majoritaires, les premiers étaient parfois légèrement inquiétants. On a notamment entendu un type aborder un groupe de filles d'un sobre « Salut, ça sniffe ? » et croisé une rousse de 25 ans, renifleuse de phéromone aguerrie, donnant un avis olfactif sur chaque tee-shirt à qui voulait l'entendre. De la même façon qu'un œnologue, elle expliquait à sa pote que certains étaient « goûtus » et d'autres « fruités ». Inspirée par ce récit, Sonia s'est laissée tenter et a plongé son nez dans quelques-uns des sacs disposés à proximité. En voyant sa tête, on a deviné que l'œnologue phéromonale s'extasiait en réalité sur des odeurs de mégots et de déodorant.

Certains entendaient décupler leurs chances en se prenant en photo avec cinq ou six tee-shirts différents devant un bout de tissu découpé à la main et disposé à proximité des toilettes, dans une ambiance presque malsaine. D'autres essayaient de faire transparaître leur personnalité en adoptant des poses de mannequin ou des signes de gang. Les images défilaient, grotesques, en diaporama.

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Peu après, le numéro de Glenn – le 227 – est apparu à l'écran. Glenn a eu un sourire triomphal, et est parti à la recherche de la jolie blonde qui avait sélectionné son odeur de mâle amateur de bœuf en nous lâchant : « C'est le steak, mec, c'est le steak. »

On est allés prendre une bière en l'attendant, et on a abordé deux filles en reniflant le chemisier qu'elles portaient. Contrairement à nous, elles trouvaient la soirée intéressante et nous ont rappelé : « L'idée vient de Los Angeles ! » À les entendre, le fait que ça vienne de L.A. constituait une preuve irréfutable de cool. Leur enthousiasme était justifié : elles nous ont raconté que l'une de leurs copines venait de rouler des pelles à un mec qui avait sélectionné son tee-shirt.

Glenn nous a rejoints, penaud : il avait fait le tour de La Bellevilloise sans retrouver la fille qui l'avait choisi. La déception se lisait sur son visage. On lui a offert une bière pour le consoler. Les photos continuaient à défiler, mais il faut avouer que c'était assez illisible : elles ne restaient qu'une ou deux secondes, et le numéro sélectionné n'était, bien souvent, pas discernable. On a fini par lâcher cette espèce de loterie perdante et quitter définitivement l'écran des yeux, pour se concentrer sur nos bières.

Au final, Félix avait été sélectionné à deux reprises. Trop occupé à boire des pintes et à discuter avec tout le monde, il l'a appris le lendemain, grâce aux photos de la soirée sur Facebook). Il a passé la journée d'hier à fanfaronner sur cette victoire. À croire que les filles aiment l'odeur de poils mouillés conjuguée au parfum de supermarché.

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​@GlennCloarec ​​@Makk​abyde
​@Sonia_Lounes