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politique

Les pour et les contre de l’entrée de l’Écosse dans le Canada

Une faille qui ferait de nous des citoyens européens et plus de péréquation pour le Québec? Ça semble être un bon plan...

Aucune idée ne m'exalte plus que le séparatisme. Les Kurdes, les Catalans m'inspirent, et j'embrasse le portrait de René Lévesque chaque matin. Que la division d'un État à sa ligne de fracture ethnoculturelle soit insensée, que le chaos qui s'ensuit détruise l'économie, qu'elle cause des milliers morts et qu'elle aboutisse à un cauchemar fasciste parce que le nationalisme est un cancer quand il dicte les politiques, le romantisme de la souveraineté touche vraiment chez moi une corde sensible.

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Naturellement, j'étais déçu quand la tentative d'indépendance des Écossais a échoué en 2014. Mais maintenant je suis heureux que l'Écosse se prépare à un deuxième round dans le fouillis post-Brexit qu'est actuellement le Royaume-Uni. Comme j'aime l'ironie plus que tout, je serais aux anges si le rêve de reconstruire l'Empire britannique causait son implosion.

Et si le Canada remettait un peu d'ordre dans les îles britanniques en proposant à l'Écosse de devenir sa onzième province? C'est une suggestion qu'a récemment faite l'écrivain Ken McCoogan dans le Globe and Mail. Elle vaut la peine qu'on l'examine sérieusement. C'est pourquoi j'ai préparé cette série de pour et contre.

POUR

1. Notre Constitution complètement bancale

Tout fédéraliste sait que le joyau de la couronne canadienne, c'est la Constitution. C'est le fruit de la réflexion sublime des pères de la Confédération (d'origine écossaise pour la plupart), qui ont consacré en grande partie leur sagesse à se crier les uns après les autres à propos de chemins de fer. Elle a été révisée en 1982, quand les premiers ministres de plusieurs provinces et le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau, ont décidé qu'il était temps de mettre en œuvre de nouveaux moyens d'emmerder le Québec. Le résultat est un fragile équilibre du pouvoir entre le gouvernement fédéral et dix provinces à peu près incompatibles, qui ont ainsi reçu des pouvoirs quasi absolus dans leurs champs de compétences et sur leurs leurs ressources.

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La volonté d'indépendance écossaise puise son énergie dans l'emprise britannique : l'Écosse n'a presque aucun contrôle direct à l'intérieur de ses propres frontières en comparaison avec les provinces canadiennes. Si on lui offrait ce statut, elle aurait toute l'autonomie qu'elle souhaite, tout en continuant à bénéficier des avantages d'un gouvernement fédéral gentiment paternaliste. Ne lui disons pas que la Constitution stipule que les ressources pétrolières en mer sont sous l'autorité du gouvernement fédéral et tout ira bien. Probablement. Ça a marché avec Terre-Neuve.

2. Notre merveilleuse péréquation

Les nationalistes écossais arguent sans cesse que leur pays est assez riche pour ne dépendre d'aucun autre. Le cas échéant, il pourrait aider à payer pour l'abyssal gouffre financier que sont les Maritimes, non? L'une de ses provinces s'appelle justement la Nouvelle-Écosse, un peu de générosité s'impose.

3. Une petite porte pour que le Canada entre dans l'UE

L'énergie renouvelée des Écossais en faveur de l'indépendance est attribuable à la décision des Anglais de quitter l'Union européenne. Les Écossais, eux, ont voté en majorité pour rester dans l'UE. Si l'Écosse devenait une province canadienne et demandait ensuite à être réadmis dans l'UE, elle pourrait nous inclure dans le contrat : nous deviendrions tous citoyens d'une Europe unie. Nous nous retrouverions ainsi au cœur du projet politique et économique le plus ambitieux, et peut-être pas entièrement voué à l'échec, de l'histoire de l'humanité. Tout le monde y gagnerait : l'Écosse aurait sa chance d'humilier les Anglais, et le Canada celle de redevenir une colonie européenne, comme à la seule époque où, soyons honnêtes, nous avons vraiment été heureux.

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En plus, nous serions libres de voyager dans toute l'Europe et d'enfin foutre le camp de cette immensité nordique gelée à laquelle on aurait au préalable convaincu les Écossais de se joindre.

Est-ce les Maritimes, ou l'Écosse? Peu importe! (C'est l'Écosse…Photo: Josh visser)

CONTRE

1. La péréquation pourrait nous forcer à donner de l'argent à l'Écosse.

Admettons-le, personne ici-bas ne comprend la formule de calcul de la péréquation. Selon sa situation financière réelle, qui sait, l'Écosse se retrouverait peut-être dans le groupe de provinces qui reçoit des paiements et serait un fardeau plus qu'autre chose.

2. Un pays manqué de plus n'aurait pas que du bon pour notre système fédéral chancelant.

Le Canada anglais n'a pas encore trouvé le moyen de traiter avec la nation francophone au cœur de la confédération. Tout ce qui maintient l'unité nationale, c'est que tout le monde en a trop marre pour retenter de se divorcer. Terre-Neuve-et-Labrador, une autre tentative de pays tombée à l'eau, a été annexée au Canada après son suicide constitutionnel. Et l'Alberta est de plus en plus amère d'être une province qui n'a jamais eu la chance d'essayer de devenir un pays.

Sans compter que le Canada et ses sous-pays se sont installés sur des terres volées aux Premières Nations, avec lesquelles le gouvernement fédéral n'arrive pas à se réconcilier, ou ne le veut pas, et auxquelles il évite de donner le moindre rôle d'importance. Alors oui, mêlons au groupe un autre pays manqué dont l'identité nationale s'est forgée dans l'horreur médiévale, puis à coups de revendications historiques. Excellente idée.

Quoique, de ce point de vue, peut-être l'Écosse se sentirait-elle parmi ses semblables chez nous.

3. Il n'y a aucune raison pour que les Écossais choisissent de s'affranchir du joug britannique pour ensuite se jeter dans les bras du beau-fils déséquilibré de l'autre côté de l'Atlantique, qui n'a pas toujours réglé son complexe d'Œdipe.

Accueillir l'Écosse contrarierait la reine. Notre douce, bienveillante, sereine et sage Reine. Nous ne voudrions pas la contrarier, oh non. Longue vie à la reine.

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