On a demandé à un moniteur d'auto-école quelles étaient ses pires expériences avec ses élèves

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Mounir Acharghi, 27 ans, moniteur depuis 3 ans à Val d'Europe, a accepté de partager avec nous des moments assez improbables qu'il a vécus lors de sa carrière.

Quels ont été les candidats qui t'ont laissé des mauvais souvenirs ?
Bon, il y a ce qu'on appelle les « classiques », que tout le monde a eu au moins une fois : ceux qui prennent les ronds-points en sens inverse alors que tu les as bien prévenus à l'avance, les roues frottées contre le trottoir si tu ne fais pas gaffe, ça pourrait arriver tout le temps… Mais c'est vrai qu'en y réfléchissant, il y a toujours des perles… Un jour, une élève n'arrivait pas à faire certaines manœuvres, et au bout d'un moment, elle me lâche : « Oui, mais j'ai que deux pieds et il y a trois pédales, je fais comment ? ». Elle était sincère et tout, je te jure. Aucune ironie, elle m'a dit ça avec beaucoup de sérieux. Évidemment, j'ai éclaté de rire, j'avais jamais entendu ça.

Il y en a eu un qui m'a laissé un souvenir sympa aussi. Je l'avais formé puis après je ne l'avais plus eu du tout, mais apparemment il avait passé vraiment beaucoup d'heures, seulement c'étaient mes collègues qui s'en étaient chargés. Puis je le revois, et franchement, ça faisait une quantité d'heures de conduite assez impressionnante (il a mis un an pour le code, un an pour la conduite !), donc je lui dis que maintenant il serait quand même temps de passer l'examen. C'est vrai que c'était un peu un cas, il avait du mal à retenir, parfois il ne comprenait rien… Bref, je l'amène à l'examen, il n'arrête pas de dire « je le sens bien ». On y va, et incroyable, pendant tout l'examen, à chaque fois qu'il y avait un rond-point, il le prenait tout droit. Même quand il y a trois voies, rien n'y fait : il traversait les trois, comme ça, aucun placement, que dalle, il avance direct. Je n'avais jamais vu ça de ma vie. L'inspecteur était halluciné et moi j'avais du mal à ne pas rire.

Tu as déjà eu des élèves qui te sortent des énormités, tout en étant sûrs d'eux ?
Ah oui, dans un autre registre, tu as les réponses à côté de la plaque quand on leur pose des questions sur le véhicule. Par exemple, et pourtant c'était quelque chose de simple, on dit à un élève « qu'est-ce que ça veut dire si le clignotant clignote de plus en plus vite ». La réponse est évidente, il y a un dysfonctionnement, etc. Et là l'élève nous sort, tout content : « ça veut dire que ça marche super bien ! » (rires) parce qu'il associait la vitesse du clignotement à un truc positif, forcément…

Le meilleur, le top du top qu'on m'ait sorti… C'était un élève avec qui on avait un peu galéré, je me rappelle très bien, au niveau de l'étape du stationnement. Je lui ai dit qu'à la séance suivante, on allait apprendre comment faire les créneaux. Il nous restait environ quinze minutes je crois, avant de devoir rentrer. Et, surprise, il me dit « non attends, laisse-moi en faire un avant de rentrer, des créneaux j'en ai déjà faits ». Je lui demande s'il est sûr, parce qu'avec moi en tout cas, il n'avait jamais fait de créneau, jamais. « Si, si, je me suis entraîné tout seul, je maîtrise ». Bon, j'étais surpris, mais je lui dis ok, en me disant que même s'il n'est pas tout à fait au point, on partira de cette base là pour la prochaine séance, en s'appuyant sur ce qu'il sait faire. C'est déjà bien. Je lui montre un emplacement derrière une voiture garée, un truc sans difficulté, avec vraiment de la place. On y va, bon bien sûr il ne met pas son clignotant mais ça, je m'y attendais. Il commence à faire sa manœuvre, je le regarde, on tourne, on tourne, mais on ne s'arrête pas ! Jusqu'à se retrouver rangé en bataille, n'importe comment, limite face au mur… Mais qu'est-ce qu'il me fait ? Je lui dis de sortir et de recommencer. Même résultat. Après, il s'avoue vaincu, il s'arrête, me regarde d'un air super déçu et me dit (attention c'est du caviar) : « Mounir, franchement je comprends pas. Dans GTA j'y arrive toujours ». Je ne savais pas s'il se foutait de ma gueule, mais au final non, il était sérieux à fond, il en démordait pas. D'ailleurs il m'a dit à la fin « je te jure, ce soir je vais continuer de m'entraîner ». J'en pouvais plus.

As-tu eu des élèves qui agissent n'importe comment à cause du stress ?
Tu as des élèves super paniqués, et là pour le coup ça demande beaucoup de pédagogie, parce que tu as tout un travail un peu psychologique à faire, pour qu'ils se détendent un peu. Hmm… Il y en avait une… en gros, on roulait à 50, donc je lui montre un feu rouge au bout de la rue, et je lui explique qu'il faut qu'elle commence à freiner maintenant, compte tenu de la vitesse, pour qu'on s'arrête parfaitement au feu, tranquille. Elle me dit ok, pas de problème, après tout c'est une manœuvre simple. Sauf qu'elle ne freine pas. Je lui fais remarquer, elle me redit ok, sauf qu'on est toujours à 50. Une dizaine de mètres plus loin, même chose. Au final, c'est moi qui ai freiné à sa place et on a pilé au feu rouge, c'était beaucoup trop tard. Je lui demande pourquoi elle n'a pas freiné et elle me répond, super innocente et tout : « mais je ne savais pas que cette pédale servait à freiner ». Comment c'est possible ? Ça s'appelle la pédale de frein ! Mais pareil, elle était 100% surprise, elle était pas au courant. Ensuite j'ai compris que du coup, elle s'imaginait qu'en relâchant progressivement l'accélérateur, la voiture s'immobiliserait toute seule… J'ai dû tout lui réexpliquer en long et en large.

Au final, plus de peur que de mal à chaque fois ?
Oui. Enfin… Faut être honnête. Mon pire souvenir, la seule fois où sans mon intervention c'était l'accident violent assuré, eh bien ce n'était pas avec un jeune élève. C'était tout l'inverse, une mère de famille un peu âgée, qui était censée passer l'examen deux jours plus tard. Le problème, c'est que je ne l'avais jamais eue personnellement, donc je me suis basé sur mes infos : vu qu'elle allait à l'exam juste après, je devais simplement lui faire une prépa, la faire tourner un petit peu sur le terrain où elle allait passer. Bref, pour moi, elle était prête, logiquement. Erreur. Je l'amène sur l'autoroute pour aller à Rosny, je lui précise que c'est la prochaine sortie, et là, elle a mis un de ces coups de volant… J'ai eu un genre de réflexe de survie pour lui reprendre le volant, parce que concrètement, soit on se prenait un camion soit on rentrait sur le côté de la route. C'est le pire truc qui me soit arrivé personnellement, la seule fois où j'ai flippé.

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Photos : FLickR