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Sports

Le surf est-il vraiment un sport ?

Un ancien surfeur tente de décrypter le surf moderne : un mélange chelou de vraie compét' et de stratégies marketing qui ne font pas vraiment un sport.
Photo by Jake Roth-USA TODAY Sports

Le surf est-il bien un sport ? J'suis pas sûr, mec. C'est une question qui me trotte dans la tête depuis le lycée. A l'époque, à peu près tous les weekends, j'attachais ma planche au toit de la voiture d'un pote et roulait, à des horaires beaucoup trop matinaux, depuis la banlieue de Los Angeles jusqu'à la mer. Je peux vous dire à quel point surfer est une expérience extraordinaire, qui vous connecte à la Terre, en sachant bien à quel point cela a l'air niais si vous n'avez jamais essayé. C'est magique. Mais est-ce que c'est un sport ?

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J'ai quelques doutes. Cela commence avec les championnats du monde de surf, le World Championship Tour, qui ressemble de plus en plus à une étrange publicité de mode plutôt qu'à un vrai événement sportif.

Il y a beaucoup de choses cools à propos du Tour. C'est un moyen de voir quelques-uns des meilleurs surfeurs mondiaux déjà. Et c'est raisonnablement lucratif niveau récompenses à la fois pour les hommes et pour les femmes, ce qui est plutôt sympa. La championne de la saison féminine 2014, Stephanie Gilmore, a par exemple remporté 258 650 euros environ. Le meilleur surfeur de la saison masculine, Gabriel Medina, avait remporté 346 230 euros avant la dernière compétition de la saison. C'est vrai qu'en terme d'égalité des sexes, une différence de 90 000 euros, c'est beaucoup, mais c'est toujours beaucoup moins que le gap entre les salaires de NBA et de WNBA. Et de toute façon, comparer les revenus des sportifs en solo n'est pas la meilleure mesure des disparités de salaires basés sur le sexe. Sur la saison 2015, le découpage des prix par compétition est assez proche (même si certainement pas parfait) : les hommes s'affrontent pour un lot total de 5 112 000 euros soit 150 000 euros par athlète en moyenne, alors que les femmes s'affrontent pour 2 091 000 d'euros, mais avec moins d'athlètes en compétition, ce qui fait un prix en moyenne de 123 000 euros.

Ce sont des sommes décentes, mais l'industrie de la mode qui mise sur la culture du surf est beaucoup, beaucoup plus importante que l'économie du surf professionnel. Il suffit de regarder comment les athlètes les mieux payés gagnent leur argent. Ce n'est pas grâce au Tour. Selon Stab Magazine, la neuvième surfeuse la mieux payée en 2013, Stephanie Gilmore, a gagné 1,6 million d'euros en sponsoring cette année là, et seulement 48 700 dollars grâce à la compétition. Dane Reynolds, un mec qui passe juste son temps à voyager à travers la planète et à se faire photographier en train de surfer, était le deuxième surfeur le mieux payé de l'année. Il a réalisé environ 3,4 millions d'euros de gains grâce aux sponsors et seulment 55 000 euros en compétition en 2013.

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Si les sommes gagnées ne vous semble pas déséquilibrées, regardez plutôt le marketing fait autour des athlètes. On pourrait confondre les meilleures surfeuses avec des mannequins pour bikinis. Pas seulement parce qu'elles sont blondes et minces et (pour la plupart) blanches, ou parce qu'elles portent constamment des maillots de bain, qui pour elles, valent des costard-cravates, mais plutôt à cause de la façon dont elles sont mises en valeur. Regardez cette publicité pour Roxy en 2013 avec Stephanie Gilmore :

La pub entière est réalisée en slow-motion. Sur la plupart des plans, on voit Gilmore se déshabiller au fur et à mesure, et sur aucun d'entre eux on ne voit Gilmore surfer. (Voici une vidéo très similaire avec la quatrième surfeuse mondiale en 2014, Sally Fitzgibbons.) Les sponsors voient clairement ces athlètes plus lucrativement en les vendant comme des "meufs qui surfent" stéréotypées - en appuyant bien sur le meufs - plutôt que comme des athlètes professionnelles.

Les hommes ne sont pas vendus comme des sex symbols, ou tout du moins, pas exclusivement. Mais ouvrez un magazine de surf, et dites moi combien de photos ont à voir avec le Tour et combien ont à voir avec le lifestyle, le surf comme loisir, ou juste le fait d'avoir l'air cool. Comme les femmes, l'industrie promeut de manière générale les hommes comme représentant d'une sous-culture spécifique, un certain stéréotype macho, côte Ouest, mais pas comme des athlètes de compétition.

Mais il y a des problèmes avec la compétition aussi. La compétition en elle-même ne pourrait pas être plus subjective, se basant sur des jugements de préférence et des choix de vague, ce qui revient à être jugé sur la base d'une opinion et un peu au hasard aussi. Le surf n'est pas la seule compétition qui se base sur la subjectivité. C'est le problème de beaucoup de sports de glisse et sports extrêmes qui ont débuté et continuent de se développer en tant qu'hobbies. Mais dans un monde où les sports sont de plus en plus noirs ou blancs - il n'y a pas de points de style en tennis - le surf se trouve dans une zone très grise.

Ce qui est surtout bizarre cependant, c'est que les gens sur le Tour ne sont pas forcément les meilleurs surfeurs du monde. En tennis, les athlètes les mieux classés sont certainement les meilleurs mondiaux. En surf, il y a débat : ils sont clairement parmi les meilleurs du monde, mais si vous êtes assez bons ou si vous vous faites remarquer, vous n'avez pas besoin de compétition pour gagner votre vie. Il y a énormément de soi-disant "free surfers" qui font juste cela. La compétition est en option.

C'est le plus gros accroc pour moi. Pourquoi la compétition existe-t-elle si les athlètes n'en ont pas besoin pour gagner de l'argent ? Est-ce que le surf pro est réellement un sport de compétition alors que certains des meilleurs surfeurs n'y participent pas ? Est-ce que le champion du monde est vraiment le champion du monde ? Les athlètes d'autres sports gagnent aussi d'énormes sommes dans des contrats avec des sponsors, mais la différence de gains entre compétition et sponsoring est rarement aussi flagrante. Est-ce que le Tour ne serait pas une autre façon de monétiser une sous-culture à la mode ?

Si vous êtes un surfeur professionnel, la compétition est en option. Le défilé de mode, par contre, ne l'est pas.