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Quand les hockeyeurs américains ont détruit le village olympique de Nagano

L'équipe américaine de hockey fut vraiment nulle lors des Jeux olympiques d'hiver 1998. Mais de manière assez remarquable, elle était encore pire en dehors.
EPA

Tous les jeudis, VICE Sports revient sur un événement dans l'Histoire du sport qui s'est déroulé à la même période de l'année. C'est Throwback Thursday, ou #TT pour vous les jeunes qui nous lisez.

Dimanche, on fêtera le 18e anniversaire de l'improbable médaille d'or remportée par l'équipe nationale américaine de hockey sur glace, à l'époque composée exclusivement d'étudiants et d'amateurs. La semaine dernière cependant, le monde du hockey américain fêtait le 18e anniversaire d'un tout autre événement : la fois où quelques gros bébés bourrés et en colère ont détruit leurs appartements du village olympique après s'être fait éliminer des Jeux olympiques d'hiver 1998 de Nagano, au Japon.

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C'était la première année que des hockeyeurs de NHL avaient le doit de participer à la compétition. Cela faisait suite à une décision du comité olympique. Les attentes étaient donc énormes en termes de qualité de jeu pour ces JO. Et plus spécifiquement pour une équipe qui était restée inchangée depuis sa victoire lors de la Coupe du monde 1996 et qui incluait douze des quinze plus grands buteurs américains de l'histoire de la NHL. En plus des USA, les sélections du Canada, de la République tchèque, de la Finlande, de la Russie et de la Suède étaient presque toutes des équipes de All-Stars de la NHL. Ces Jeux olympiques allaient être haletants.

Les choses ne se sont pas passées comme prévues cependant, en tout cas pas comme l'aurait voulue la Team USA ou leurs fans. En quatre matches, ils n'ont pu ramener qu'une seule victoire, face à la Biélorussie qui ne comptait alors qu'un seul joueur de NHL dans ses rangs. Les hockeyeurs américains perdront 4-1 contre les Tchèques (qui s'en iront remporter la victoire finale) en quarts de finale le mercredi 18 février. Mais ce ne fut pas le moment le plus embarrassant de leur séjour au Japon.

Le lendemain matin de leur défaite face aux Tchèques, vers 4 heures du matin, une bande de hockeyeurs américains, très certainement bien avinés et définitivement en colère après leur performance, décide de casser une douzaine de chaises, de dégoupiller quelques extincteurs, l'un d'entre eux ayant même été jeté du haut d'un balcon dans une cour du village olympique. Les responsables des JO découvrent les faits quelques heures plus tard et estiment que les dommages s'élèvent à 1 000 dollars, un chiffre qui triplera après constatation des dégâts.

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A l'époque, le commissaire de la NHL Gary Bettman n'est pas trop ému par cette histoire. « Evidemment, un tel comportement est inacceptable et ne sera pas toléré », déclare-t-il après l'incident.

« C'est un événement malheureux que nous regrettons sincèrement », déclare pour sa part le directeur exécutif de la fédération américaine de hockey d'alors, Dave Ogrean. Nous pensons que seule une petite partie des joueurs est impliquée. Néanmoins, nous travaillerons avec la NHL et le syndicat des joueurs de NHL (la NHLPA, ndlr) pour déterminer avec précision qui est responsable. »

Bettman désigne alors le chef de la sécurité de la ligue pour travailler avec USA Hockey, la NHLPA et le comité olympique des Etats-Unis, afin de « déterminer quels joueurs pouvaient être responsables », mais leur enquête échouera à découvrir les coupables. A ce jour, aucun joueur de l'équipe américaine de 1998 n'a été désigné ou tenu responsable pour les événements qui se sont produits le matin du 19 février.

Les joueurs américains étaient déjà poursuivis par des rumeurs sur leurs fêtes infernales pendant les JO. « Les joueurs vont pouvoir s'amuser et faire ce qu'ils veulent, avait prévenu Mike Modano après l'élimination de son équipe. Si les joueurs jouent bien, tout le monde oublie. Si vous perdez, les gens vont utiliser cela contre l'équipe. »

Le sniper Brett Hull explique alors à l'époque que, contrairement aux rumeurs qui le mentionnait avoir été vu en train de se la couler douce dans une boîte de nuit durant la semaine désastreuse des Américains, il s'était couché huit fois sur dix à 20h lors de son séjour à Nagano.

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« J'ai passé beaucoup trop de temps à écouter des CD sur mon disc-man et à faire des mots croisés sur mon lit », raconte Hull à un journaliste du St. Louis Post-Dispatch avant de quitter Nagano. Une fois que les informations sur le vandalisme de l'équipe se sont propagées, cette citation fut utilisée par le chroniqueur du Baltimore Sun Ken Rosenthal. Comme beaucoup, Rosenthal ne croyait pas vraiment les propos de Hull, il l'imaginait difficilement en train d'écouter du hard rock sur son lit tout en remplissant la page de mots croisés de l'édition du dimanche du New York Times :

Des mots croisés ?
Voilà un indice pour ceux qui ne trouvent pas :
Honte olympique en sept lettres.
T-E-A-M U-S-A

Alors que de plus en plus de monde s'indignait du comportement de l'équipe de hockey, les joueurs mirent les bouchées doubles dans leur refus de cracher le morceau ou d'accuser certains d'entre eux.

« Je sais une chose, déclare à l'époque à CNN Jeremy Roenick, un joueur connu pour ses silences de moine. Beaucoup des meubles qu'on nous a mis à disposition étaient de mauvaise facture. On ne faisait que jouer aux cartes et les chaises se cassaient toutes seules sous notre poids. »

Cette déclaration est un peu cheloue. Je suis moi-même costaud, je fais 95 kilos et je suis à peu près de la même taille qu'un hockeyeur moyen, et je peux vous assurer que je n'ai jamais cassé une chaise en jouant à la belote. En même temps, difficile de faire confiance à un mec qui se comporte comme ça :

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Seule la légende Doug Weight montrera quelque émotion dans ses propos post-vandalisme, même s'ils contenaient le même genre d'arguments bidons que Jeremy Roenick.

« Je suis vraiment déçu que toutes ces choses là se passent comme ça, que les gens pensent qu'on s'est tous bourrés la gueule et qu'on a détruit des meubles et qu'on n'en a rien à foutre des JO, déclare-t-il selon le Boston Globe cette semaine-là. Ce n'est pas vrai. »

« On était vraiment en colère après avoir perdu ce match. La nuit suivant le match, quelques-uns d'entre nous sommes allés à un restaurant-karaoké avec nos femmes et nos familles. On a passé du bon temps à chanter et à boire quelques pintes. »

« Après, nous sommes revenus au village et on était probablement trop bruyants. Certains d'entre nous chahutaient, mais c'est tout. Je n'ai pas vu de gens casser des vitres ou des trucs comme ça. On n'a pas jeté de meubles. »

A propos des chaises cassées, Weight déclare qu'ils étaient tous des « mecs costauds » et que les chaises n'étaient « pas très solides » et qu'elles se sont cassées pendant une partie de poker.

A moins que Roenick se soit assis sur les genoux de Weight, ces chaises furent probablement cassées après avoir été balancées contre un mur par un homme qui piquait une crise après s'être vu accorder des vacances gratis dans l'un des pays les plus cools du monde. Une douzaine de chaises cassées et quelques milliers de dollars de dommages vous semblent peut-être d'une importance relative; mais manquer de respect à un pays qui vous accueille gracieusement tout en foutant la honte à sa propre nation ne l'est pas.

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Je me demandais ce qu'en pensaient les légendaires hockeyeurs américains qui avaient conquis une médaille d'or aux JO avant eux. J'ai donc passé un coup de téléphone à Mike Eruzione pour lui demander ce que lui et ses coéquipiers de la sélection américaine des JO de 1980 pensaient de cet débâcle.

« En réalité, on n'a pas vraiment eu de réaction, honnêtement, explique Eruzione. S'ils n'avaient pas été pros, peut-être que d'autres choses auraient été dites… Ce n'était pas bien, mais on m'a dit que les meubles n'étaient pas vraiment solides. (Peut-être qu'ils avaient raison finalement ?) Ils ont fait les cons, peut-être, mais parce qu'ils étaient connus, ça a pris des proportions énormes. »

Selon Eruzione, un groupe de joueurs de l'équipe de 1998 (avec comme leader, dans ses souvenirs, le capitaine Chris Chelios) avait collecté assez d'argent pour rembourser les dommage causés. Chelios a en effet bien envoyé une lettre et un chèque de 3 000 dollars au comité organisateur de Nagano en mars de cette année-là, sans spécifier d'où provenait l'argent.

« Je veux profiter de cette opportunité pour m'excuser auprès des Japonais, auprès du comité olympique japonais, auprès du comité olympique américain et auprès de tous les fans de hockey à travers le monde, écrivait-il à l'époque. La frustration de certains des membres de l'équipe leur a fait faire des choses sous le coup de la colère qui ne respectaient pas la tradition de fair-play de la NHL et de l'olympisme. »

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« Ils étaient tous professionnels, c'était stupide et immature, et ils auraient dû prévoir que ça allait se passer comme ça, explique Eruzione. C'était malencontreux et ce n'était pas bien ce qu'ils ont fait, mais au final ils se sont repris et se sont excusés. C'était la chose à faire. »

Pendant que l'on discutait, Eruzione a soulevé un point intéressant : et si l'équipe de 1998 avait gagné la médaille d'or et qu'ils avaient détruit leurs appartements en célébrant leur victoire ? Y aurait-il eu le même chamboulement médiatique ? Si on met de côté toutes les hypothèses et le comportement embarrassant des joueurs, c'était un assemblage de hockeyeurs extrêmement talentueux qui n'ont pas pu exprimer tout leur potentiel.

« Je trouvais cette équipe incroyablement talentueuse, m'explique Eruzione. Alors qu'ils ne remportent pas la moindre médaille… Je pense qu'avec les pros qu'on a dans nos équipes aujourd'hui on devrait gagner une médaille à chaque fois. Et je pense que les joueurs vous diront la même chose. »

En plus d'être les premiers Jeux olympiques à inclure des hockeyeurs professionnels, Nagano inaugura aussi la compétition féminine de hockey sur glace. Qui fût remportée par - vous l'aurez deviné - les Américaines. Avec la légendaire Cammi Granato comme capitaine, les hockeyeuses américaines se sont comportées avec grâce et classe pour battre les rivales de toujours : les Canadiennes. Face au comportement et au succès de l'équipe féminine, la conduite des hockeyeurs masculins était encore plus gênante.

Mais peut-être que la performance horrible et la colère débile des hockeyeurs américains n'était pas une si mauvaise chose que cela finalement. Peut-être que l'humiliation publique et le comportement affligeant de tous ces futurs Hall of Famers était exactement ce dont le hockey américain avait besoin. Dix-huit ans plus tard, les USA ont le meilleur programme de formation national dans le monde du hockey. Grâce au programme de développement de l'équipe nationale américaine de hockey (fondé en 1996), les Etats-Unis produisent aujourd'hui les meilleurs prospects de ce sport, et assemblent tous les ans une équipe capable de battre n'importe quel pays, n'importe où. Lors des derniers Jeux olympiques, ils ont par exemple battu la Russie chez eux à Sotchi.

Cela fait 36 ans que les Américains n'ont pas gagné de médaille d'or en hockey aux Jeux olympiques, mais les récents progrès (une médaille d'agent en 2002, une autre en 2010 au Canada et une quatrième place aux Jeux de Sotchi) montrent que les choses vont dans la bonne direction.

« Lors des dernières compétitions, je pense qu'on avait de très bonnes équipe, me raconte Eruzione. On n'arrive juste pas à franchir ce palier. Mais on a beaucoup de très bons jeunes joueurs qui arrivent, donc on verra. »

En parlant de ces jeunes joueurs, 17 d'entre eux, nés en 2000, ont battu les rivaux canadiens à Lillehammer pour aller chercher l'argent lors des Jeux olympiques de la jeunesse 2016. Peut-être que ce seront eux qui franchiront ce palier.