Faut-il oublier son couple pendant l'été ?
Illustration Pierre Thyss

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La vie, ça va passer

Faut-il oublier son couple pendant l'été ?

Oui.
Paul Douard
Paris, FR

Chaque été, je me pose toujours la même question : qu’est-ce que je vais bien pouvoir foutre de mes vacances ? Mon épargne me permettant de choisir entre une route des fromages en Auvergne et un accrobranche au camping de Royan, je dois donc faire preuve de créativité sur mon compte Instagram pour conserver un tant soit peu de crédit auprès de mes collègues. Mais si des problèmes de blé peuvent donner à l'été un air misérable, ce n’est rien comparé au dilemme qu'endurent tous les couples, qui représentent les deux tiers des jeunes adultes Français. Avant même de s’engueuler au sujet du « où ? », il leur faut décider le « avec qui ? » : partir ensemble ou au contraire profiter de cette période pour faire un break et s’éloigner le plus possible. Non, je ne considère pas le couple comme un fardeau qu’il faut abandonner sur le bord de l’autoroute. Simplement, un couple est scientifiquement constitué de deux personnes distinctes qui, parfois, ont des envies différentes. Preuve que la question est cruciale, une étude récente a mis en évidence que 65% des ruptures ont lieu pendant l’été. Pour vous aider à préparer cela avec dignité, voici ce qui va se passer.

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La raison la plus commune à ne pas vouloir partir avec la personne qui vous tourne le dos chaque nuit, ce sont vos potes. Si vouloir voyager avec des êtres immatures, sales et alcoolisés du matin au soir peut faire sens, la réalité risque d’être aussi excitante qu’un guichet de La Poste : vos potes sont aussi en couple. Comme vous, ils ou elles ont cédé au caractère « pratique » du couple. Cela laisse donc trois possibilités. La première est que vous allez tous partir ensemble – c’est-à-dire entre couples – car votre existence a été dissoute par le couple lui-même. Vous n’utilisez plus le pronom personnel « je » et vos amis ne s’adressent à vous que par le « vous ». Cela implique de ni profiter de votre copine/copain, ni de vos amis. Ce serait, encore une fois, pratique – c'est moins cher et il y a toujours quelqu'un pour s'occuper de tout. La seconde est que vos amis ont déjà prévu leurs vacances avec d’autres personnes sans même vous en parler. Eh oui, ils ont d’autres amis que vous – sans aucun doute des collègues de bureaux. Enfin, la dernière hypothèse est qu’ils vous proposent « un truc entre potes » pour « faire comme avant ». Sans trop de doute, je peux vous assurer que cette dernière n’arrivera pas, au contraire de la seconde qui risque bien de vous anéantir. Vous avez 25 ans et vous perdez vos amis, c’est comme ça – selon l’université d'Oxford.

Coincé, vous songez finalement à partir avec votre copine ou votre mec puisque vos amis (à vous) ne sont pas disponibles. Mais cela comporte une inquiétude : les ami(e)s de votre partenaire que, naturellement, vous détestez et qui pourraient se greffer à votre voyage. Dans les couples les plus extrêmes – mais rares – il arrive en effet que les deux personnes aient des amis différents. Mais la simple idée de devoir prendre un petit déjeuner chaque jour avec Oriane, la meilleure amie chef de projet au département « Conception produit » chez Danone provoque chez vous un étourdissement. Vous savez alors très bien ce qui arrivera avec ses amis. Personne ne voudra boire le soir et tout le monde dira un truc comme « Demain grass’ mat’ ! » avant de se coucher. Quand vous ouvrirez les yeux vers 13 heures le lendemain, le brouhaha général qui règne à l’extérieur vous laissera peu de doute quant à la situation : vous avez été trahis. Tout le monde s’est levé à 9 heures pour faire les courses et préparer la table. Et bien sûr, lorsque vous demanderez à votre copine « Mais pourquoi tu ne m'as pas réveillé ? », elle vous répondra : « Mais non t’inquiète, ce n’est pas grave ». Vous avez envie de la tuer, ses amis également. C’est normal. Puis, dès la deuxième gorgée de votre jus d’orange, votre téléphone vibrera pour vous signifier que « Julien vous a ajouté au Tricount “Summer 2018“ ». C’en est trop.

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Désireux d’éviter le suicide, vous envisagez une autre voie. Dans les moments de doute, faites confiance aux auteurs vivants et riches, comme Marc Lévy qui écrivait dans son best-seller Vous revoir que « la solitude peut être une forme de compagnie. » C’est ainsi que vous concevez de partir seul, sans votre partenaire. Mais réglons ce point tout de suite : voyager seul est nul. Non seulement vous risquez de mourir seul en cas d’accident, et personne ne sera là pour vous prendre en photo. En rentrant, vous pourriez vous être transformé en Virginie, cette copine de lycée qui a baroudé quelques mois en Iran – voyage qui a éveillé en elle une volonté d’écrire, de s’engager en politique et de le dire activement sur Facebook.

Viendra ensuite ce moment où lancer une platerie de type « Là-bas, ils n’ont rien et ils sont si gentils » pourrait vous sembler pertinent. Si vous partez seul, faites-le jusqu’au bout. Les vacances des autres n’intéressent personne. Votre seul espoir serait de devenir ce que décrit la psychologue Danièle Cottereau comme étant un « célibacouple ». En gros, un couple qui se sépare physiquement durant l’été et ne se prive pas d’un petit coup derrière le bar de la plage avec un sauveteur en slip. Mais là-encore, un amour d’été éphémère pourrait suffire à remettre en question toute votre vie. Le bureau, la vie à deux et le matérialisme occidental n’auraient plus aucun sens à vos yeux.

Tristement non satisfait, vous envisagez l’ultime solution : partir en couple, rien qu’à deux. Mais là-encore, tout n’est pas si évident et surtout risqué. Vous le savez, ce sont des vacances coûteuses. De plus, vous serez obligé de voir Jean-Sébastien, votre mec, sous un nouveau jour : un bob vissé sur la tête accompagné de lunettes de soleil de moniteur de ski à l’Alpe d’Huez. Je ne parle même pas de la trace de transpiration qui apparaîtra sur son pantacourt kaki après votre balade en VTT. C’est alors qu’une vision émergera soudainement : vous sortez avec un clone de votre père. Vous êtes dans une impasse. Heureusement pour vous, il arrive que la vie montre le chemin à suivre. Houellebecq écrivait dans Extension du domaine de la lutte que « L'homme est un adolescent diminué ». C’est sans doute ce qu’a découvert Élise, 26 ans, qui explique dans un article sobrement intitulé « Il ne veut pas partir en vacance avec moi. Elles témoignent » que son mec « préfère faire des travaux dans l’appart » plutôt que de partir en vacances avec elle. Élise, il te faut le quitter.

Paul attend que ça passe sur Twitter .