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Douce France

« Les squatteurs sont les parias de la classe politique »

Alors que ce mardi 17 juillet, les opposants à la loi ELAN défileront à Paris, Manuel Domergue, chargé d’étude à la Fondation Abbé Pierre, dénonce une réforme qui criminalise les squatteurs.
Photo: Joel Robine / AFP 

Avant de partir en vacances, les Sénateurs planchent sur un dernier gros dossier : le projet de loi ELAN (Évolution du Logement, Aménagement et Numérique). Qui prévoit, notamment, la vente de 40 000 logements sociaux par an, la réduction des normes d’accessibilité des logements aux handicapés, la création d’un bail de mobilité pour les jeunes et une lutte accrue contre les marchands de sommeil. Ce mardi 17 juillet, les nombreux opposants à la réforme défileront dans les rues de Paris.

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Une mesure fait particulièrement jaser les associations. Il s’agit de l’amendement Daubresse, du nom du sénateur LR du Nord Marc-Philippe Daubresse, qui prévoit de pénaliser (encore un peu plus) les squatteurs. Directeur d’étude à la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue explique pourquoi cette loi interpelle et suscite des mécontentements.

VICE : Que prévoit la loi ELAN concernant les squatteurs ?
Manuel Domergue : Aujourd’hui, le squat d’un domicile est déjà fortement pénalisé – 15 000 euros d’amende et un an d’emprisonnement. Et c’est parfaitement normal puisqu’il est attentatoire à la vie des gens. Le problème est que l’amendement Daubresse considère de la même manière le squat d’un domicile et d’un logement vide. Or, squatter un bâtiment où personne n’habite n’est pas un délit ! Le propriétaire peut bien sûr engager une procédure d’expulsion, et si le juge estime qu’il y a un préjudice, il peut y avoir une indemnisation, mais en aucun cas une sanction pénale.

Est-ce dans cette optique que l’amendement Daubresse propose de remplacer le mot « domicile » par « local » ?
Oui, le simple fait d’entrer dans un bâtiment pourra entraîner une sanction. Et pour des personnes déjà condamnées, ça sera un acte de récidive, pouvant donc déboucher sur une peine de prison ferme. Un immeuble désaffecté sera considéré de la même manière qu’un domicile. Pour justifier cet amendement, certaines personnes se sont appuyées sur des faits divers de gens qui squattent des locaux vacants. Les médias ont parlé de domicile alors que ce n’est pas le lieu où vit la personne. Si c’était le cas, le squatteur aurait été expulsé par la police en 48 heures.

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Il y a pourtant 2,8 millions de logements vacants en France selon l’INSEE
La vacance des logements est un phénomène croissant en France, tout comme l’augmentation du nombre de personnes sans domicile. Les gens se débrouillent comme ils peuvent. Occuper un logement vide car on n’a nulle part où dormir est un acte de bon sens. C’est une solution de fortune plutôt louable. En aucun cas il ne s’agit de squatter un logement occupé par quelqu’un.

Les squatteurs sont-ils considérés comme des ennemis par une certaine partie de la classe politique ?
Clairement, les squatteurs appartiennent à une catégorie de la population à combattre. Ils sont les parias de la classe politique. Nous sommes très inquiets car ce n’est plus seulement l’extrême droite qui propose de pénaliser les squatteurs. Il y a un vrai consensus politique autour de cette question. Or, les squatteurs ne sont plus seulement des sans-papiers, des personnes dites Roms, des jeunes marginaux, ou des artistes. La crise du logement est telle que de jeunes actifs précaires ou des familles squattent des logements vides – et plus seulement de jeunes dits marginaux appelés parfois punks à chien.

L’exécutif pourrait donc prendre un virage autoritaire concernant les squats ?
On verra la position du ministre du Logement, Jacques Mézard, concernant l’amendement Daubresse. La question de squats a toujours suscité débats et polémiques. Il faut trouver des solutions pour les mal-logés car l’amendement Daubresse revient à pénaliser la misère.