Le guide Noisey de tout ce qui pourrait arriver de pire à Moha La Squale en 2018

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Le guide Noisey de tout ce qui pourrait arriver de pire à Moha La Squale en 2018

Ne pas lire les petites lignes en bas de son contrat, continuer à être comparé à Mister You, être récupéré par le cinéma français ou, pire, par les puristes du rap.

Cela fait déjà quelques mois qu’un jeune rappeur fait beaucoup parler de lui, et pas seulement sur Internet, même si tout est parti de là. Il s’agit d’un dénommé Moha La Squale, issu du XXe arrondissement de Paris, plus précisément du quartier dit de la Banane. Il a envoyé semaine après semaine des freestyles inédits sur ses réseaux sociaux, notamment Facebook, depuis la fin du mois de juillet 2017. Lentement mais sûrement le bonhomme a su faire monter la sauce en étant toujours régulier à base d’un freestyle inédit chaque dimanche et l’effervescence autour de lui a fini par prendre plus sérieusement que jamais.

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Également acteur à ses heures perdues, si ce n’est plus (il suit une formation de comédien au cours Florent), il a annoncé le 13 novembre sa signature chez Elektra France, label de Warner. Bref, l’avenir semble radieux pour Moha. À moins que l’on bascule dans la pire des versions possibles pour la suite des événements, l’équivalent de la « worst timeline » dans la série Community (pour les plus jeunes), ou la réalité alternative où Biff Tannen est président dans Retour vers le futur 2 (pour les plus vieux). Comme on n'aime pas trop vous entendre dire que vous n'étiez pas prévenus, on a répertorié tout ce qui pourrait arriver de pire à Moha La Squale en 2018.

Signer en major sans vérifier les clauses en bas de page

Une des dernières grandes modes du rap français pour les jeunes rookies au buzz grandissant, c’est de se prendre en photo lors de leur toute première signature. Souvent on constate qu’ils sont seuls et entourés par l’équipe de la major qui va bosser sur leur projet. Ce qui signifie qu’ils signent sans avocat ni personne qui puisse les conseiller un minimum.

Les mauvaises langues diront que c’est trop tard pour Moha qui a effectivement annoncé sa signature sur les réseaux sociaux avec une photo et même un clip en partie tourné dans les locaux de sa nouvelle maison de disque. Sauf qu’on ne sait pas exactement quel type de deal il a signé, on peut donc lui laisser le bénéfice du doute. Quoi qu’il en soit, on lui souhaite au moins d’avoir bien fait monter les enchères (c’est ce qu’il sous-entend : « toutes les maisons veulent me signer, toutes les maisons veulent s'endetter, le talent parle, le travail paie ») avant de se jeter dans la gueule du loup.

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Continuer d'être comparé à Mister You

« Il fait grave penser à Mister You en plus ! » Cette phrase est souvent lâchée comme un vague compliment en ponctuation des présentations sommaires de Moha, et c’est assez étrange. Alors certes il y a des points communs, le côté très énergique dans les freestyles et l’impression d’urgence qui se dégage de presque tous ses clips, le fait qu’ils soient tous les deux originaires d’un quartier populaire de Paris intramuros, oui, OK. Par contre, 1/ ça s’arrête là (la personnalité n’est pas la même et ça se ressent niveau textes) et 2/ la comparaison concerne uniquement une période de la carrière de Mister You, précisément celle où il était en cavale et où il enchaînait mixtapes, freestyles et featurings. Parce que le Mister You post-prison c’est le mec qui sortait des singles fruités en pagaille avant de disparaître - même s’il est revenu dernièrement à ses premières amours. Donc on va peut-être se calmer.

Retomber dans la bicrave

Moha l’explique à longueur de morceaux, il a beaucoup galéré et s’est retrouvé à faire des choix pas forcément judicieux qui l’ont mené en quatrième vitesse sur la route de l’illicite - en gros, il a passé une partie de sa jeunesse à vendre des barrettes dans la rue. Jusqu’ici rien de bien extraordinaire, et heureusement pour lui tout ça fait désormais partie de son passé. Sauf que comme on l’a déjà dit, le jeune homme est actuellement inscrit au Cours Florent, la prestigieuse école d’art dramatique française dont même les plus incultes d'entre vous ont déjà entendu le nom au moins une fois. Il y a même eu un feuilleton documentaire centré sur une quinzaine de leurs élèves en 2002 sur Canal +, donc ça doit pas être de la merde. Et comme chacun sait, les aspirants acteurs, les saltimbanques et tous ces trucs là, ça consomme souvent toutes sortes de drogues et en quantité non négligeable qui plus est. En gros c’est comme si tu mourais et que tu te réveillais au paradis des dealers. Sois fort Moha, ne reprends pas tes mauvaises habitudes même si le manque à gagner fait toujours mal au cœur.

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Décrocher des rôles de merde au cinéma avant d'avoir pu percer dans le rap

Le garçon n’est pas seulement rappeur, il est également comédien et est en passe de carrément se professionnaliser dans ce domaine. Outre une tête bien reconnaissable (il a ce qu’on appelle communément « une gueule »), il a aussi un gros potentiel, qu'on peut entrevoir dans le court-métrage La Graine. Sauf qu’il a l’étiquette « rappeur » collée dans le dos sans en avoir encore tous les avantages : la plupart de ses collègues se sont fait une large place dans la musique avant de tenter l’expérience au théâtre ou au cinéma (Joey Starr, Kery James, Kaaris, Disiz, Sadek, Orelsan, Nekfeu, prochainement MHD), ce qui n’est pas le cas de Moha qui débute à la fois dans le rap et dans la comédie, en même temps. Autre problème : on est en France où les profils comme Moha se retrouvent généralement cantonnés à un registre limité et des rôles parfaitement inintéressants.

Et c’est le genre de truc qui peut flinguer une image à la vitesse d’un cheval au galop. Plusieurs situations cauchemardesques sont ainsi envisageables :

- Des apparitions pourries dans des drames ou comédies « en milieu urbain » écrites et réalisées par des gens qui n’y ont jamais mis les pieds.

- Faire le méchant dans Allad’2 face à Kev Adams - ou pire, jouer un de ses potes.

- Jouer le jeune-de-cité-un-peu-bad-boy-mais-avec-un-coeur-gros-comme-ça-derrière-la-carapace-de-délinquant face à un figure d’autorité un peu rude mais pétrie de bonnes intentions jouée par Daniel Auteuil.

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- Interpréter un intégriste musulman qui se retrouve forcé de se cacher sous une fausse identité chez un riche bourgeois plein de préjugés joué par Christian Clavier, ce qui amènera les deux à comprendre finalement que l’intolérance c’est pas tip-top mais on rigole bien quand même.

- Un rôle d’homosexuel, parce que c’est le seul rôle à contre-emploi auquel l’industrie du cinéma pense généralement, sans qu’on sache trop pourquoi.

Continuer à ne pas comprendre qu’une chaîne youtube officielle monétisée c’est mieux que des posts Facebook

Possible que cette partie ne soit plus d’actualité au moment où vous lirez ces lignes, mais force est de noter que la période Facebook du gaillard a duré quand même un poil trop longtemps. C’est à dire que ce qu’on peut considérer comme le tout premier inédit à peu près officiel intitulé « Tout seul » date en fait du 23 juillet dernier. Ce sont d’abord ses fans qui ont uploadé ses vidéos sur YouTube pour le faire connaître au plus grand nombre. Et comme à chaque fois que des auditeurs prennent des initiatives pour soutenir leur artiste, il y a un côté solidaire assez touchant mais aussi extrêmement bordélique.

Du coup, même si l’intention était honorable, tout arrivait dans le désordre sur plusieurs chaînes différentes, etc. Encore récemment, sur ce qui correspond à la chaîne officielle du rappeur, l’intégralité des clips a été ramenée un peu à l’arrache, par exemple « Tout seul » n’était arrivé que le 23 novembre. Ça fait 4 mois de retard, les gars, c'est pas sérieux.

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Bref, faut péter le Vevo maintenant.

Être confondu avec Brice de Nice qui imite un chameau

Ça, ce serait incroyablement moche, mais franchement il y a un petit air de ressemblance. Quelle que soit l’évolution de la mode capillaire de ces prochaines années, il faut que La Squale reste rigoureux et résiste à la tentation de se teindre les cheveux en blond. D'autant plus que, combinée aux pièges tendus par le cinéma français plus haut, cette funeste décision pourrait propulser Moha à l’affiche du prochain volets des aventures de Brice de Nice, dans le rôle du petit frère du héros. Ou pire, rôle principale d'une prequel basée sur la jeunesse du personnage.

Découvrir qu'il ne sait pas faire de vrais morceaux

Malgré le buzz et le côté très prometteur de tout ce que nous a livré notre ami jusqu’ici, le fait est que pour l’instant nous n’avons pas eu droit à un seul morceau complet. On pourrait objecter que s’il a décroché une signature c’est qu’il va forcément sortir un disque, que ce soit une mixtape ou un album, et qu’il a en a donc sous le capot. Sauf que des maisons de disque qui signent tout et n’importe quoi juste à cause d'un grand nombre de vues sur internet, ça s'est déjà vu et à vrai dire, c’est même un peu devenu la règle. À partir du moment où René La Taupe* a pu décrocher un contrat, tout est possible. La pire des déconvenues serait de constater la mort dans l’âme que le rappeur n’est bon que dans les freestyles qui s’enchaînent, qu’il a beaucoup de mal avec des refrains, qu’il n’a strictement aucune identité musicale cohérente niveau instrus et qu’il est donc infoutu de faire des morceaux, encore moins un album.

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Être pris pour une bête de foire

Pour l’instant le Bananien s’est prêté au jeu de l’interview sur Radio Nova et c’était très bien, déjà parce que son hôte a un sweat Grünt, mais aussi parce qu’il était là pour en savoir plus sur l’artiste tout en restant chaleureux. Dans ce cadre, le rappeur est à la fois intéressant, amusant et même touchant. Il est malheureusement probable que cela ne dure pas. La Squale a exactement le profil qui attire les médias cracra puisque son histoire est assez unique, faite de délinquance, de prison, de velléités cinématographiques, de frangin en cavale et de références multiples à Jacques Brel, dont il utilise des extraits d’interview en intro de chaque morceau.

Il est assez facile d’imaginer médias web, magazines et même plateaux télé l’accueillant en mode « Moha La Squale : de dealer illettré au cours Florent, un rappeur au parcours édifiant », ce qui engendrera des questions magnifiques du genre « Alors t’aimes bien Jacques Brel ? C’est autre chose que le rap, hein ? », « Tu as un message à faire passer à ton frère en cavale ? Non c’était pour rire. Mais si tu veux tu peux lui parler en regardant la caméra, ça enregistre », « Tu peux nous réciter du Shakespeare, là, comme ça ? », « Ça te fait pas bizarre de passer de la case prison au succès ? La maison de disque ça doit te dépayser de ton taudis, nan ? »

Enregistrer une version rap de Shakespeare

Une vidéo a fait pas mal parler de lui, lorsque Moha s’est filmé en train de déclamer du Shakespeare au milieu de ses potes dans son quartier, de nuit. Son but était de donner un autre relief au texte et de confronter les deux univers qui semblent à des années lumière l’un de l’autre, alors qu’en vérité pas trop. C’était assez original et le résultat a un certain charme. Et c’est précisément ce qui inciterait des abrutis à embarquer le MC dans une tentative de crossover casse-gueule et fatalement raté d’adaptation de Shakespeare version rap, avec les textes de l’auteur scandés par Moha après avoir été réécrits pour mieux correspondre au langage et aux codes des millenials. Que ce soit sur scène ou sur disque, ça ressemble à une certaine idée de l’enfer.

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Faire des feats avec n’importe qui

Attention, à exactement 2 minutes, une image peut choquer.

Certains ont déjà commencé à faire quelques petits big up à l’artiste qui grimpe et c’est toujours très gentil comme démarche. Sauf que ça peut aussi vouloir dire qu’ils envisagent déjà des collaborations et là ça peut être le début d’un engrenage infernal. N’oublions pas que de nombreux rappeurs sont avant tout mus par leur instinct de survie et leur dépendance au buzz façon héroïnomane en bout de course. C’est un peu ce qui est arrivé à Niro qui a posé sur tous les projets possibles avant de réaliser que ceux qui l’appelaient étaient surtout des profiteurs.

Rappelons qu’en milieu aquatique, le squale doit faire face à de nombreux parasites :

- Les copépodes, sortes de petits crustacés qui s’accrochent à eux pour grignoter un bout. Ce sont vraiment les mecs qui feraient tout et n’importe quoi pour le buzz et qui harcèleront Moha pour un featuring.

- Les rémoras, des poissons qui s’attachent à eux et se font transporter gratos, tout en virant les copépodes. Ce sont les rappeurs qui diront à Moha de ne pas traîner avec untel ou untel mais plutôt d’écouter leurs conseils car ils peuvent se rendre service mutuellement.

- Les poissons-pilotes, qui profitent du flux créé par le sillon du requin. Ça correspond aux rappeurs qui n’hésiteront pas une seconde à pomper le style de Moha si celui est suffisamment vendeur.

Être adopté par les puristes

Moha est un kickeur, c’est évident. Il a même une rime où il se moque du style trap (« J'arrive comme Mbappé dans l'rap, je vire ces bouffons qui font de la trap ») et une reprise de l’instru de « Retour aux pyramides » (voir ci-dessus), le classique des X-Men. Il n’en faut pas plus pour attirer les puristes qui parlent en boucle de « revenir au vrai rap » dès lors qu’un type pose sur des arrangements piano/violon en prenant un air un peu triste ou en fronçant les sourcils. Si ce type d’auditeur n’est pas foncièrement mal intentionné, il peut se révéler extrêmement chiant à gérer dans la mesure où toute tentative de modernité sera vécue de son point de vue comme une haute trahison passible de bannissement ou de crucifixion. Le plus terrifiant étant d’imaginer Moha se contraindre à un seul style sur tout un album juste pour leur faire plaisir alors que ses freestyles se sont montrés, jusqu’ici, plutôt variés.

*Après vérification, il s’avère que René La Taupe n’était pas réel, c’était juste une taupe en images de synthèse. Mais ça marche quand même. Yérim Sar est sur Noisey.