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Comment vivre avec un copain atteint de troubles obsessionnels compulsifs

Mon petit ami ne touche aucune chose susceptible d'être « sale » – que ce soit des poignées de porte, des serviettes de bain, ou moi.

Illustration : Alex Jenkins

Je suis convaincue d'avoir rencontré mon âme sœur, mais je ne m'étais pas nécessairement imaginé planifier mon futur avec une personne qui a constamment peur de me toucher. Je suis sortie avec des sociopathes, des toxicomanes et des alcooliques, mais je ne savais vraiment pas à quoi ressemblait la vie commune avec une personne luttant contre ses TOC.

Quand j'ai rencontré Tony (son nom a été changé) il y a un peu plus d'un an, il m'a aussitôt expliqué qu'il souffrait de troubles obsessionnels compulsifs – un trouble anxieux marqué par des pensées intrusives et incontrôlables, ainsi que des rituels répétés. Le simple fait qu'il m'ait dévoilé cette information aussi vite montre à quel point ses TOC ont pris le contrôle sur sa vie. Ce trouble peut bien entendu être géré, mais ça ne l'empêche pas d'être très difficile à vivre. Une psychologue m'a un jour expliqué que certains patients hospitalisés pour leurs TOC se laissaient mourir de soif, de peur que l'eau soit contaminée.

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Selon l'AFTOC, plus d'un million de Français vivent avec des TOC – la majorité des cas étant déclarés avant l'âge de 25 ans. Tony a été diagnostiqué il y a plus de dix ans, et hospitalisé deux fois depuis. Il m'a dit qu'il était « devenu fou », incapable de quitter sa chambre à cause des menaces permanentes qui semblaient l'entourer. Aujourd'hui, ses troubles se manifestent sous forme de pensées obsessives sur l'hygiène – à force d'être lavées de manière excessive, ses mains sont parfois en sang. Il ne touche jamais quoi que ce soit qui puisse lui paraître un peu « sale » – des poignées de porte, des serviettes déjà utilisées, ou moi.

Mais nous sommes tout de même tombés amoureux. Tony était une personne attentionnée, cultivée, drôle et pleine d'empathie. Nous nous sommes rencontrés un lundi, et quand je suis partie pour un court voyage le vendredi, nous étions déjà inséparables. On avait beau se connaître à peine, j'ai très vite compris que Tony était un type aimant et sensible. Ce n'est que quelque temps après que j'ai vraiment compris à quel point sa maladie était handicapante.

En gros, une journée avec Tony ressemble à peu près à ça : je me réveille près de lui et je dois me retenir de le toucher. Il refuse de toucher son propre visage et ses cheveux tant qu'il n'a pas pris de douche, à cause des « huiles cachées » qui se trouvent sur ses mains (pour cette raison, je ne peux pas le toucher non plus). En général, il faut également que je me douche pour pouvoir le câliner avant d'aller au travail. Il refuse tout contact physique si j'ai le malheur de frôler quelque chose de sale, comme un mur ou un manteau accidentellement tombé par terre.

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Tous les jours, je fais tourner une machine afin qu'il puisse s'envelopper d'une serviette propre en sortant de la douche. Il lui en faut une nouvelle chaque jour, et Tony préfère qu'elles soient blanches afin de pouvoir y déceler la moindre tache. S'il se drape par erreur d'une serviette tachée, il ira jusqu'à prendre une autre douche pour se sécher avec une serviette immaculée.

Un jour, je me suis trompée de produit pour nettoyer notre sofa – et Tony a tout fait pour éviter de s'y asseoir pendant trois semaines. Je sais que toutes les relations nécessitent des compromis, mais il est particulièrement difficile de vivre une vie amoureuse tranquille quand chaque action, même mineure, peut provoquer une crise de nerfs. Même quand Tony ne peut pas exprimer directement ses problèmes, ces derniers finissent par se manifester en silence. J'en suis venue à considérer sa maladie comme une entité bien distincte – Tony souhaiterait être aimé sans la moindre limite, mais les TOC en ont décidé autrement. Suite à une crise ou une petite dispute, je sens qu'il aimerait qu'on se réconcilie comme un couple normal – avec un signe d'affection, un gros câlin qui voudrait dire « Je suis désolé » –, mais ses TOC l'en empêchent.

Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai éclaté en sanglots, espérant secrètement que Tony soit un mec « normal ». Parfois, il m'arrive d'appréhender une activité prétendument amusante ou une grande occasion, parce que je sais qu'elles peuvent apporter leur lot d'anxiété. Tony est déjà parti en trombe d'un restaurant ou d'un bar après que quelqu'un ait accidentellement renversé un verre sur lui ; quand nous sommes à une soirée, je sais qu'un simple baiser volé suffirait à provoquer une crise de panique. Un jour, Tony a même refusé de manger son repas dans un restaurant huppé parce que son parapluie était tombé par terre. Dans sa tête, il n'existe rien de tel qu'un accident, sachant que tout ce qu'il fait est prémédité – il agit toujours de manière très précautionneuse, et je suis censée faire de même.

Il n'existe pas de « remède » aux TOC, mais comme pour la plupart des troubles mentaux, celui-ci peut être contrôlé avec un traitement adapté. En ce moment, Tony suit une thérapie et prend 40 à 60 milligrammes de Paroxetine chaque jour. Ça l'aide un peu, mais il n'est pas aussi libre qu'il le souhaiterait. Après un an avec lui, je peux facilement anticiper ce qui est susceptible d'ennuyer Tony. En tant que partenaire, j'essaie au mieux de le rassurer. Mais cela implique d'être constamment à l'affût, préoccupée par le moindre détail qui pourrait l'incommoder, et ça me rend parfois triste de savoir que nous devons lutter pour apprécier des choses toutes simples. Il n'y a plus rien de spontané dans notre couple, ce qui rend toute envie romantique particulièrement difficile à concrétiser.

Mais encore une fois, je vous parle de la personne que j'aime. En réalité, vivre avec Tony m'a rendue plus empathique, tout en m'emplissant d'une tristesse profonde. J'essaie au maximum de me rappeler que Tony vit avec une maladie très accablante, et que s'il pouvait changer la situation, il le ferait sans hésiter. Avant de le rencontrer, j'avais tendance à rigoler quand j'entendais mes amis un brin maniaques me dire « oh là là, j'ai plein de TOC ». Aujourd'hui, ça ne me fait plus trop rire.