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Bam Margera est aussi triste que la Mort

Le « cinglé de Jackass » a bien changé depuis le décès de son pote Ryan Dunn.

Image via Youtube.

Il arrive toujours un moment où l'Homme – l'abstrait, celui avec un h majuscule – commence à envisager sa propre mortalité, et celle des gens qui l'entoure. Mère, frère, copine, chien, amour-propre, socialisme – tout cela finit par disparaître dans ce grand chaos qu'est la civilisation humaine. Jean Glavany ne sera bientôt plus de ce monde, Jean-Pierre Chevènement non plus. Que nous restera-t-il après ça ? Qui défendra la parole de l'Internationale Noniste ? Comment pourra-t-on gérer notre tristesse ? À quoi ressemblera notre vie sans eux ? À un bol de porridge de chez Aldi ? Sans doute.

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Bam Margera, qui a gagné des millions de billets verts en foutant un alligator au milieu de la cuisine de ses parents, ne s'était visiblement jamais posé ces questions. Quand Jackass a débarqué sur les écrans fatigués des adolescents du début du nouveau millénaire, Margera était un jeune skater assez prometteur – du moins aux yeux des mecs qui ne juraient que par Tony Hawk's Pro Skater 3 et ses riders cachés, genre Darth Maul et Kelly Slater. Figure centrale de son groupe de potes de West Chester, Pennsylvanie, accompagné à l'écran par des types toujours considérés comme les plus grands hérauts de l'idiocratie tendance scato à l'américaine – Johnny Knoxville et Steve-O – Margera était l'un des membres les plus populaires du Jackass Crew.

Bam Margera et ses potes étaient faits pour plaire à tout jamais aux adolescents nés avant le déboulé de Kostadinov, un soir de novembre à Paris. L'état d'esprit de cette génération triomphait dans How High sans passer par la case Instagram, boulgour, chaï latte et carte MK2 illimitée. Sauf que la candeur de Margera – celle qui le poussait à insérer des objets contondants dans des orifices non adaptés – est morte en même temps que son meilleur pote. En 2011, Ryan Dunn décide de rejoindre Albert Camus et la meuf de TLC en fonçant à toute vitesse dans un arbre. Il avait 34 ans.

Alors que familles et amis déposent des fleurs sur le bord de la route, Margera répond à une interview pour le plus grand bonheur de quelques journalistes. Après cet événement, Bam Margera n'est plus le même. Comment aurait-il pu en être autrement ? Imaginez-vous pouvoir accepter la mort d'un proche sans sombrer dans l'alcool premier prix ? La spirale des vains spiritueux peut démolir l'être humain le plus équilibré au monde, celui qui ne lit que des livres de développement personnel et regarde encore Canal+. Ce qui n'était sans doute pas le cas de Bam Margera.

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Bam Margera finira par être jeté en pâture en compagnie de sa mère aux téléspectateurs d'une émission de téléréalité. Sous les yeux des thuriféraires de l'audiovisuel prémâché, l'idole des jeunes weedés c. 2001-2002 essaie de mettre fin à ses addictions. Bon, OK, essayer de sortir de l'alcool en étant le frontman d'un show TV revient à tenter de sortir de l'addiction sexuelle tout en passant ses week-ends près de la frontière franco-allemande – ou à Benidorm, c'est selon.

Dans Family Therapy With Dr. Jenn, Margera dévoile l'abîme éthylique dans lequel il est tombé, et affiche un visage qu'on ne lui connaissait pas vraiment – bouffi, aussi pathétique qu'attachant. Il est toujours déchirant de voir à quel point un décès peut ruiner la vie de quelqu'un.

Sauf que la télévision est le bercail de Bam Margera, son étable turbulente, tel un Jésus-Christ né et élevé entre un pack de Budweiser éventées et une salopette bleutée appartenant à un fermier parti trouver refuge dans les plaines verdoyantes de Californie en 1932. Certes, après Viva La Bam, ses émissions étaient devenues aussi craignos qu'un film de Jean-Pierre Jeunet. Bam's Badass Game Show n'avait plus rien à voir avec l'époque Jackass. Finis les sauts dans une poubelle, les slips coincés vers l'orifice rectal, les papouilles avec des animaux situés un poil plus haut que l'Homme sur la chaîne alimentaire. Mais, aujourd'hui, on peut prier pour qu'il remonte sur la scène et se débarrasse enfin de ses démons.

Bam Margera est bien le Paul Alexander d'outre-Atlantique ; un type qui aura déraillé après avoir plutôt bien vécu – du moins, selon les standards modernes en vigueur dans nos pays, qui promeuvent la déconne et le plaisir de l'instant. Sauf qu'entre la vision de la fête des Pierrots de la Nuit et celle des kids de la génération Jackass, il y a un miroir dans lequel se reflète la fadeur des uns, et la vulnérabilité des autres. Ce miroir, Bam Marbera l'aura pris en pleine gueule, comme aux plus belles heures des années Jackass.

@joe_bish