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Société

Qu’est-ce que c’est, réellement, la fluidité sexuelle?

Une professeure de sexualité humaine nous aide à y voir clair.

« My guy pretty like a girl. And he got fight stories to tell », chante Frank Ocean dans une nouvelle chanson. « I see both sides like Chanel. »

C'est un — et non des moindres — de ceux et celles qui ont publiquement rejeté dans les dernières années les étiquettes strictes en matière d'orientation sexuelle. C'est sans doute en partie pourquoi on me pose de plus en plus, surtout dans mes cours de sexualité humaine, de questions sur la fluidité sexuelle. Grâce entre autres à des célébrités comme Frank Ocean, Miley Cirus, qui se dit pansexuelle, et Kristen Stewart, qui s'est dite bisexuelle mais aussi « tellement gaie » dans un épisode de Saturday Night Live, la fluidité sexuelle connaît son heure de gloire.

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Ce que je découvre, c'est que les gens sont intrigués, mais aussi confus. Qu'est-ce que c'est, réellement, la fluidité sexuelle? Commençons par le début : le terme est devenu populaire après la publication en 2008 de Sexual Fluidity: Understanding Women's Love and Desire, de Lisa Diamond, une psychologue de l'Université de l'Utah.

En bref, la fluidité sexuelle, c'est l'idée selon laquelle l'orientation sexuelle d'une personne — lesbienne, gaie, bisexuelle, hétérosexuelle — peut changer avec le temps. Ce n'est rien de neuf : il y a plus de 70 ans, le chercheur Alfred Kinsey et son équipe ont noté cette possibilité au cours d'entrevue avec des milliers d'Américains sur leur vie et leurs expériences sexuelles. Il n'était pas inhabituel de parler d'attirance et d'expérience avec des personnes des deux sexes. Il y a au moins deux scènes magnifiquement écrites et jouées qui dépeignent cette réalité dans le film Kinsey, que vous devriez voir si ce n'est pas déjà fait. (Par souci de transparence, je dois mentionner que je travaille pour le Kinsey Institute, qui poursuit les recherches sur la sexualité humaine.)

Pour décrire cette variabilité en termes scientifiques, Kinsey et ses collègues ont créé une échelle de l'hétérosexualité à l'homosexualité, aujourd'hui appelée l'échelle de Kinsey. À une extrémité de l'échelle, le degré zéro signifie « exclusivement hétérosexuel » et, à l'autre extrémité, le degré six, « exclusivement homosexuel ». Dans leurs recherches, ils ont constaté les comportements sexuels pouvaient se trouver aux extrémités et entre les deux, et qu'ils pouvaient varier au cours d'une vie.

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Beaucoup aujourd'hui se reconnaissent dans cette réalité. Par exemple, une femme peut s'être toujours considérée comme hétérosexuelle et un jour éprouver un sentiment fort ou une attirance sexuelle pour une femme (l'attachement est un chemin commun vers la fluidité sexuelle, mais n'est certainement pas le seul).

Parfois, des personnes qui vivent cette variabilité se disent toujours hétérosexuelles, mais attirées par des personnes du même sexe. C'est à ce moment que ce peut devenir confus : l'attirance a changé, mais on ne considère pas que l'orientation sexuelle a changé. D'autres personnes, par contre, se disent bisexuelles ou gaies, qu'il s'agisse d'attirance ou d'orientation. Tout cela montre à quel point, en fin de compte, l'identité sexuelle est personnelle et subjective. À chacun de décrire son identité sexuelle comme il l'entend.

C'est ce que je rappelle aux étudiants quand ils me parlent de leurs intérêts ou de leurs habitudes et me demandent de leur dire « ce qu'ils sont ». Ce n'est pas à moi de décider : en tant que chercheur, je rencontre souvent des participants qui, pour décrire leur identité sexuelle me disent : « ouvert », « bicurieux », « ça dépend », « c'est la personne qui compte et non son sexe ».

Bien sûr, il peut être difficile d'accepter les zones grises si vous croyez que nous naissons tous avec une seule orientation sexuelle invariable. Des décennies de recherches démontrent cependant que la réalité est tout autre : l'orientation sexuelle — les personnes qui vous attirent, celles avec lesquelles vous avez des relations sexuelles — est en fait hautement complexe, influencée par de multiples facteurs, y compris des médicaments que la mère a pris pendant la grossesse et même le rang de naissance.

Pour l'instant, la plupart des recherches dans ce domaine portent davantage sur les femmes que les hommes. Il semble que plus de femmes témoignent de variations de leur identité et leur orientation sexuelle, en particulier celles qui font partie de minorités sexuelles comme les lesbiennes et les bisexuelles. Les hommes bisexuels, vous l'aurez deviné, témoignent aussi davantage une fluidité sexuelle que la moyenne. Mais, comme je l'ai mentionné précédemment, des hétérosexuels font aussi part de relations intimes avec des personnes du même sexe. Même des personnes asexuelles ont éprouvé ces variations.

Pourquoi tout cela devrait-il vous intéresser? D'abord, si vous éprouvez de l'attirance pour une personne d'un sexe pour lequel vous n'aviez pas eu d'attirance sexuelle auparavant, il est important de savoir que ces sentiments ne sont pas bizarres ou anormaux. Si vous êtes témoins d'une variation de l'orientation sexuelle d'une personne proche, la compréhension de cette réalité pourra vous aider à faire davantage preuve de compassion et d'ouverture, surtout si d'autres autour ne sont pas aussi compréhensives.

L'amour et l'attirance sexuelle sont complexes. Parfois, tout semble logique et il est facile de comprendre pourquoi on est tombé amoureux. D'autres fois, cependant, j'aurais du mal à trouver mieux que les mots de Montaigne pour décrire ce qui se produit : « Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : parce que c'était lui, parce que c'était moi. »