Sorti il y a deux ans après s’être présenté comme l’un des jeux les plus ambitieux de tous les temps (ou presque), il a finalement créé un gigantesque shitstorm en étant retiré du PlayStation Store. Remboursement des joueurs, licenciements et excuses en live. Le jeu n’était pas prêt sur console old gen et le studio en a payé le prix fort. Les médias sont restés en boucle là-dessus pendant des mois et les youtubeurs dont la créativité n’excède pas une miniature YouTube “OMG CETTE GAME !!!!” ont enchaîné les vidéos humoristiques sur les bugs du jeu entre deux journées sponsorisées Clash of Clans. Si le titre est aujourd’hui en bien meilleur état qu'à sa sortie, je ne peux m’empêcher de penser aux développeurs qui ont passé 18 mois à se faire lyncher par des mecs en slip qui ne savent pas comment fonctionne leur grille-pain et s’empressent chaque année d’acheter l’édition collector de Far Cry.« Cyberpunk a reçu une quantité injuste de merde » – Joseph Fares
Mais pour Josef Fares, développeur du magnifique It Takes Two, « Cyberpunk a reçu une quantité injuste de merde », disait-il lors d’un Space Twitter. Une manière de dire que tout cela était démesuré, voire injustifié ? Difficile d’aller si loin pour “87”, « Si j’avais dû payer le jeu sur old gen, et me retrouver face à un produit aussi éclaté, je l’aurais eu vraiment mauvaise aussi. ». Même son de cloche pour Emmanuel Denise, « Dans une certaine mesure, c'était justifié. La division marketing a raconté n’importe quoi. C’est de leur faute », confirme-t-il avant de poursuivre sur le paradoxe qui englobe ce jeu, « On peut lui reprocher plein de choses, mais il reste un jeu extraordinaire. »« Il y a une mélancolie folle qui se dégage de l'ensemble, une espèce de contemplation constante, qui naît autant des personnages, de la réalisation, de la musique que de la performance technique » – 87, ancien journaliste gaming
Comment oublier la scène où Johnny découvre que son corps a été balancé dans une décharge ? La mort de Jacky dans la voiture, la musique qui se lance et le vide qui s'ensuit ? Le bien triste Joshua qui veut se faire crucifier en direct d’une chaîne du câble dans le seul but d’offrir un peu de fric à sa famille ? Ou tout simplement ce moment où l’on comprend que l’on va mourir et que rien ne pourra changer cela – qu’il ne nous reste plus qu’à faire face et choisir sa manière d’en finir. Cyberpunk dépeint un monde à l’agonie où les rêves de chacun sont sponsorisés par des marques de boissons énergisantes et leurs attentes noyées dans des drogues de synthèses. Un monde pas si éloigné du nôtre où chaque existence ne tient à rien et où l’humanité a presque disparu. « Ce qui est beau ici, c’est que jeu traite de comment les habitants d’une ville inhumaines arrivent à rester des êtres humains », me dit Emmanuel, un peu ému.« En étant profondément déçus dans leurs attentes, les gamers se sont sentis trahis dans leur identité » – Emmanuel Denise, journaliste chez Canard PC.
Seules quelques lumières dans la nuit, sorte de romances éphémères viendront soulager ces personnages qui ne savent plus qui ils sont, à moitié robot, à moitié humain. V, personnage principal, est en fait chacun de nous. Quelqu’un sans histoire qui tente de s’en sortir. Il ne cherche pas à sauver le monde, simplement à trouver sa place dans une société déjà condamnée. « Quand tu joues à Cyberpunk, tu joues quand même à un jeu pas comme les autres, vraiment à part, dense, riche, intelligent, immersif », termine “87”.Comme si on est de droite ou de gauche, on est pour ou contre Cyberpunk 2077
Malgré cela, difficile de mettre de côté toutes ses qualités. C’est là tout le paradoxe de Cyberpunk. Le jeu est foutrement beau. Tout dans cette ville transpire l'authenticité. « C’est une architecture incroyable, peut-être mieux qu’un titre Rockstar, ou du moins qui arrive à l’égaler », se remémore Emmanuel Denise. Peut-être que quelques bugs apparaissent encore de ci et là, et alors ? Gabe Newel, le fondateur de Valve disait dans les lignes de 1News que, « Il y a des aspects du jeu qui sont tout simplement géniaux, et qui démontrent une énorme quantité de travail - il est injuste de jeter des pierres sur un développeur, car il est assez incroyable de sortir quelque chose d'aussi complexe et ambitieux que ça. »« Il y a des aspects du jeu qui sont tout simplement géniaux, et qui démontrent une énorme quantité de travail - il est injuste de jeter des pierres sur un développeur, car il est assez incroyable de sortir quelque chose d'aussi complexe et ambitieux que ça. » – Gabe Newel
Quand on termine Cyberpunk 2077, on sombre dans la peur de n’avoir pas de suite. Rien d’autre. Que tout soit terminé. « J’avais peur qu’il tombe dans l’oublie avant qu’on le laisse définitivement crever », me partage Emmanuel. Heureusement, le studio a compris que ce jeu avait le potentiel pour devenir une œuvre majeure de l’industrie vidéoludique. L’équipe de polonais travaille donc sur une première extension pour 2023, baptisée “Phantom Liberty”. Mais on a également appris qu’il y aura une suite, nommée “Orion”. L’animé Edgerunners disponible sur Netflix y est sans doute pour beaucoup car il aura réussi à transposer cette ambiance noire du titre dystopique au plus grand monde. Et ça y est, il semble que les réfractaires se mettent enfin dessus et comprennent qu’il y a là quelque chose à ne pas louper.« Ça m'a réellement brisé le cœur » – Paweł Sasko, responsable des quêtes pour Cyberpunk 2077
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