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Trump a gagné, et les républicains du Vermont avaient l’air de s’en foutre

Récit d'une drôle de soirée à Burlington.
Photo : Justine de l'Église

Cette nuit, les États-Unis se sont peints en rouge, les espoirs des démocrates ont été anéantis alors que l'ultime plafond de verre, lui, est resté intact. Donald Trump, contre toute attente, est devenu le 45e président américain. Et les militants républicains du Vermont réunis pour la soirée électorale ne pouvaient pas avoir plus l'air de s'en foutre.

Dans une vaste salle de l'hôtel Sheraton, à Burlington, l'ambiance n'était pas (ou peu) à la fête. Malgré la présence d'environ 200 républicains, le ton des conversations était bas, les gens étaient calmes et les écrans géants qui diffusaient (sans son) les résultats du vote étaient boudés, sauf par une trentaine de personnes qui semblaient s'ennuyer plus qu'autre chose.

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Les Vermontois républicains réunis mardi n'en avaient que pour Phil Scott, leur nouveau gouverneur, véritable étoile de la soirée. Les passions ne se sont soulevées qu'à son arrivée, puis à son discours. Pendant ce temps, Trump menait dans les États pivots comme la Floride, l'Ohio et la Caroline du Nord, et personne ne semblait même le remarquer.

Anne Donahue siège en tant que républicaine à la Chambre des représentants du Vermont. Elle offre une explication convaincante de ce manque d'intérêt : « Les deux principaux candidats du Parti républicain au Vermont, le gouverneur et le lieutenant-gouverneur, ont affirmé publiquement qu'ils ne soutiendraient jamais Trump. Et c'est une fête pour les républicains du Vermont. Peut-être qu'il y a des gens ici qui soutiennent Trump, mais je ne pense pas que qui que ce soit ici serait suffisamment impoli pour crier d'enthousiasme devant sa victoire. »

Anne Donahue (Photo : Justine de l'Église)

Celle qui se décrit comme une républicaine modérée assure avoir voté pour le libertarien Gary Johnson, et que dans un scénario où son vote aurait pu changer la donne — c'est-à-dire dans un État plus compétitif que le Vermont, où Hillary Clinton a reçu près de deux fois plus de votes que Trump –, elle aurait donné son appui par dépit à Hillary Clinton. « J'ai été horrifiée par la candidature de Trump tout au long de l'élection. Il serait un désastre pour notre pays », me lance-t-elle, bien avant que les résultats définitifs soient annoncés.

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Le gouverneur fraîchement élu ne contredit pas la représentante républicaine. « Non, je n'appuie pas Trump », m'assure Phil Scott, en répétant toutefois qu'il est prêt à collaborer avec qui que ce soit. Mais les résultats sont surprenants, non? Je pointe les écrans géants barbouillés de rouge. « Ah… Je n'ai pas encore eu le temps d'y jeter un œil », laisse-t-il tomber.

Phil Scott (Photo : Justine de l'Église)

Je m'éloigne. Bien sûr, l'événement réunissait toute une gamme de républicains. Daniel Morton, 18 ans, étudiant au secondaire, a milité pour son parti et a voté pour la première fois pour les républicains, même s'il n'appuyait pas Trump. « Je n'ai jamais été un grand fan. J'ai hésité à voter Johnson. J'ai finalement opté pour Donald, mais c'était plus un vote anti-Clinton. Je n'en suis pas vraiment heureux », admet-il.

J'acquiesce, mais je m'étonne de ne pas voir plus de pro-Trump. Je me mets en chasse. Je cible un groupe de jeunes hommes, dont le plus grand arbore une casquette « Make America Great Again ». Bingo! J'approche le groupe. « Salut, je cherche des pro-Trump, suis-je à la bonne place? », je lance, tout sourire.

Il y a carrément un mouvement de recul. Quatre garçons éclatent de rire en pointant leur ami à la casquette. « C'est lui le fan de Trump, pas nous. » Dans le groupe, John Cialek, 23 ans, étudiant à l'Université du Vermont, m'explique qu'il se décrit comme un libertarien dans l'âme, qui vote parfois républicain, mais qui rejette Trump. « Il n'était pas constant dans ses positions, dans la défense de ses politiques sur l'avortement, les échanges commerciaux, le port d'armes… Pour moi, ça ne reflète pas un républicain », explique l'étudiant qui porte fièrement un badge de Johnson. Du même souffle, il a prédit à tort la défaite de Trump.

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John Cialek et Nick Kurdzuk (Photo : Justine de l'Église)

Son ami Nick Kurdzuk, le fan désigné de Trump, nuance son appui au controversé républicain. « Je ne suis pas fan de tout, il n'est pas parfait, mais je l'apprécie. Je le préfère certainement à Hillary. Peu importe ses politiques… c'est le genre de personne qui saurait bien défendre nos intérêts à l'étranger. On ne veut pas quelqu'un de faible à la tête de l'État, et il l'a souvent souligné. J'ai lu The Art of the Deal, et c'est un bon homme d'affaires. »

Voilà un Vermontois dissident, mais il ne peut tout de même pas être le seul de la salle, non? Je cible une autre casquette marquée du slogan de Trump. Je tombe sur trois électeurs passionnés par le candidat républicain. « Ceux qui ne soutiennent pas Trump sont des traîtres! Des traîtres! Ils ne sont pas dignes des républicains. Ils devraient avoir honte, car ils endossent une femme narcissique qui a détourné de l'argent de son œuvre caritative pour payer le mariage de sa fille Chelsea », tonne Matthew Melvin, 34 ans, qui œuvre dans la vente.

Matthew Melvin, Kay Trudell et Dick Trudell (Photo : Justine de l'Église)

Il est accompagné de Kay et Dick Trudell, deux retraités qui soutiennent profondément le célèbre milliardaire. Pour eux, pas facile de vivre dans un État démocrate depuis des années. « On en a assez de perdre tout le temps », soupire le vétéran Dick Trudell.

Sa femme Kay se désole du manque d'appui pour Trump au sein de l'État. « J'ai voté pour les républicains du Vermont, même s'ils ne soutenaient pas tous Trump. Mais je crois en lui. Je crois qu'il a un bon cœur, qu'il aime les États-Unis et les Américains. » Elle défend avec ferveur ses politiques, comme celles sur l'immigration. « Notre constitution dit à l'article 4, section 4, que c'est la responsabilité du gouvernement de protéger chaque État des invasions. On ne peut pas ouvrir les frontières et demeurer constitutionnel! »

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Une fin de soirée tranquille, comme si le monde ne changeait pas

Pendant que des milliers de partisans républicains et démocrates étaient amassés à New York, que les résultats étaient projetés sur l'Empire State Building, que les États-Unis étaient fébriles, le Sheraton a commencé à se vider. Peu importe l'avance inattendue de Donald Trump.

Réunis à une table, trois hommes sont les derniers spectateurs de la soirée. Je vais m'asseoir avec eux. « C'est assez inattendu, comme résultat, non? »

« Pincez-moi quelqu'un! » me lance l'éboueur de 28 ans Nathan Guay. Son voisin, Brooke Paige, ancien directeur d'un service des nouvelles, jette le blâme sur les médias. « Ce n'est pas juste qu'ils ne s'y attendaient pas, ce n'était même pas possible pour eux. Ils ont manipulé les statistiques pour obtenir les résultats de sondages qui les satisfaisaient. Mais ça ne reflétait pas la réalité. »

Nathan Guay précise que Trump n'était pas son premier choix, mais il assure le soutenir depuis son investiture et s'enthousiasme des résultats. Je souligne que la salle est presque vide et que personne ne semble se soucier de l'issue du vote national. « Dans cet État démocrate, les républicains ont voulu se distancer de Trump. Phil Scott et de Randy Brock [le candidat au poste de lieutenant-gouverneur] n'auraient que perdu des votes en soutenant Trump. Et pour Trump, le Vermont était une cause perdue, assure Brooke Paige. Ça n'avait aucun sens qu'ils lui offrent quelque soutien que ce soit. »

Au terme de cette courte conversation, la salle est déserte. Il est environ une heure du matin et on est encore loin de la consécration de Trump. Un technicien éteint les écrans géants. Les trois hommes protestent, en vain. Pour les États-Unis, rien n'est encore joué, mais au Vermont, le rideau est tombé depuis longtemps.

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