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Crime

Les trois derniers présidents français auraient été espionnés par les États-Unis

WikiLeaks diffuse une série explosive de rapports secrets de la NSA qui révèlent que les États-Unis auraient espionné les derniers trois présidents français et des diplomates.
Photo par Julien Warnand/EPA

WikiLeaks a révélé, ce mardi soir, une série de documents explosifs de la National Security Agency (NSA). Si ces documents s'avèrent être véridiques, les États-Unis auraient écouté les communications des trois derniers présidents de la République française — mais aussi l'ambassadeur français aux États-Unis et plusieurs cabinets ministériels.

Selon les documents, la NSA a intercepté les conversations téléphoniques (et d'autres types de communications) des anciens présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, mais aussi du président en place, François Hollande. Au menu des écoutes, la crise de la dette grecque, des nominations à l'ONU, le processus de paix au Moyen-Orient, et même l'espionnage des Américains contre la France. La parution de WikiLeaks, intitulée Espionnage Élysée, comporte aussi une « liste de cibles » qui contient un numéro de téléphone mobile renseigné sous le nom « FR PRES CELL. »

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La Maison Blanche a réagi dans la nuit de mardi à mercredi, en déclarant « Nous ne visons pas et ne viserons pas les communications du président Hollande, » par la voix de Ned Parker, le porte-parole du Conseil de la sécurité nationale. En revanche, aucune mention n'est faite des présidents Chirac et Sarkozy. De son côté l'Élysée a fait savoir qu'un Conseil de défense allait se tenir, ce mercredi matin, au palais présidentiel, suivi d'une réunion de parlementaires. Hasard du calendrier, le Parlement français doit aussi voter, ce mercredi, une loi qui autoriserait une surveillance de masse — principalement contre les terroristes suspectés.

À lire : L'Arabie Saoudite demande à ses citoyens de ne pas lire les câbles diplomatiques révélés par WikiLeaks

Dans un document de synthèse des services de renseignement, daté du 10 mars 2010, la NSA donne le détail de communications interceptées entre Pierre Vimont, l'ambassadeur français installé à Washington et le conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte — un mois avant une rencontre entre le président américain Barack Obama et son homologue français de l'époque.

« Vimont a émis la possibilité que le président français fera ressentir sa frustration quant à la reculade de Washington sur sa proposition d'accord bilatéral pour les services de renseignements. Sarkozy compte continuer à pousser pour faire de cet accord une réalité, » indique le rapport. « Comme Vimont et Levitte le savent, le principal point d'achoppement est la volonté américaine de continuer à espionner la France. »

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VICE News n'a pas pu vérifier indépendamment l'authenticité des documents, que WikiLeaks a publiés en coopération avec le journal français Libération et le site d'investigation, Mediapart. Dans un communiqué qui accompagne la parution des documents, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a déclaré « Les Français ont le droit de savoir que leur gouvernement élu est sous la surveillance hostile d'un supposé allié. » Assange a aussi indiqué que WikiLeaks allait publier de nouveaux dossiers « dans un futur proche ».

Un récapitulatif de conversations interceptées du président Nicolas Sarkozy, daté du 10 juin 2011, note la « détermination [de Sarkozy] d'aller de l'avant avec une initiative immédiate pour relancer les discussions de paix au Proche-Orient entre Israël et les Palestiniens. »

« Le président [français] donnait une piste à creuser au président russe, Dimitri Medvedev, pour mettre en place une initiative commune, sans les États-Unis. Ou sinon, il pouvait lancer un ultimatum au président américain quant à la formation d'un État palestinien, » note le rapport des services de renseignement.

Difficile de savoir comment la NSA a obtenu ces rapports, bien que de nombreux documents de la NSA aient fuité depuis la première salve de révélations, lancée par Edward Snowden, en 2013. En octobre de cette année, le magazine allemand, Der Spiegel, révélait (en s'appuyant sur des documents de Snowden) que la NSA avait établi un « pôle d'espionnage » à Berlin, où la NSA aurait écouté les conversations téléphoniques de la Chancelière, Angela Merkel. Snowden a aussi révélé des programmes d'espionnage dirigés contre d'autres pays comme le Brésil.

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À lire : À la demande de la NSA, l'Allemagne aurait espionné Paris et Bruxelles

Si les leaders et diplomates occidentaux admettent — en privé — que l'espionnage entre alliés peut exister à un certain niveau, les dernières révélations de WikiLeaks vont immanquablement relancer les tensions avec les leaders européens et les États-Unis — des tensions que le président Obama s'était efforcé d'adoucir ces deux dernières années.

La plus vieille archive de la NSA publiée ce mardi, dans le cadre des révélations, date de 2006. Il s'agit d'une conversation interceptée entre le président Chirac et son ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, concernant des nominations aux Nations Unies. Dans un commentaire de la NSA sur cette archive, on apprend que les ordres « détaillés » de Chirac à son ministre « pourraient s'expliquer par la propension de Douste-Blazy à faire des remarques inopportunes et inexactes — un défaut que le ministre a largement démontré dans le passé et source de nombreuses réprimandes présidentielles. » Douste-Blazy estime que la division du département de maintien de la paix en deux parties — ce qui a eu lieu l'année d'après — serait une « catastrophe ».

D'autres archives de la NSA font état des « réunions secrètes » sur la crise financière de l'Eurozone en 2012. Quatre ans plus tôt, la NSA titrait une synthèse, « Sarkozy se voit comme le seul homme capable de résoudre la crise financière. »

« Le président a remis la faute sur le gouvernement américain, dont certaines erreurs auraient conduit à la crise financière. Mais Sarkozy pense désormais que Washington tient compote de ses conseils, » notait la NSA en 2008.

Suivez Samuel Oakford sur Twitter : @samueloakford