Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les prothèses de testicules
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Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les prothèses de testicules

Si vous perdez une boule, faut-il la remplacer ?

Cet article a initialement été publié sur Tonic.


Il y a quelques semaines, tandis que mes testicules étaient méticuleusement palpés dans le cadre d'un examen clinique, mon médecin a subitement lâché le mot "cancer", ce qui m'a fait sursauter.

Grâce à Dieu, il avait articulé "Je ne pense pas que ce soit un" juste avant le mot maudit, mais j'étais trop distrait par mes propres pensées pour y prêter attention. En vérité, pour la première fois de ma vie, le médecin m'avait recommandé de faire des ultrasons pour vérifier que mes organes génitaux allaient bien. Depuis la prescription de l'examen en question, mon esprit était occupé par une seule et unique réflexion : j'allais mourir. Cette crainte était pourtant tout à fait infondée, puisque les chances de survivre à un cancer des testicules sont pour le moins favorables – 95% environ. Mieux : la médecine moderne permet désormais aux patients ayant subi une orchidectomie – c'est-à-dire une ablation d'un ou deux testicules – d'obtenir une prothèse testiculaire du plus bel effet afin de remplacer l'organe perdu.

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Pour qui est peu instruit du sujet, la perspective de perdre un testicule est assez terrifiante. Pourtant, un unique testicule sain suffit largement à produire la quantité de spermatozoïdes et de testostérone nécessaire à la reproduction et à une vie en bonne santé. Même dans le cas d'une orchidectomie complète (bilatérale), il existe aujourd'hui des traitements à base de testostérone permettant de restaurer la libido et la fonction sexuelle. En bref, perdre un ou deux testicules n'est pas un drame en soi.

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Dans un monde où les cancers des testicules sont fréquents et des traitements de plus en plus efficaces, il était inévitable que le développement de prothèses testiculaires esthétiques et confortables devienne un phénomène à part entière. Aujourd'hui il en existe plusieurs types, modèles, tailles, fabriquées par un tout petit nombre d'entreprises spécialisées ; un implant peut coûter entre 2500 $ et 3500 $, sans compter les frais chirurgicaux. En revanche, la couverture de la Sécurité sociale en cas d'opération et d'implantation d'un testicule synthétique dépendra beaucoup des pays, et évidemment la plupart des mutuelles ne rembourseront pas les modèles de prothèse luxeux.

Alors oui, le médecin "ne pensait pas que c'était un cancer", mais cela ne m'a aucunement détourné de l'hypothèse que ça pouvait en être un. Plus j'y pensais, et plus la douleur sourde et absurde de l'hypocondrie se diffusait dans mon scrotum et mon bas-ventre. Elle empirait chaque jour un peu plus, jusqu'à ce matin béni où les résultats des ultrasons sont tombés. J'avais bel et bien une masse dans le testicule gauche, mais il n'avait pas la moindre caractéristique tumorale. Le soulagement était immense. Mais maintenant que j'avais commencé à m'intéresser au sujet, mon esprit était rempli de questions extrêmement précises sur les implants testiculaires, et je voulais absolument y répondre. Par l'intermédiaire de Facebook, j'ai entrepris de questionner mes amis, les amis de mes amis, les amis des amis de mes amis, et les autres. Je voulais savoir qui, parmi eux, avait subi une orchidectomie, si l'option de l'implant leur avait été présentée, s'il l'avait choisie de leur plein gré et pourquoi. Leur témoignage est bien sûr anonyme et leur nom a été changé.

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Jamie, un vieil ami que je n'avais pas vu depuis une bonne douzaine d'années, a reçu un diagnostic de cancer des testicules quelques semaines après le 11 septembre 2001. Il avait seulement 29 ans. Même s'il a été secoué par la nouvelle, il a essayé de la prendre avec le plus d'humour possible.

"C'était un mécanisme d'auto-défense, mais au final, rire de mes propres couilles a été plutôt efficace", m'a-t-il raconté. "Trois jours seulement après que j'ai appris la nouvelle, le médecin a commencé à me parler d'implant testiculaire, de but en blanc. 'Euh, un implant pour quoi au juste ?' Il m'a répondu que ce n'est pas un truc qu'il recommandait à titre personnel, mais qu'en tant que patient j'ai le droit de savoir quelles étaient mes options. Ensuite il m'a tendu une brochure intitulée 'Neuticles : prothèses testiculaires pour animaux stérilisés. J'ai explosé de rire."

L'orchidectomie de Jamie a eu lieu à un moment particulièrement curieux de l'histoire des implants testiculaires, qui court depuis 80 ans. La première prothèse testiculaire – fabriquée à partir d'un alliage métallique appelé Vitallium – a été implantée pendant la Seconde Guerre mondiale. Au cours des deux décennies qui ont suivi, d'autres matériaux ont été utilisés, comme la lucite, le plexiglas et le polyéthylène. Dans les années 1960, on a utilisé des prothèses en silastic et en caoutchouc de silicone et en 1988, un standard a été défini : le revêtement en silicone.

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En 1992 cependant, la FDA a interrompu la production d'implants mammaires remplis de gel de silicone en raison d'inquiétudes croissantes sur les conséquences d'une fuite potentielle du gel en question, qui pourrait provoquer des maladies du tissu conjonctif et de fortes réactions immunitaires. Dans le même temps, les implants testiculaires remplis de silicone ont été retirés du marché. Du milieu des années 1990 au début des années 2000, la seule option disponible pour Jamie et des milliers d'autres hommes qui avaient perdu une ou deux couilles, c'était les implants à usage vétérinaire.

"Je n'avais aucune envie qu'on me mette une prothèse à ce moment là", explique-t-il. "Mais dans tous les cas, j'aurais refusé qu'on me mette un testicule pour chien dans le paquet."

Même si Jamie se fichait royalement de devenir ce qu'on appelle vulgairement un "mono-couille", d'autres hommes sont très sensibles à cet stigmate physique, mais aussi social. Paul Turek, spécialiste de la santé et de la fertilité masculine, m'a fait part d'un cas intéressant où la FDA a menacé de retirer l'autorisation d'exercer à un médecin qui s'apprêtait à implanter une prothèse testiculaire canine à l'un de ses patients. "Le patient était si choqué de la proposition qu'il a contacté la presse, et ensuite j'ai été consulté pour éclaircir cette sombre affaire", m'explique-t-il.

En dirigeant une étude de 5 ans qui a débuté en 1997, Turek a contribué à développer le premier et unique implant testiculaire approuvé par la FDA pour une utilisation sur le territoire américain. Si le diagnostic de Jamie avait été posé un an plus tard, on lui aurait donné la possibilité d'utiliser une prothèse remplie de silicone et d'eau salée plutôt qu'une couille pour chien. Mais selon lui, ça ne lui aurait pas convenu davantage. Jamie vivait déjà avec sa future épouse – avec qui il aura deux enfants. À l'époque, cette dernière estimait qu'il n'avait pas besoin d'un nouveau testicule, et était parvenue à le convaincre. De toute façon, Jamie estime que ses poils pubiens camouflent suffisamment bien la différence de volume entre le côté droit et le côté gauche de son scrotum, et il n'a jamais aimé que l'on tripote cet endroit. Que faire d'une prothèse, dans ces conditions ?

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"Je ne voulais pas d'implant à l'époque, mais je comprends parfaitement pourquoi certains mecs en veulent un, notamment ceux qui envisagent d'avoir de nouveaux partenaires sexuels", explique-t-il.

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Contrairement à Jamie, les deux autres hommes à qui j'ai parlé étaient célibataires et sexuellement actifs au moment de leur orchidectomie. Le testicule d'Oscar lui a été retiré suite à un accident un peu gênant en 2012, lors d'un séjour en camping. Lui et ses potes jouaient avec une fronde géante quand tout a dérapé.

"On balançait des cailloux, c'était marrant jusqu'à ce que l'élastique me joue un tour. Il s'est détendu en plein dans mes couilles", explique-t-il. "J'ai filé à l'hôpital et quand je me suis réveillé, on m'a dit que mon testicule n'avait pas pu être sauvé". Oscar est canadien, et pouvait bénéficier d'un implant de prothèse sans débourser le moindre sou grâce à la couverture sociale canadienne.

"Quand je baisais avec de nouvelles partenaires, j'étais un peu flippé", confie-t-il. "J'avais le trac, comme avant de monter sur scène. J'ai rencontré ma copine actuelle peu de temps après, et depuis je ne me pose plus trop de questions."

Bryan, dont le testicule a été enlevé à la même période suite à un cancer, a refusé lui aussi de recevoir un implant. "J'y ai pensé", m'explique-t-il. "L'expérience m'a montré que mes partenaires ne remarquaient pas qu'il me manquait une couille, ou alors elles le voyaient et ne disaient rien. Une fois, on m'a demandé 'tes boules vont bien ?', j'ai répondu 'parfaitement, je t'en parlerai toute à l'heure'. Rien de dramatique."

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L'une des rares occasions où Bryan se souvient qu'il lui manque un truc, c'est quand il prend une photo sexy pour une partenaire. "Pour ce genre de nude, il faut chercher l'angle précis où mon scrotum ressemblera davantage à un oeuf qu'à un sac de noix. Ce n'est pas facile", explique-t-il. "Hormis ce détail, ma couille ne me pose aucun problème. De toute façon, si je change d'avis, je peux avoir un implant quand je veux. Pour que ça me motive vraiment, il me faudrait un implant qui ait une fonction en plus. S'il pouvait faire hotspot wifi, ça serait pas mal."

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Même si aucune orchidectomie ne m'attend au tournant, je ne peux pas m'empêcher de penser aux trois mecs avec qui je me suis entretenu. Est-ce que j'aurais opté pour l'implant, si je m'étais retrouvé dans leur situation ? "L'étude sur les implants que nous avons publiée montre qu'ils n'ont pas seulement une fonction cosmétique", explique Turek. "Ils permettent aux hommes de se sentir mieux dans leur peau. C'est ce que montrent des évaluations standardisées de l'estime de soi – comme celle de Rosenberg."

Pour Turek, des années d'expérience clinique montrent de grosses inégalités entre hommes et femmes dans l'accès aux implants. "Même si les fournisseurs et les assureurs sont en contact avec les patientes ayant subi une masectomie suite à un cancer du sein et les conseillent pour leur choix d'implants mammaires, les conséquences physiques du cancer ne sont pas abordées de manière similaire chez les hommes et chez les femmes", explique-il. "En bref, on part du principe que vouloir deux testicules relève du confort, alors que désirer deux seins semble parfaitement naturel et légitime."

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Il m'explique également que, malgré la légère augmentation du nombre d'interventions pour la pose de prothèses de testicules due à l'augmentation du nombre d'opérations de réassignation sexuelle, la fabrication de ces prothèses n'est guère rentable pour les fabricants.

"De moins en moins de boites en fabriquent", explique Turek, ajoutant que, dans l'attente de l'arrêt de la production de plusieurs entreprises, il en achèterait volontiers quelques douzaines afin de les stocker et de les revendre plus tard. "Pour de nombreux hommes, ces prothèses ont beaucoup de valeur."

Quand je lui ai confié que j'avais beaucoup de mal à trouver des hommes disposés à parler de leur implant, il m'a rétorqué que chez de nombreux patients, la prothèse testiculaire était une sorte d'artefact secret dont ils ne parlaient à personne. "Les implants sont plutôt populaires chez les hommes célibataires, gays et hétérosexuels. Ils leur permettent de passer outre des discussions gênantes au vestiaire ou au lit", explique-t-il, ajoutant que les hommes hétérosexuels mariés rechignaient plus que les autres à accepter ces fameux implants.

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"Je vois de nombreux hommes d'âge moyen qui renouent avec le célibat et qui, à cette occasion, veulent des implants. Ça les aide à se sentir désirables sexuellement, sans doute. On trouve également des mecs qui prennent des traitements de substitution de la testostérone et qui voient la taille de leur testicules se réduire de manière conséquente ; ces mecs sont intéressés par l'implantation de prothèses à la place de, ou en complément de leurs testicules naturels, quand c'est possible."

Turek m'a mis en contact avec quelques-uns de ces patients. Ivan a perdu un testicule suite à une blessure reçue quand il était enfant. On lui a mis un testicule de substitution qui est resté en place pendant 38 ans avant de se déformer : il a fallu l'enlever. Le nouveau testicule fourni par le National Health Service britannique ne lui convenait pas du tout, alors il a décidé de prendre des billets pour la Californie afin de rencontrer Turek, qui lui a placé une prothèse de son cru. Ivan, qui a aujourd'hui 51 ans, espère que cette troisième boule sera la bonne.

À l'époque, il n'a guère réfléchi au principe de la prothèse quand on lui a donné l'occasion d'en avoir une. "Quand tu as 12 ans, ta seule crainte est d'être différent de tes camarades de classe", explique-t-il. "Les enfants peuvent être cruels."