Far Cry 6
Toutes les photos proviennent de la version PlayStation 5. 
Gaming

Far Cry 6 est un excellent simulateur de pêche

Mais si vous aimez libérer des centaines d'avant-postes et tuer des milliers d'ennemis identiques pendant 50 heures, c'est bon aussi.
Paul Douard
Paris, FR

Vous êtes dans un bar à une heure du mat’ avec des amis, et alors que vous songez à rentrer, l’un d’eux s’exclame, « On s’en jette un dernier pour la route ? ». Hésitant, vous regardez vos autres potes tout en vous demandant, « Est-ce que ce ne serait pas le verre de trop ? ». Celui que vous finirez de force et qui n’apportera sans doute rien de plus à cette soirée. Si votre lucidité ne s'est pas encore entièrement dissoute dans de l’alcool bon marché, vous êtes en mesure de comprendre que la réponse se trouve dans la question.

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Dans le vaste monde vidéoludique des licences AAA qui reviennent sans cesse avec une map toujours une grande, c’est la même chose. Au bout de plusieurs épisodes qui pressent les mêmes mécaniques de gameplay depuis des lustres, on est en droit de se demander, « N’est-il pas temps de passer à autre chose ? ». En jouant à Far Cry 6, le nouveau titre de la franchise d’Ubisoft, c’est exactement ce qui m’a traversé l’esprit. 

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L'île de Madrugada, après l'orage avec une arbalète.

Comme ses ancêtres, Far Cry 6 est d’abord une histoire de lutte du bien contre le mal. Ici, vous incarnez Dani, un habitant d’un ensemble d’îles nommé Yara et situé au cœur des Caraïbes. Le pays est tenu d’une main de fer par Anto Castillo, un dictateur sans âme ni expression faciale incarné par Giancarlo Esposito (le méchant dans la série Breaking Bad). Après une énième descente des forces armées locales pour déloger les révolutionnaires de votre quartier, ou ce qu’il en reste, vous jetez votre bière et tentez de vous enfuir par bateau pour rejoindre Miami – mais sans surprise, vous êtes rattrapé et échouez sur une petite île dirigée par Clara, une jeune révolutionnaire. Comme vous n’avez rien d’autre à faire sur le moment, vous voilà enrôlé dans une guerre pour la liberté. De là débute l’histoire de ce nouvel opus.

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Un début de coucher de soleil.

Dès les premières minutes de jeu, on ne peut qu’apprécier l’ambiance du titre d’Ubisoft. La végétation luxuriante des îles, la lumière des couchers de soleil sur l’océan et la musique genre “Buena Vista Social Club” sur fond de discours guérilleros suffisent à me faire oublier mon quotidien de salarié. Le jeu est beau dans son ensemble et on a rapidement envie de parcourir ces îles en criant « LIBERTAD » partout entre deux combats de coqs. Seules quelques textures baveuses et autres PNJ aux animations semblables à celles des Playmobiles viendront ternir le tableau. Titre cross-gen oblige, sans doute.

Far Cry 6 reste avant tout un Far Cry qui n’apporte rien de nouveau

Dans ce vaste open world, on chevauche à travers les champs, on roule à 100 miles à l’heure en vieille voiture américaine et on fonce sur une mer d’huile à l’aide d’un jet-ski – tout en butant des dizaines d’ennemis que l’on croise toutes les 30 secondes sur la map. Un programme de vacances que beaucoup embrasseraient volontiers après 18 mois d’enfermement. Et ensuite ?

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Après plusieurs heures de jeu, cette belle carte postale qu’offre Far Cry 6 a rapidement laissé place à une grande frustration, voire même à de l’ennui. Si le précédent épisode avait gommé bon nombre de redondances ennuyantes (les tours pour débloquer la map, les millions de quêtes secondaires inutiles et j’en passe), Far Cry 6 reste avant tout un Far Cry qui n’apporte rien de nouveau.

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Je pourrais ici vous expliquer en quoi consiste Far Cry 6, mais c’est la même chose depuis plusieurs années chez Ubisoft : une immense map sur laquelle il va falloir libérer des zones, des camps et des avant-postes pour grimper de niveau. Chaque zone dispose d’un boss qu’il faudra éliminer pour continuer votre route avec des ennemis toujours plus forts. Entre-temps, vous allez débloquer des armes, des vêtements et quelques véhicules pour vous amuser dans un espace vide. Puis, une fois que tout le monde est mort, vous avez gagné. C’est tout ? Presque : vous pouvez aussi améliorer votre camp et soudoyez des soldats dans le cadre d’un scripte.

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Les habitants de l'île pêchent 24/7.

Au milieu de ces mécaniques bien connues se trouve un scénario quasi inexistant. Notre personnage se voit intégré au sein d’un important groupe révolutionnaire en quelques minutes, sans trop comprendre pourquoi ni comment, si ce n’est quelques potes en commun. Les personnages principaux que l’on croise n’ont quasiment aucun background, aucune profondeur. On se retrouve à les suivre dans des missions suicides sans même sourciller. Dani devient comme cul et chemise avec la bande qui nous fait confiance immédiatement. On se retrouve à jouer les sauveurs après une heure et demie. Tout va trop vite.

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Si un Assassin’s Creed pouvait s’appuyer sur des faits historiques pour créer une atmosphère crédible et donner l’impression au joueur de “participer à quelque chose d’important”, la fiction de Far Cry 6 peine à imprégner le joueur. Les apparitions en toile de fond d’Anto Castillo rallument un peu la flamme, mais restent plus cosmétiques qu’autre chose. Quand on base tout son marketing sur un personnage emblématique d’une série qui n’a aucune incidence sur le jeu, le risque est d’oublier…qu’on fait un jeu vidéo. Dans Cyberpunk 2077 par exemple, le personnage de Keanu Reeves a une place bien plus importante, tant sur l’histoire que le gameplay. Jamais on ne se sent intégré dans une histoire crédible, un personnage auquel s’identifier. On doit se battre pour la libertad d’un peuple opprimé par des méchants. Et on le fait aussi facilement qu’on s’indigne sur Twitter. 

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Si un soldat n’est pas capable de vous voir dans un buisson à un mètre, il sera néanmoins en mesure de vous mettre une balle en pleine tête à 300m en courant

De fait, les missions qui en découlent sont toutes similaires. La quasi-totalité d’entre elles consiste à détruire un camp ennemi, libérer un avant-poste ennemi ou tuer une cible quelconque dans une base. Certes, il s’agit tantôt d’un fort, tantôt d’une base ou d’un bateau. Mais la finalité est la même : il faut buter tout le monde pour réussir la mission. Ça me rappelle Delta Force sorti en 1996 où il n’y avait qu’un seul objectif : pacifier la zone.

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Exploser des trucs est toujours un moment sympa.

Ubisoft a aussi beaucoup axé sa communication sur les possibilités d’armes et le fun qui en découle dans votre manière de jouer. Il est vrai qu’elles sont nombreuses et agréables à utiliser. D’ailleurs, il ne vous faudra qu’une heure ou deux pour obtenir un sniper, un lance-flamme et des rockets fixées sur le dos. Même chose pour les crafter, ajouter des skins et des fringues à votre personnage grâce à l’XP et le loot récupéré en mission. Très vite, vous aurez même des animaux comme alliés. C’est marrant quelques minutes.

Cette liste d’armes sur laquelle le titre mise beaucoup nous pousse à utiliser la manière forte. Bien sûr certains PNJ diront « Dani, tu peux aussi y aller en silence », mais à quoi bon ? D’une part parce qu’on dispose vite de l’équipement d’un Navy Seal, d’autre part parce que l’IA des ennemis laisse à désirer. Et dès lors, le jeu paraît assez brouillon. Si un soldat n’est pas capable de vous voir dans un buisson à un mètre, il sera néanmoins en mesure de vous mettre une balle en pleine tête à 300m en courant. Ces mêmes soldats qui vont apparaître dans votre dos ou dans un bâtiment que vous venez de vider. C’est aussi aléatoire qu’énervant et il vous faudra surtout éviter les pluies de grenades qui vous tombent dessus.

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Au final, on se contente d’aller d’un point A à un point B dans une immense map vide pour tuer toujours plus d’ennemis

Et que dire de vos alliés ? Disons qu’ils ne seront aussi d’aucune aide, voire des boulets qu’il faudra défendre, réanimer trente fois car ils foutent en l’air votre couverture. 

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Une belle crique pour pêcher.

Vous voilà prisonnier d’une boucle avec beaucoup d’armes, beaucoup d'ennemis à tuer et beaucoup de zones à libérer du même skin d'ennemi qui répète inlassablement « Je te conseille de ranger cette arme ! ». Le jeu est certes beau et plutôt amusant, mais ce duo ne compense malheureusement pas le sentiment de vide qui est omniprésent. On fait la même chose tout le temps, sous couvert d’objectifs “aider machin”, “libérer un tel”. Au final, on se contente d’aller d’un point A à un point B dans une immense map vide de vie pour tuer toujours plus d’ennemis. Car c’est tout ce qu’il y a à faire sur Yara.

On en vient presque à préférer une bonne partie de pêche tranquille au bord de l’eau. Seul moment vraiment paisible du jeu. D’ailleurs, c’est l’unique activité sur l’île pour tous les PNJ – avec courir au milieu de la rue sans but en hurlant avant de foncer dans le mur. Jamais ces derniers ne semblent vivants ou apporter quoi que ce soit au lieu. On a l’impression qu’on les a posé là, tels des Sims.

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Les coyotes demandent une bonne rafale de 20 balles avant de décéder.

Ce Far Cry 6 est-il le Far Cry de trop ? Peut-être bien. Far Cry 6 n’est pas un mauvais jeu, loin de là. Il est plutôt beau et plutôt amusant. Mais il n’a rien de plus qu’un Far Cry 4 ou 5 et reprend les mêmes mécaniques de gameplay qu'Ubisoft sert à toutes les sauces jusqu’à les épuiser. Et ce n’est pas y ajouter trois bricoles de gameplay qui changeront cela.

Conclusion ? Si vous aimez ne pas vous prendre la tête, si pour vous l’histoire est secondaire et que tuer des milliers d'ennemis dans un décors paradisiaque vous branche en rentrant du boulot, foncez. Mais si vous espérez autre chose en 2021 de la part de l’un des plus gros studios du monde qu’un jeu qui ressemble à tous les précédents et qui n’a rien de plus à offrir qu’une notification « Téléchargement textures HD » sur votre écran, passez votre chemin.

J’ose espérer que nous ne passerons pas notre existence de joueurs et joueuses à libérer des camps ennemis, même en 4K avec Ray Tracing, et obtiendrons une autre satisfaction que celle de voir des icônes rouges devenir bleues sur une map noyée de quêtes annexes.

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