Société

Notre nouvelle vidéo DIVERSIDEAS sur la santé mentale dans la communauté queer en Belgique

« Il y a beaucoup de jeunes personnes trans ou non-binaires qui se suicident à cause de cette normativité ; c'est vraiment un très gros problème. »
Souria Cheurfi
Brussels, BE

Dans notre série DIVERSIDEAS, on invite des gens à s’exprimer sur des sujets qui touchent de près ou de loin à ce mot fourre-tout qu’est la « diversité ».

Ce samedi 23 mai, dans un monde parallèle, on aurait dû prendre les rues pour célébrer la Pride à Bruxelles. Mais dans le monde réel, Miss Rona en a décidé autrement. On a beau pouvoir reprocher à cet événement qu’il se soit dénaturé au fil des années - présence politique, Pinkwashing et perte de sa valeur activiste -, la Pride reste tout de même un événement fédérateur pour la communauté LGBTQ+ en Belgique et ailleurs. La situation actuelle offre à la communauté queer la possibilité de revendiquer la Pride pour ce qu'elle est : une superbe manifestation aux couleurs de l'arc-en-ciel où les personnes queer revendiquent leurs droits et frayent la voie pour les plus jeunes générations. Au final, on se passera simplement de tout le côté marketing pour célébrer la Pride comme il se doit ; en donnant de la visibilité aux voix et aux thèmes queer.

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DIVERSIDEAS est un format qui nous est cher. Il nous permet d’aborder des sujets qui nous paraissent importants et de donner une voix à celleux qui doivent crier plus fort que d’autres pour être entendu·es. Si pour les épisodes précédents, on avait transformé notre meeting room en salle salle d’interview avec un joli fond coloré tout ça tout ça, cette fois-ci, c’était mort. On a dû reporter d’un an certains de nos projets pour la Pride, mais cette vidéo, on tenait particulièrement à la partager. Du coup, on a fait avec les moyens du bord et on a fait nos interviews en vidéo call, comme pour toutes nos autres interviews ces derniers mois.

Cette année, la Belgian Pride avait - et a toujours d'ailleurs - pour thème la santé mentale, car selon l'organisation, ce sujet nécessite encore beaucoup d'attention pour la communauté LGBTQ +.

Cette année, la Belgian Pride avait - et a toujours d'ailleurs - pour thème la santé mentale, car selon l'organisation, ce sujet nécessite encore beaucoup d'attention pour la communauté LGBTQ +. « Il reste de nombreux défis à relever, tels que la prévention du VIH et des soins de santé accessibles aux personnes transgenres, mais le bien-être signifie également le bien-être psychologique et social. » On a donc discuté avec six membres de la communauté queer pour parler de leur identité et comment iels la vivent. Le chanteur Bryn, la performeuse et organisatrice des soirées Bénédictions Juriji der Klee, la DJ et performeuse Milka Mbunga Kongi, lea créatif·ve digital·e Joppe De Campeneere, et les activistes Anuna De Wever et Jitske Vandeveire se sont livré·es à nous sur la manière dont iels vivent, expriment et assument qui iels sont.

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Apprendre à s’aimer

En comparaison à d’autres pays, il est vrai que la communauté queer se porte bien en Belgique. Mais les personnes LGBTQ+ peuvent-elles être elles-mêmes dans notre pays sans aucun problème ? « On peut être nous-mêmes parce qu’on le fait juste, on l’impose. Mais ça suscite encore des réactions tous les jours, quand on marche dans la rue et qu’on vit simplement notre vie », explique Joppe. Pour Bryn non plus, ce n'est pas si facile : « Dans le centre de Bruxelles, près de la Bourse, par exemple, tu cours toujours le risque d'avoir des ennuis. Si je sais que je dois passer par une certaine rue, je m'habille d’une certaine manière. Je n’ai pas envie de m’infliger plus de traumatismes que ceux que je vis déjà. » Juriji aussi trouve qu’il n'est pas facile d'être un queer à Bruxelles. Elle aime sa ville, mais elle a tout de même dû renoncer au simple fait de prendre les transports en commun : « On m’a craché dessus, on m’a poursuivie. Je ne prends plus les transports en commun. C'est un peu fou à dire, mais ma vie a changé quand j'ai acheté un vélo. »

« T’es lesbienne parce que t’as jamais eu une bonne bite dans la chatte. »

Jitske, elle, se dit très consciente de certains privilèges qu'elle a au sein de la communauté queer en tant que lesbienne cisgenre blanche. Cependant, elle ne se sent pas toujours capable de s'exprimer pleinement. Dans le salon de coiffure qu'elle dirige, elle reçoit régulièrement des femmes qui veulent une coupe courte mais « ne veulent pas avoir l'air lesbiennes ». Elle ajoute : « Tu ne sais jamais si c'est quelqu'un qui n'accepte absolument pas mon homosexualité. » Pour Bryn, ce sentiment de peur n'est devenu apparent que lorsqu'il a marché dans la rue pour la première fois avec son copain : « Il arrive que les gens vous regardent, commencent à chuchoter ou même à vous suivre. » Quant à Milka, elle s’est protégée contre la discrimination en faisant du sport : « Ça me donne des épaules légèrement plus larges, ce qui me donne confiance. C'est quelque chose de très personnel, mais en même temps, ça influence également mon interaction avec les autres. Comme j’ai moins peur d’eux, j’ai l’impression qu’ils sont dans l’incapacité de me faire du mal. »

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Elle ne se sent plus en danger, mais elle doit toujours faire face aux microagressions dans la rue. « Il s'agit de propos sexistes tels que : “t’es lesbienne parce que t’as jamais eu une bonne bite dans la chatte." »

Trouver sa place dans l'arc-en-ciel

Un deuxième obstacle majeur au bien-être mental est l'hétéronormativité persistante et la vision binaire du genre dans notre société. Juriji dit qu'il lui a fallu un certain temps pour comprendre exactement où elle se placerait sur le spectre des genres. « Parfois je remarque que les gens ne savent pas trop comment définir, mais à la fin on s'en fout. » Anuna souligne l'importance de déconstruire tout ça. « Il y a beaucoup de jeunes personnes trans ou non-binaires qui se suicident à cause de cette normativité ; c'est vraiment un très gros problème. »

La première fois que Joppe a mis du vernis sur un ongle, iel a été confronté·e à sa peur intériorisée du non-binaire. « Ce n'est pas parce que vous êtes queer que vous n’êtes pas soumis·e à ces schémas de pensée problématiques. Masc 4 masc gays (terme souvent utilisé sur les apps pour désigner une personne qui se définit comme un homosexuel masculin, mais qui est attiré uniquement par les homosexuels masculins ndlr.) par exemple… Ce sont des choses qu'il faut déconstruire activement et oui, c'est fatiguant. C’est du travail. »

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« Il y a beaucoup de jeunes personnes trans ou non-binaires qui se suicident à cause de cette normativité, donc c'est vraiment un très gros problème. »

Pour Jitske, la pression pour être hétéro semblait si forte à un moment donné qu'elle « s'est remise dans le placard » lorsqu'elle est allée à l'université : « J'ai tenté les garçons pendant trois ans, mais ça n'a pas fonctionné du tout, ni sexuellement ni émotionnellement. Ça m'a déprimé. Quand j'avais 21 ans, j'ai rencontré mon ex, une fille. Et c'était bien. » Milka aussi a également pleinement assumé son identité grâce à une relation : « J’ai ressenti le besoin d’en parler à ma famille parce que je l’aimais tellement. »

La Pride, c’est être fier·e de soi

« Toutes les questions de santé mentale ne doivent pas être paralysantes », explique Joppe. « La santé mentale, c'est aussi l’image de soi, l’estime de soi et la confiance. » Il y a un manque de représentation selon Anuna. « Je n'ai jamais vraiment eu de problèmes avec ma sexualité ou mon identité de genre. J'ai surtout eu du mal à les comprendre, car je n'avais vu personne comme moi. » Bryn a le même sentiment. « Parfois, t’as l’impression que tout le monde est contre toi, quand personne n’est comme toi. » Selon Milka, être bien entouré·e, c’est très important pour le bien-être mental. « Je sais qu'il y a tout un mouvement derrière moi ; je ne me sens pas seule. » Bryn résume exactement ce que la Pride signifie pour lui : « Malgré tous les obstacles, on reste nous-mêmes, même si c'est hors norme. On en est fier·es parce qu’on surmonte nos peurs et on revendique l'espace public hétéronormatif. On est juste nous-mêmes et on vit. C'est tout. »

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Regardez aussi notre épisode de DIVERSIDEAS sur le harcèlement sexuel dans le milieu de la nuit :