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Frangins malgré eux

Pourquoi est-il normal de détester son demi-frère ou sa demi-sœur ?

Photo via l'utilisateur Flickr Tiffany Terry

En 2014, 123 537 couples français ont divorcé – ce qui fait un paquet d'âmes en peine, de vieux à la recherche de l'amour, et de familles recomposées. En effet, selon une étude de l'INSEE, en 2011, 410 000 enfants vivaient avec un beau-parent et des demi-frères ou demi-sœurs. Quelles conséquences cela peut-il avoir sur ces gamins au quotidien ?

Selon une étude menée par des sociologues américains et publiée en février dans une revue renommée de démographie, les enfants ayant grandi avec des demi-frères, des demi-sœurs ou des frères ou sœurs par alliance ont une propension à devenir plus agressifs que les autres kids. Dirigée par la sociologue Paula Fomby de l'université du Michigan, cette étude a utilisé des données collectées par un projet global ayant conduit des recherches sur près de 6 500 gamins de différents âges avant leur entrée à l'école primaire. Fomby et son équipe ont cherché à savoir si le fait de côtoyer des enfants n'ayant pas les deux mêmes parents à quatre ans avait une influence sur le comportement à cinq ans. Et le résultat semble sans appel : oui, ces gamins sont plus agressifs que les autres.

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Si de nombreuses études ont cherché à connaître l'état des relations entre un enfant et son beau-père ou sa belle-mère, il est bien plus rare de s'intéresser directement aux interactions entre plusieurs gosses. Fomby demeure prudente – elle insiste sur la corrélation entre agressivité et présence d'enfants de parents différents, mais pas sur la causalité. En effet, les raisons à la racine de ce comportement sont encore peu claires. J'ai pu converser avec la sociologue afin d'en savoir un peu plus.

VICE : Quel était votre objectif au moment de lancer cette étude ?
Paula Fomby : Mes collègues et moi-même avons passé beaucoup de temps à étudier l'importance des changements de structures familiales sur le comportement des enfants. Nous avons analysé pendant des années l'effet d'un divorce ou d'un remariage sur un gamin. Au final, nous n'avons pas réussi à découvrir grand-chose, c'est pour cela que nous avons changé complètement d'approche.

Nous nous sommes focalisés sur les autres enfants présents dans un foyer, ceux qui ne partagent pas forcément « le même sang ».

En étudiant les relations entre les enfants plutôt qu'entre un enfant et un parent, que cherchiez-vous à dénicher ?
Nous cherchions à savoir si l'évolution du comportement des enfants était indépendante de la présence des parents. Et c'est ce qui est frappant dans cette étude : oui, l'indépendance est réelle – grandir en compagnie d'un beau-père, d'une belle-mère, d'un parent seul, tout cela n'a pas d'importance.

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Quelles ont été vos découvertes ?
L'agressivité des enfants vivant avec un demi-frère, une demi-sœur, un frère ou une sœur par alliance est plus importante que celle des autres enfants. La différence est notable, statistiquement parlant, tout en n'étant pas extrême non plus. Nous ne disons pas que ces gamins sont des psychopathes en puissance, loin de là. Nous mettons simplement le doigt sur une tendance.

Pouvez-nous nous expliquer comment on peut mesurer l'agressivité d'une personne ?
Nous avons basé nos recherches sur une échelle à 28 niveaux, avec sept comportements caractéristiques de l'agressivité chez l'enfant. Parmi eux, on trouve la destruction d'objets environnants, la colère, etc. Après cela, on a demandé aux parents de déterminer si leur enfant se comportait de cette manière « jamais », « rarement », « parfois », « souvent » ou « très souvent ». Le questionnaire aboutissait à un score maximum de 28 points, la moyenne étant de neuf points parmi les personnes interrogées.

Comment expliquez-vous qu'un enfant ayant grandi avec un autre enfant ne partageant pas les deux mêmes parents puisse être plus agressif ?
Là est toute la question. Nous avons envisagé trois explications : les ressources familiales comme l'argent, le temps ; la façon d'éduquer les enfants ; les problèmes spécifiques touchant l'un des parents présents dans le foyer. Aucune de ces explications n'a vraiment fonctionné.

Quels autres champs aimeriez-vous étudier ?
Selon moi, il y a encore deux pistes à étudier. Nous devrions analyser directement la relation entre deux enfants n'ayant pas les deux mêmes parents. Sinon, nous devrions nous pencher sur le rôle du ou des parents qui ne résident pas dans le foyer, mais qui sont en contact avec les enfants – comme de nombreux pères qui ne voient leur gosse que le week-end.

Pensez-vous que ces comportements agressifs subsistent jusqu'à l'âge adulte ?
Notre étude ne s'est pas intéressée à cette question. Cependant, d'autres chercheurs ont révélé qu'au sein d'une famille recomposée, les comportements délinquants étaient plus nombreux. Il est bien entendu impossible de déterminer si l'on est en face d'une relation de causalité, mais ça demeure très intéressant.

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