Duke Nukem 3D
Artwork avec l'aimable autorisation de Gearbox Publishing
Gaming

Pourquoi « Duke Nukem Forever » continue de faire fantasmer les gens ?

Annoncé en 1997 mais sorti en 2011, le jeu était si nul que des joueurs s’accrochent encore à une version mythique de Duke qui n'a jamais vu le jour.

Au début du mois, une pré-version étonnamment complète de Duke Nukem Forever, la suite du révolutionnaire Duke Nukem 3D (un jeu sorti en 1996 qui a fait découvrir à toute une génération le concept de « tirer une chasse d’eau dans des chiottes digitales »), a été publiée anonymement sur Internet. Ce jeu est très différent de celui qui sera commercialisé plus de dix ans après son annonce avec beaucoup d’enthousiasme mais peu d’éloges, ce qui témoigne de l’enfer que le jeu a enduré au niveau développement — un processus sans fin de redéfinition de son design et de sa technologie. 

Publicité

« Je ne sais pas d’où provient le leak, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à me promener dans le passé », a déclaré Matt Wood, qui a travaillé en tant que concepteur, animateur et modélisateur sur Duke Nukem Forever à la fin des années 90, y compris sur la version qui a récemment leaké.

VICE a contacté trois anciens membres de l’équipe de développement de Duke Nukem Forever, et personne ne sait d’où peut provenir cette fuite. La version qui a fuité contient des documents pointant vers l’ordinateur d’un ancien employé de 3D Realms, le programmeur Nick Schaffner, qui n’a pas répondu au message que nous lui avons envoyé sur LinkedIn.

« Le jeu aurait pu facilement rester sur ce PC (ou être archivé sur leur réseau) pendant des années, donnant à n’importe qui l’opportunité de le copier et de le divulguer plus tard », déclare un ancien développeur, qui a demandé à rester anonyme de peur que ses spéculations ne soient liées à son nom. « Je ne serais pas surpris que cette version soit passée inaperçue pendant des années, jusqu’à ce que quelqu’un de Gearbox [qui a acheté les droits de Duke Nukem Forever en 2010] ne tombe dessus par hasard, au milieu d’un tas de matos de Duke Nukem Forever dont il a hérité. Mais c’est une hypothèse complètement folle. »

« Alors que des jeux comme Max Payne et Prey maintenaient la société à flot, Duke Nukem Forever a été un gouffre financier pour l’entreprise, et il a fini par la tuer. » - Scott Miller

Publicité

La société Gearbox Software, propriétaire actuelle de Duke, n’a pas répondu à notre demande de commentaire, mais cela n’a pas empêché les anciens acteurs créatifs de Duke Nukem Forever d’utiliser le leak comme un prétexte pour revenir sur les comment et les pourquoi de l’histoire de Duke Nukem Forever, un jeu qui cristallisait autrefois toutes les attentes et est pourtant devenu un objet de moqueries.

Dans un article de blog intitulé « La vérité sur DNF », Scott Miller, cofondateur d’Apogee (la société mère de 3D Realms) et co-créateur de Duke Nukem, a déclaré qu’il ne savait pas d’où provenait le leak. Si les impressions des fans sont plutôt positives et que le jeu semble loin d’être injouable (bien qu’incomplet), Miller met les lecteurs en garde : « quiconque s’attend à un jeu jouable sera déçu ». 

A screen shot from a very old version of Duke Nukem Forever. Image courtesy of Gearbox Publishing

Le screen d'une très vieille version de Duke Nukem Forever. Image avec l'aimable autorisation de Gearbox Publishing

« DNF est le jeu qui a détruit 3D Realms et qui a contribué à ce que la société soit vendue à un investisseur au Danemark (où elle est toujours basée) », a déclaré Miller. « Alors que des jeux comme Max Payne et Prey maintenaient la société à flot, DNF a été un gouffre financier pour l’entreprise, et il a fini par tuer la société originale 3D Realms/Apogee. »

Publicité

Miller a pointé du doigt le fait que l’équipe était en sous-effectif chronique, l’absence de feuille de route au niveau du développement, l’obsession des nouvelles technologies et un projet qui était « trop soumis à l’improvisation ».

« C’est une histoire très triste, qu’importe l’angle que vous prenez », a déclaré Miller. « Elle a mis 3D Realms à genoux, toute notre équipe de développement est partie ou a été congédiée, et le nom de 3D Realms est maintenant détenu par quelqu’un qui n’a pas le moindre lien avec notre passé. »

Pendant l’âge d’or de Duke, Miller était l’inséparable de George Broussard, cofondateur d’Apogee et de 3D Realms et co-créateur de Duke Nukem. Ce dernier a répondu aux commentaires de Miller sur Duke Nukem Forever dans un tweet, qualifiant son ancien associé de « narcissique désemparé dont les actions sont à l’origine des procès/frictions de Gearbox, qui nous ont fait perdre 3DR et la propriété intellectuelle de Duke ».

Miller n’a pas répondu à Broussard ni à VICE, bien qu’Apogee continue de faire référence au leak sur Twitter. Broussard n’a pas non plus répondu à nos demandes de commentaires.

Mais pour tout gamer d’un certain âge, Duke Nukem Forever et son histoire troublée ont été la source d’une obsession déclenchée par un moment en particulier : un spectaculaire trailer du jeu vidéo lors de l’E3 2001.

Publicité

La bande-annonce sur le thème de Las Vegas promettait d’entraîner Duke dans des zones tentaculaires, de nouveaux niveaux d’interaction avec son environnement, des créatures qui remplissaient l’écran et un visuel hyper réaliste. Ça ressemblait à un jeu vidéo auquel on aurait pu jouer dans un futur proche. Mais le jeu qui sera finalement livré dans une boîte portant le nom de Duke Nukem Forever ne ressemblera jamais à ça.

C’est également à ce moment-là que 3D Realms a adopté de manière tristement célèbre le mantra « when it's done » (quand il sera terminé) pour la date de sortie du jeu, une punchline insolente qui allait servir de rempart contre les critiques.

« Les seuls dialogues qu’on pouvait trouver étaient si mauvais que même un pastiche de héros qui servait des citations réchauffées d’Evil Dead était plus divertissant que ces losers anonymes que nous avions l’habitude de jouer. » - Chris Franklin

« Duke Nukem Forever — ou du moins la version du jeu que l’on voit dans cette bande-annonce pour l’E3 2001 — a hanté une génération de gamers qui ont grandi avec Duke Nukem 3D », déclare le critique de jeux Chris Franklin, qui dirige la chaîne YouTube Errant Signal. « D’une certaine manière, je pense que ça peut trouver écho avec l’histoire de P. T. : un teaser incroyablement bien reçu, qui a généré un énorme battage médiatique, pour qu’au final le produit disparaisse, laissant tout le monde se demander ce qui aurait pu advenir. » 

Publicité

Si les gens se sont tant intéressés à Duke Nukem Forever, c’est parce qu’ils se sont d’abord intéressés à Duke Nukem 3D, sorti la même année que Super Mario 64 et Quake. Un titre qui allait avoir une lourde influence sur l’avenir des jeux vidéo, même s’il n’est guère crédité comme tel de nos jours. Et pour quiconque n’a pas vécu cette expérience du jeu en temps réel, il est difficile de cristalliser exactement ce que l’on pouvait trouver de si cool à ce qui, avec le recul, était manifestement un macho Schwarzeneggerien, courant dans tous les sens en éructant des citations de Evil Dead.

« Pourquoi Duke était-il iconique ? » s’est demandé Jason Bates, ancien rédacteur de PC Gamer, qui a écrit le premier article en couverture sur Duke Nukem Forever en novembre 1997. À cette époque, tout le monde pensait que le jeu arriverait quelques mois plus tard. « Parce que Duke Nukem 3D avait des dialogues, toutes sortes de dialogues. À l’époque, les dialogues étaient presque inexistants dans les jeux vidéo. Les seuls qu’on pouvait trouver étaient si mauvais que même un pastiche de héros qui servait des citations réchauffées de Army of Darkness et nous inondait de références à Alien était plus divertissant que ces losers anonymes que nous avions l’habitude de jouer. »

(Fun fact : la couverture de PC Gamer sur Duke Nukem Forever a été approuvée par Gary Whitta, le scénariste de Star Wars : Rogue One, qui était à l’époque rédacteur en chef de PC Gamer).

Publicité
The original PC Gamer cover for Duke Nukem Forever from 1997. Image courtesy of Half-Life Inside

La couverture de PC Gamer dédié à Duke Nukem Forever en 1997. Image avec l'aimable autorisation de Half-Life Inside

Duke commentait à quel point vous étiez beau lorsque le joueur jetait un coup d’œil dans le miroir, une action qui ne semble pas conséquente en 2022 mais qui était complètement dingue en 1997, parce que jusque-là, vous ne vous attendiez tout simplement pas à voir quelque chose dans ce miroir ! Et vous ne vous attendiez certainement pas à une réponse après avoir interagi avec des objets aussi inoffensifs qu’un interrupteur ou des toilettes. Doom était un jeu où les joueurs appuyaient sur la barre d’espace (alias « interagir ») pour trouver des portes cachées ; Duke Nukem 3D était un jeu où les joueurs appuyaient sur la barre d’espace pour voir à quelle profondeur le terrier du lapin s’enfonçait dans la nature. Vous étiez aussi récompensé pour ça, ouais.

« Duke était un personnage dont le commentaire permanent donnait l’impression qu’il jouait le jeu avec vous, et qu’il commentait le gameplay au fur et à mesure qu’il se déroulait », déclare Franklin. « Vous pouviez le soutenir, le détester, le trouver drôle ou penser que c’était une brute sexiste. Mais le fait que vous pensiez à lui le rendait unique, alors que tant de jeux s’efforçaient de “vous” placer en héros ».

Duke Nukem Forever a été annoncé en avril 1997 — un jour après la parution du numéro de PC Gamer — par le développeur 3D Realms, dans un communiqué de presse intitulé « GT Interactive obtient les droits mondiaux exclusifs des suites de Duke Nukem 3D de 3D Realms ». On l’a vite oublié, mais l’annonce avait également allégué qu’un Duke Nukem 5 était à venir.

Publicité

« Duke Nukem Forever — ou du moins la version du jeu que l’on voit dans la bande-annonce de l’E3 2001 — a hanté une génération de gamers qui ont grandi avec Duke Nukem 3D. »

Le jeu devait être construit sur le Quake II engine d’id Software. « Qu’est-ce que les joueurs peuvent espérer de plus que le mariage de la technologie de Quake avec l’attitude et le gameplay interactif de Duke Nukem ? », déclarait Broussard dans le communiqué, avant de révéler que la décision de travailler avec la technologie d’id Software, plutôt qu’avec le moteur interne de 3D Realms, avait pour but de donner de la place pour le développement de l’autre jeu vidéo à venir du studio, Prey.

« Notre objectif est de sortir Duke Nukem Forever au plus tard à la mi-1998 et Prey à la fin de la même année », déclarait à l’époque le terriblement optimiste Scott Miller dans un autre communiqué.

À cette époque, les très gros jeux vidéo étaient réalisés en moins de 24 mois, mais Duke Nukem Forever ne sera pas commercialisé avant une dizaine d’années. Prey prendra un peu moins de temps, mais 3D Realms sera obligé de faire appel à un autre studio pour donner vie à l’idée. Gearbox, le studio à l’origine de Borderlands, a racheté les droits et a livré une version « terminée » de Duke Nukem Forever en 2011. Entre-temps, 3D Realms a mis la clé sous la porte.

Publicité

« Que Duke Nukem Forever ne sorte jamais ne nous est littéralement jamais venu à l’esprit », déclare Bates, qui rédigeait la phrase suivante en conclusion de son article dans PC Gaming : « nous ne sommes pas des diseurs de bonne aventure, mais nous sommes convaincus que Duke Nukem Forever sera l’un des plus grands titres de 1998 — et peut-être même le meilleur. »

Cette confiance à toute épreuve, combinée à une aura de fraîcheur et d’audace, a fait de Duke Nukem Forever un projet très attrayant sur lequel travailler, et le genre de jeu pour lequel les gens étaient capables de quitter leur job, même très bien payé.

A screen shot from Duke Nukem 3D. Image courtesy of Gearbox Publishing

A screen shot from Duke Nukem 3D. Image courtesy of Gearbox Publishing

« J’ai commencé à bosser sur DNF en 1998 », explique Matt Wood, dont le nom figure au générique du tristement célèbre trailer de 2001. « À l’origine, j’avais été engagé comme level designer pour travailler sur la deuxième itération d’un jeu appelé Prey. L’équipe de Prey s’est en quelque sorte effondrée et certains d’entre nous sont passés à Duke pour aider. C’était juste au moment où ils ont porté le jeu pour utiliser le moteur Unreal Tournament. Secrètement, j’avais toujours voulu travailler sur la suite de Duke 3D, alors cette opportunité était comme un rêve devenu réalité. J’ai mis tout mon cœur dans ce jeu ! »

Wood est resté dans les parages pendant quelques années avant de quitter le navire. La décision de réorienter la technologie du jeu dans une direction qui ne lui plaisait pas a eu raison de sa motivation. Selon lui, « ce n’était pas une tentative de vendre le jeu grâce à ses mérites en termes de gameplay, nous ne faisions que suivre la technologie ». Il était également clair pour lui que le jeu n’allait pas être prêt avant plusieurs années.

Publicité

« Il y a une dizaine d’années, il y avait ce type qui avait dressé la liste de toutes les choses qu’il avait faites en attendant la sortie de Duke. C’était drôle, mais en même temps ça mettait en lumière une triste réalité » - Robert « Yatta » R.

Les choses ont bien tourné pour Wood : il a quitté 3D Realms pour Valve, et a contribué à la meilleure série de sorties du studio, dont Half-Life 2, Portal 2, Left 4 Dead et Counter-Strike.

Il se dit également « heureux que ce leak ait eu lieu », car il va permettre au reste du monde d’avoir un aperçu du potentiel que non seulement les joueurs espéraient y trouver, mais dont Wood lui-même a été le témoin lorsqu’il bossait chez 3D Realms.

Et parce que la saga de Duke Nukem Forever n’est jamais terminée, Wood nous confie qu’il existe une version plus complète du jeu, datant de 2002. L’IA « fonctionne bien », on y trouve des ennemis plus intéressants, et l’équipe « a développé des features de ouf et implémenté beaucoup plus d’interactivité, tandis que les niveaux deviennent plus intéressants et raffinés. »

A screen shot from the original version of 'Prey' in the late 90s. Image courtesy of Bethesda Softworks

Le screen d'une version originale de Prey à la fin des années 1990. Image avec l'aimable autorisation de Bethesda Softworks

Être fan de jeux vidéo sur PC au début des années 2000 signifiait parcourir un groupe restreint de sites Web, comme Shacknews et Blue’s News. (Ces deux-là sont miraculeusement toujours vivants). Mais pour être un fan de jeux vidéo obsédé par Duke Nukem Forever, il fallait aussi lire Duke4.net, un site qui n’a été lancé qu’en 2005, des années après que 3D Realms ait annoncé que le jeu serait terminé, mais bien avant le flux incessant de nouvelles infos promettant qu’il le serait… un jour.

Publicité

« Quand j’étais gosse, j’admirais vraiment George Broussard et Scott Miller, c’était mon rêve de leur ressembler », déclare Robert « Yatta » R, qui a cofondé Duke4.net et aide toujours à le maintenir en vie. Il a demandé à garder son nom de famille privé pour éviter toute attention publique indésirable. « Mes amis et moi avons créé Duke4.net pour goûter à une petite partie de ce rêve. »

Yatta, comme beaucoup de fans hardcore de Duke, s’est retrouvé sur les forums de 3D Realms au début des années 2000, à l’époque de Geocities et d’Angelfire, des sites qui offraient aux individus quelconques la possibilité de gérer leur propre site web. C’était avant que le terme « blog » ne voie le jour, mais en substance, c’était l’occasion pour les fans de créer facilement leurs propres fan blogs. C’est le genre d’endroit où quelqu’un se consacrait à la création et à la conservation du fandom autour de Duke Nukem.

À l’époque, Yatta était à peine un adolescent. Aujourd’hui, c’est un avocat de 32 ans.

« Il y a une dizaine d’années, il y avait ce type qui avait dressé la liste de toutes les choses qu’il avait faites en attendant la sortie de Duke. C’était drôle, mais en même temps ça mettait en lumière une triste réalité », raconte Yatta. « Il attendait que le truc sorte, alors il avait écrit comment il avait développé sa carrière et s’était construit une famille, et ainsi de suite. Tant d’événements s’étaient produits dans sa vie, et je pense que nous pouvons tous nous reconnaître là-dedans. »

Publicité

Ce qui a en partie contribué à maintenir le mythe de Duke Nukem Forever en vie, ce sont les informations distillées au compte-goutte par les personnes ayant autrefois travaillé sur le jeu, comme le programmeur Brandon Reinhart, également crédité dans le trailer de 2001. En 2021, Reinhart a partagé sur Twitter un tas de vieilles captures d’écran du jeu, montrant le genre de fonctionnalités sur lesquelles les joueurs avaient toujours eu envie d’en savoir plus, comme la possibilité d’écrire librement dans un carnet.

« J’ai créé un tas de fonctionnalités stupides à l’époque », a écrit Reinhart dans un tweet maintenant supprimé.

Once of the deleted tweets from former programmer Brandon Reinhart.

Un des tweets supprimés de Brandon Reinhart.

« J’ai bossé chez Epic et j’étais développeur sur Unreal Tournament à l’époque », a récemment déclaré Reinhart à VICE. « Pour une raison quelconque, après UT, j’ai décidé que je voulais travailler sur DNF, alors j’ai approché George [Broussard] et j’ai accepté un job. DNF était un projet difficile, mais j’y ai rencontré beaucoup de personnes qui sont toujours des amis aujourd’hui. Déménager au Texas a vraiment été bénéfique pour moi. »

Reinhart a fini par fermer son compte Twitter peu après avoir partagé les captures d’écran.

« J’ai tweeté ceci en pensant qu’une grande partie de l’héritage du jeu était mort », confie-t-il, « mais j’ai ensuite pensé que ce n’était pas sage étant donné que l’histoire de DNF a encore des parties prenantes vocales et qu’ils pourraient vouloir gérer la façon dont le jeu est perçu. Bon… » Mais les tweets de Reinhart confirment la curiosité vivace de la communauté pour le « et si ? ». Le fait de pouvoir pisser sur les gens en multijoueur — une fonctionnalité que Reinhart décrit comme « vraiment haïe » par Broussard — était sans doute puéril, mais il y avait d’autres idées plus inspirées, comme la possibilité d’utiliser un ordinateur dans le jeu avec un compte de messagerie entièrement fonctionnel appelé « ezMail », qui permettait d’envoyer des e-mails de la part de Duke.

Publicité

Comme Wood, Reinhart a quitté 3D Realms pour Valve, contribuant à des jeux comme Left 4 Dead et Portal 2. Reinhart est ensuite devenu chef de projet pour Artifact, un jeu de cartes numériques à collectionner dont le développement a été stoppé en 2021 après avoir galéré à trouver son public.

« Le jeu qui est finalement sorti n’est pas représentatif de ce sur quoi nous travaillions à l’époque » - Brandon Reinhart

Même s’il y a eu de longues périodes sans nouvelles infos, Duke4.net a survécu, en partie grâce aux tweets de Reinhart et à une communauté de créateurs rassemblés autour de Duke. Plus tard, lorsque 3D Realms a fermé ses portes, l’utopie semblait bel et bien morte. Mais Yatta a continué à faire vivre le site. Encore aujourd’hui, même après la sortie d’une version de Duke Nukem Forever, il continue de mettre Duke4.net à jour. Pour beaucoup, la vraie version n’avait jamais existé, et il y avait toujours l’espoir qu’un jour la communauté ait une meilleure compréhension du jeu de 2011. C’était aussi un mécanisme d’adaptation, étant donné la médiocrité de la version 2011 de Gearbox. Bien sûr, la version de Gearbox de Duke Nukem Forever était nulle, mais peut-être qu’il en existait une meilleure !

Publicité

« Peut-être que pour certains, c’était devenu une espèce de baleine blanche ; ce qui a finalement été livré n’était pas LA baleine qu’ils attendaient, eux. Et ils n’ont pas tort. Le jeu qui est finalement sorti n’est pas représentatif de ce sur quoi nous travaillions à l’époque. »

La raison pour laquelle les gens ont découvert la version leakée de Duke Nukem Forever, celle qui est la plus proche de ce sur quoi Wood travaillait , c'est parce que Duke4.net en a parlé. Et si une autre version du jeu - comme, par exemple, celle de 2002 qui a fait l'objet d'un teasing - apparaît, il y a de fortes chances pour que Duke4.net l'annonce également, parce que Yatta veut que le site continue de fonctionner.

Another screen shot from that fabled early version of Duke Nukem Forever. Image courtesy of Gearbox Publishing

Le screen de la légendaire version de Duke Nukem Forever. Image avec l'aimable autorisation de Gearbox Publishing

« Notre mission était de faire en sorte que le jeu continue à tout jamais, une sorte de blague liée au nom du jeu lui-même », a-t-il déclaré. « Si une partie de moi a toujours voulu le faire perdurer, ce n’est pas seulement de la nostalgie, c’est toute la simplicité d’une époque. Peut-être parce que j’étais beaucoup plus jeune, ou que l’atmosphère politique du pays était différente. C’était l’époque où l’on était excité à l’idée de manger une pizza et de jouer à des jeux vidéo, sans vraiment penser aux factures et aux problèmes ordinaires que nous rencontrons tous à l’âge adulte. Le fait de conserver le site web a peut-être simplement permis de maintenir un lien avec cette époque plus simple et plus heureuse. »

Duke Nukem 3D était, au mieux, une satire grossière centrée sur un pastiche des héros d’action hollywoodiens des années 80. Le mec traitait mal les femmes, mais le jeu semblait faire un clin d’œil au joueur, qui savait que Duke était un con. Il n’est pas surprenant que la satire vieillisse mal, mais Duke a particulièrement mal vieilli à cause du Duke Nukem Forever de 2011, qui a laissé de côté l’humour référentiel et les clins d’œil complaisants pour célébrer son sexisme et sa misogynie sans la moindre ironie.

L’année dernière, il a été révélé qu’un nouveau projet Duke Nukem — qui pourrait prendre la forme d’une adaptation cinématographique ou d’un nouveau jeu — était sur le tapis. Mais il est difficile de définir exactement la place de Duke dans ce projet. Wolfenstein : The New Order et Wolfenstein : The New Colossus ont montré qu’il était possible de faire entrer un vieux jeu de tir dans l’ère moderne et de lui donner une profondeur et un pathos réels. Il y a d’ailleurs beaucoup de plaisanteries sur le fait qu’un « Duke Nukem progressiste » pourrait voir le jour.

« Il a 70 % de chances que ce soit chiant, mais ce serait drôle s’ils faisaient un Wolfenstein et un Duke Nukem progressistes », a tweeté Chris Person, rédacteur de Highlight Reel, « genre le mec voudrait toujours de la chatte *RIFF DE GUITARE* mais maintenant il voudrait aussi de la bite *IMPRO THRASH METAL* ».

« Shake it ladies ! Ou pas ! » a raillé un autre utilisateur de Twitter. « Ce que vous ressentez vous valide en tant que personne ! *riff de guitare* »

Ça a l’air super drôle, en fait. On pourrait même garder la voix classique de Duke.

Selon Wood, il est important pour quiconque travaille sur Duke de pouvoir répondre à la question « Qui est Duke ? ». Le développeur bosse actuellement sur son propre projet appelé Little Kitty, Big City, un jeu d’aventure sur un chat qui se promène dans une ville et porte de jolis chapeaux. « Pour mes potes et moi-même qui jouions à Duke 3D, il s’agissait d’une caricature outrageusement grossière qui, à l’époque, était hilarante. Mais je sais que pour certains fans (et les développeurs qui ont travaillé dessus), ce n’était pas une blague. Donc, une fois que vous avez décidé qui est vraiment Duke, vous devez réfléchir sérieusement à la façon dont vous voulez le représenter. »

« Je pense effectivement qu’il y a un moyen de faire de Duke un vrai personnage qui ne soit pas juste une machine unidimensionnelle, misogyne et éructant des punchlines débiles, mais cela en vaut-il la peine ? » ajoute-t-il. « Pour moi, Duke était intéressant en raison de l’univers de jeu et du monde dans lequel il évoluait. En tant que personnage, Duke plaisait à mon esprit d’ado qui passait ses journées à citer des films et à être grossier, mais je pense qu’actuellement, pour qu’il ait du succès au-delà du public de Roblox, il devrait grandir un peu. »

Patrick est sur Twitter. Vous pouvez aussi lui envoyer un mail patrick.klepek@vice.com ou le contacter sur Signal (224-707-1561).

VICE France est sur TikTok, Twitter, Insta, Facebook et Flipboard.
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.