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Crime

Après des mois de tensions électorales sanglantes, le Burundi vote ce mardi pour élire son président

Vendredi dernier, VICE News était présent pour suivre un des derniers meetings de campagne de Pierre Nkurunziza, le président en place qui souhaite briguer un troisième mandat, que beaucoup estiment être inconstitutionnel.
Photo par Eric Fernandez/VICE News

Les bureaux de vote s'ouvrent, ce mardi, au Burundi pour les élections présidentielles. Le président en place Pierre Nkurunziza se présente à sa réélection afin de briguer un troisième mandat, que beaucoup estiment être inconstitutionnel. 3,8 millions de Burundais sont appelés à se prononcer ce mardi.

Deux personnes ont été tuées dans la nuit de ce lundi à mardi dans la capitale du pays, Bujumbura, où les explosions et les tirs ont retenti toute la nuit selon les journalistes de VICE News présents à Bujumbura. Selon un responsable de la police cité par l'AFP, un policier pourrait être une des deux victimes, l'autre personne serait un civil.

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— Pierre Mareczko (@MareczkoP)July 21, 2015

La nuit a apparemment été très tendue, et dès ce matin des manifestations sont organisées dans plusieurs quartiers de la capitale.

Barricades have been set up in Nyakabiga. Police here but calm. Small fire burning. Crowds gathered in street. Body found here earlier.

— Danny Gold (@DGisSERIOUS)July 21, 2015

Le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a appelé ce lundi à « tout faire pour assurer la sécurité et la tenue pacifique » de l'élection présidentielle et invite toutes les parties à s'abstenir de commettre toute forme de violence qui pourrait compromettre la stabilité du Burundi et de la région ».

Vendredi dernier les équipes de VICE News ont assisté à un des derniers meetings de campagne du président Nkurunziza dans le nord-ouest du pays, près de Cibitoke. Des milliers de partisans s'y sont rassemblés à l'appel du parti au pouvoir son parti — le CNDD-FDD.

* * *

Des check points de sécurité tenus soit par l'armée, la police ou les jeunes du parti au pouvoir (les Imbonerakure) émaillent la route qui relie la capitale, Bujumbura, au meeting tenu dans la région de Cibitoke. Le meeting est organisé à 80 kilomètres d'une zone de conflit du nord-ouest du pays, qui aurait été la cible d'attaques de groupes rebelles non-identifiés, il y a une dizaine de jours.

Malgré tout, l'atmosphère au meeting est festive, des chanteurs accompagnés de tambours entonnent des hymnes qui moquent Godefroid Niyombare, l'homme derrière le coup d'État manqué de mai dernier et ancien allié de Pierre Nkurunziza. Le président candidat à sa réélection a investi la scène dans l'après-midi, expliquant à la foule présente que la communauté internationale se trompait en pensant que les élections ne pourraient pas se tenir en raison des manifestations. Il a aussi martelé qu'aucun parti d'opposition ne poserait de problème, notamment grâce au soutien de l'armée et de la police.

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Nkurunziza et son entourage baissent la tête lors de la prière qui précède le meeting de vendredi dernier. 

Le pays d'Afrique de l'Est est coincé dans une crise politique depuis le 26 avril dernier, quand le CNDD-FDD a annoncé que Nkurunziza avait pour projet de briguer un troisième mandat — une décision que beaucoup estiment être inconstitutionnelle. La nouvelle avait déclenché de violents affrontements entre les partisans du président et ceux opposés à sa volonté de se présenter aux élections. Une répression soutenue par le gouvernement des opposants doublée d'une campagne d'intimidation a plongé le pays dans un climat où beaucoup craignent pour leur vie.

La constitution du pays précise que le président ne peut effectuer que deux mandats. L'ancien leader des rebelles de 51 ans, Pierre Nkurunziza, a été nommé président en 2005 par le parlement pour mettre fin à une décennie de guerre civile. Le président a ensuite été réélu, par le peuple, cette fois-ci pour un deuxième mandat en 2010 — des élections boycottées par la plupart de ses opposants. Ses partisans estiment aujourd'hui qu'il est éligible pour un nouveau mandat, parce qu'il n'a pas été élu par le vote du peuple lors de son premier mandat — mais grâce à celui des parlementaires. La cour constitutionnelle burundaise s'est rangée derrière ce raisonnement, permettant à Nkurunziza de se présenter à sa réélection. Les élections devaient initialement se tenir fin juin, mais elles ont été plusieurs fois repoussées.

Le coup d'État manqué mené par Niyombaré en mai a créé de nouvelles tensions. La pression des chefs d'État des pays de la région et de la communauté internationale a obligé le parti au pouvoir de repousser les élections deux fois, jusqu'à ce mardi 21 juillet.

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« Il y a une incompréhension sur le fait que Nkurunziza veut être président, » explique à VICE News un parlementaire du CNDD-FDD, Ezechiel Nibigira. « Ce n'est pas lui qui veut être président, c'est le peuple qui souhaite qu'il reste président. Il a été mis sur le devant de la scène par le peuple. »

Des spectateurs agitent des drapeaux et portent des panneaux en soutien du président. Un signe que Nkurunziza est sans doute encore largement soutenu dans les zones rurales du Burundi. 

Il y a deux semaines, des affrontements meurtriers auraient eu lieu entre un groupe rebelle non-identifié et les Forces de Défense du Burundi dans le nord-ouest du pays. Un militant local a expliqué à VICE News que Nkurunziza souhaitait envoyer un message en tenant ce dernier meeting de campagne proche du lieu des derniers affrontements.

« Il montre qu'il n'a pas peur, il dit aux gens qu'il est encore en contrôle du pays, » explique le militant, qui a refusé de donner son identité, par peur des représailles.

Si la pression de la communauté internationale se fait de plus en plus pressante, Nkurunziza maintient néanmoins le soutien d'une partie de la population du Burundi, notamment dans le nord du pays — dans les zones rurales et urbaines.

« Le président bénéficie encore de puissants soutiens à l'intérieur même de la capitale Bujumbura, » explique à VICE News, Evan Cinq-Mars, un chercheur au Global Centre for Responsibility to Protect.

Si Nkurunziza est parvenu à garder le soutien de sa base et dans les rangs du CNDD-FDD, Cinq-Mars note néanmoins que le parti au pouvoir n'est pas totalement unifié. De récentes manifestations ont permis de mettre au jour les conflits internes — dont la tentative de coup d'État de Niyombare est l'illustration par excellence.

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La foule se rassemble avant le discours de Nkurunziza. 

Vital Niyungeko, le président des Imbonerakure de la région de Cibitoke, expliquait ce vendredi à VICE News que le CNDD-FDD est en confiance avant les élections.

« Nous sommes contents, nous avons tellement de partisans du parti qui se sont déplacés pour soutenir un gouvernement qui se démène pour son pays, » expliquait-il — en insistant sur les routes et les écoles construites au cours de la dernière décennie.

Certaines rumeurs voudraient que des membres en exil du CNDD-FDD souhaitent établir un gouvernement de transition au Burundi. Le mouvement responsable de la création du « Conseil National pour la Restoration des accords d'Arusha et l'État de droit au Burundi » serait dirigé par Gervais Rufyikiri, l'ancien second vice-président qui s'est exilé en Belgique en juin dernier.

Niyungeko dit ne pas craindre les rebelles ni la formation d'un gouvernement de transition en exil. « Il n'y a aucune peur. Quand nous en aurons fini ici, on va dans la province de Kayanza [lieu de l'attaque des rebelles qui date d'une dizaine de jours]. »

À voir : Notre reportage vidéo sur le meeting de vendredi dernier dans la province de Cibitoke (en anglais)

Interrogé sur les critiques de la communauté internationale concernant les élections, il explique que le succès populaire du meeting de vendredi prouve que Nkurunziza est encore largement soutenu dans le pays.

« Ce que vous pouvez voir, c'est qu'une grande partie de la population — peut-être 80 pour cent — veut élire le président, » explique Niyungeko. « Comment l'ONU et la communauté des pays d'Afrique de l'est peuvent-elles s'introduire dans les affaires du Burundi ? »

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Ce jeudi, le Haut-Commissariat aux droits de l'hommes des Nations Unies a diffusé un communiqué rédigé par un panel d'officiels onusiens. Ils demandent une réponse du Conseil de Sécurité face au risque d'atrocités de masse qui court au Burundi, craignant notamment que la situation ne se détériore encore.

« La communauté internationale doit décider d'agir et non pas seulement patienter en attendant un massacre, » lit-on dans le communiqué, « nous risquons un conflit qui pourrait s'exporter à toute la région. »

À voir : Burundi (1/2) : Derrière les barricades 

À voir : Burundi (2/2) : Silence Radio

Toutes les photos sont d'Eric Fernandez/VICE News.

Suivez Danny Gold (@DGisSERIOUS) et Kalya Ruble (@RubleKB) sur Twitter.