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On a demandé à un communiste du Doubs pourquoi le FN touchait la jeunesse locale

Comment l'électorat jeune et ouvrier a-t-il déserté l'extrême gauche pour le Front National ?

Une manifestation des Jeunesses Communistes. Photo via

Comme tout le monde l'a remarqué, c'est un duel FN-PS qui aura lieu lors du second tour de l'élection partielle dans la 4e circonscription du Doubs dimanche prochain. Si les résultats du Front National et ceux des deux grands partis traditionnels ont largement été décortiqués, le score de l'extrême gauche n'a pas fait l'objet de beaucoup de commentaires. Cumulant 3,6 % des voix, Vincent Adami, le candidat du Front de Gauche soutenu par le PCF, le NPA et les chevènementistes du MRC, arrive très loin derrière le FN (36,6 %), le PS (28,85 %) et l'UMP (26,54 %).

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Le Monde relevait pourtant justement mardi 3 février que les caractéristiques sociologiques de la circonscription ne prêchaient pourtant pas nécessairement en faveur de l'extrême droite. Si le discours du FN accroche plutôt l'électorat âgé, le parti de Marine Le Pen ne pouvait pas compter dans le Doubs sur un réservoir de séniors extraordinaire. Avec 26 % de 18-40 ans selon l'INSEE, la moyenne d'âge de la circonscription ne diffère d'ailleurs pas énormément de celle nationale.

D'un autre côté, le territoire profite de la proximité des usines PSA de Sochaux-Montbéliard et garde malgré la crise industrielle une population ouvrière largement supérieure à la moyenne française. En gros, des vieux pas plus nombreux qu'ailleurs et pas mal de prolétaires, on pourrait penser qu'un parti ouvriériste comme le PCF aurait toutes ses chances. Pourtant le chiffre du Front ce Gauche ne décolle pas – seulement + 0,4 point depuis la dernière législative de 2012. La question se pose donc : l'extrême gauche sait-elle encore parler aux jeunes et aux ouvriers ? Pour en discuter, et tandis que le parti de gauche radicale Syriza vient de remporter les élections législatives en Grèce, j'ai contacté John Vaurs, secrétaire général des Jeunesses Communistes (JC) du Doubs, qui milite pour le parti depuis cinq ans.

VICE : Bonjour John. Le Front de Gauche est à 3,6 % et le FN à 32 % – qu'est-ce qui se passe ?
John Vaurs : On ne va pas se mentir : on ne peut pas dire que c'est une réussite. En ce qui concerne notre score, ce n'est vraiment pas une surprise. Bien entendu c'est le but de tout parti politique de gagner des voix et on aurait espéré plus. Mais ce n'est pas une défaite non plus car nous n'avons jamais eu trop d'ambition au niveau régional. Dans tous les cas, il faut relativiser – le grand vainqueur ce n'est ni le FN, ni le PS ; c'est l'abstention, qui atteint les 60 %.

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60 %, sans même parler des personnes non inscrites, ça veut dire que les élections n'intéressent plus personnes dans le Doubs ?
C'est le PS qui porte la responsabilité de l'abstention. La politique que mène François Hollande a dégoûté les gens. Pour beaucoup c'est une désillusion, les gens se sentent trahis. C'est normal qu'ils n'aillent plus voter ou qu'ils se dirigent vers l'extrême droite.

Ça fait longtemps que le vote des ouvriers s'est déplacé. Depuis la fin de l'URSS, le vote ouvrier s'est porté petit à petit vers le PS – qui bien sûr n'a jamais tenu ses promesses. Leur vote s'est ensuite décalé à droite, vers l'UMP, qui a déçu, pour terminer dans les filets du Front National. Mais le FN n'a aucune proposition à faire aux ouvriers puisqu'il est du côté du patronat. Il arrive juste à embobiner tout le monde avec son discours et son omniprésence médiatique.

Et ce discours justement, vous pensez qu'il touche la jeunesse locale ?
Oui, il touche les jeunes. Mais encore une fois les socialistes ont une grosse responsabilité là-dessus. Avec sa politique de droite, Hollande a déçu une grosse partie de la jeunesse qui avait voté pour lui en 2012. Sans illusions, à la dérive, les jeunes se tournent vers le Front National qui matraque son message en permanence sur les plateaux télés.

La candidate FN du Doubs, victorieuse dimanche dernier. Image via.

*OK. Sur la profession de foi du candidat d'extrême gauche local, il n'y avait aucune allusion à la jeunesse.Quelle est la situation des jeunes dans le Doubs ?*
Ça va. On a quand même une grosse présence universitaire dans le département. À Besançon surtout, où il y a 20 % d'étudiants. On a des jeunes en politique aussi, dans quelques conseils municipaux. Aux Jeunesses communistes (JC), on est une vingtaine à Besançon – plus quelques petits comités ailleurs dans le département. Mais on arrive à mobiliser encore, parfois on fait même des manifs. On était 200 dans la ville contre les suppressions de postes dans l'Éducation nationale initiées par le PS, ou plus récemment en solidarité avec les victimes des attentats à Paris. Ensuite, au niveau de l'emploi on n'est pas les pires ; le Doubs reste le département le plus industrialisé de France, il existe toujours des débouchés.

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C'est vrai que la jeunesse n'était peut-être pas une priorité pour cette élection. La quatrième circonscription est très rurale, la population plutôt salariée – et il n'y a pas d'université. Par conséquent, pas beaucoup de jeunes à défendre.

Extrait d'« Antifa : Chasseurs de skins ». Image via

Ça veut dire qu'il n'y a pas de jeunes en campagne ou de jeunes salariés ?
Non ce n'est pas ça, seulement ce ne sont pas que des jeunes, et on a des organisations spéciales pour ça. Depuis que notre JC s'est restructurée en 2012, on a fait pas mal de choses pour la jeunesse. On est très présent dans les quartiers populaires, on organise des événements participatifs, des tournois de foot avec les jeunes, des actions culturelles ou des manifs en soutien à la Palestine.

Et ça marche ? Des fois on se demande si la gauche a perdu sa capacité de parler à la jeunesse et aux classes populaires.
Oui, regardez ce qui se passe en Grèce : les ouvriers se sont unis. Ici aussi on milite dans les usines pour rassembler les ouvriers, défendre nos valeurs et faire en sorte qu'ils ne tombe pas dans le panneau du FN. Après en France, ça ne marche pas trop – mais on attend que le vent tourne.

J'ai quelques bases en matérialisme historique, et il ne me semble pas avoir entendu parler de métaphore éolienne chez Marx.
Le marxisme scientifique du XIXe siècle doit être repensé avec le contexte actuel. C'est pour ça qu'on a fait évoluer notre discours. On a intégré l'écologie et la problématique des travailleurs étrangers dans notre pensée, par exemple.

Vous parlez encore de lutte des classes ?
Bien sûr, la lutte des classes aujourd'hui. Mais c'est comme la République, c'est rentré dans le langage courant !

Merci beaucoup, John.