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Nous allons peut-être enfin savoir à quoi le dodo ressemblait vraiment

Le dodo ne ressemblait sans doute pas du tout à ce que vous pensez.
Le dodo d'Edwards, peint par Roelant Savery en 1626. Image: Wikipedia

L'Histoire n'a pas été tendre avec le dodo. Tel un animal empaillé assemblé aléatoirement par quelqu'un qui n'a jamais vraiment vu la bête en question, la plupart des descriptions de cet oiseau mythique produites par des explorateurs au fil des siècles ont souffert d'un excès de créativité et d'une certaine tendance à la licence poétique.

Le tout premier récit d'une rencontre avec le dodo nous vient de Heyndrick Dircksz Jolinck, un marin qui mena une expédition vers l'île Maurice en 1598, et qui décrivit les oiseaux comme des « pingouins ». Jolinck, comme tout bon marin affamé par un long voyage en mer, semblait plus intéressé par les apports nutritionnels du dodo que par sa valeur scientifique, et son récit mentionne donc que « ces oiseaux particuliers ont un ventre si grand qu'il peut fournir un bon repas à deux hommes, et c'est d'ailleurs la partie la plus goûteuse de l'oiseau. »

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Mais désormais, les scientifiques sont en mesure de ramener l'oiseau disparu à la vie avec une précision inégalée jusqu'ici, grâce à la toute première modélisation en 3D du squelette du dodo.

Ce squelette en 3D, publié dans le Journal of Vertebrate Paleontology, a permis aux chercheurs d'identifier des os inconnus, de modifier certaines représentations inexactes des proportions anatomiques de l'oiseau, et d'émettre de nouvelles hypothèses concernant la manière dont il évoluait au sein de son environnement.

L'équipe internationale de paléontologues qui a réalisé cette nouvelle étude a passé cinq ans et plusieurs milliers d'heures à modéliser les deux seuls squelettes de dodo parfaitement intacts dont nous disposons à l'heure actuelle.

Le dodo en train d'être scanné. Image: K.F. Rijsdijk

Selon l'étude, les deux squelettes ont été découverts il y a plus d'un siècle par Étienne Thirioux, un barbier féru de naturalisme, et ont été ignorés pendant une centaine d'années par les chercheurs, planqués qu'ils étaient parmi les collections de l'Institut de l'île Maurice et du Muséum d'histoire naturelle de Durban.

L'un des spécimens de dodo est également le seul squelette complet d'un oiseau unique connu. L'autre est presque complet, mais on pense qu'il pourrait s'agir d'un assemblage d'os provenant de plusieurs oiseaux.

Tous les autres squelettes dont nous disposons, y compris le fameux dodo d'Oxford, sont des reconstructions composites réalisées à partir d'os de nombreux individus différents. Jusqu'ici, reconstituer le dodo ressemble donc à un puzzle biologique particulièrement complexe.

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Mais grâce aux découvertes d'Étienne Thirioux et à l'utilisation d'un scanner tridimensionnel – une technique d'imagerie qui utilise des points géométriques pour capturer la forme de la surface d'un objet – les scientifiques sont tout proches de savoir exactement à quoi ressemblait l'un des oiseaux les plus étranges ayant jamais existé.

L'étude a notamment révélé que des os non identifiés jusqu'ici étaient en fait les chevilles, les poignets et les genoux du dodo.

Il s'avère également que les pattes du dodo étaient incroyablement puissantes, et servaient à la fois à supporter son poids conséquent (les chercheurs estiment que l'oiseau pesait entre 9,5 et 18 kilos) et à lui donner l'agilité nécessaire pour arpenter les forêts particulièrement denses de l'île Maurice, son habitat naturel. Et même si les ailes du dodo n'étaient pas assez grandes pour lui permettre de voler, elles l'aidaient à maintenir son équilibre lorsqu'il se déplaçait au sol à grande vitesse.

Le squelette du dodo de Durban tel qu'il se présentait vraiment. Aves 3D

Contrairement à ses cousins les pigeons, qui peuplent encore abondamment notre planète, le crâne du dodo était très massif et possédait une forme unique adaptée à son environnement. Son bec aussi large qu'unique lui servait autant à fouiller la terre qu'à se battre.

« Comparé aux pigeons, le crâne du dodo est très différent ; il est bien plus gros, muni d'un bec impressionnant, et se forme a beaucoup évolué. On comprend bien pourquoi les premiers naturalistes avaient du mal à classer le dodo dans la même branche que les pigeons, mais son crâne témoigne de son évolution unique », affirme le Dr. Hanneke Meijer, l'un des auteurs de l'étude, post-doctorant à la Smithsonian Institution.

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D'autres résultats de l'étude vont à l'encontre de théories largement répandues concernant les raisons de la disparition du dodo, indiquant par exemple que son extinction n'était en fait pas due à la chasse mais plutôt à sa prédation par les rats et d'autres espèces invasives introduites par les colons.

L'équipe espère que cette modélisation 3D incitera d'autres scientifiques à mener leurs propres recherches sur l'anatomie du dodo, son comportement et son environnement. « Il y a tellement de questions sur le dodo auxquelles nous n'avons pas su répondre jusqu'ici », déplore le Dr. Leon Classens, l'un des co-auteurs.

Depuis sa découverte par des marins hollandais en 1598 sur l'île Maurice, alors inhabitée, le dodo, avec son apparence unique et ses attributs singuliers, a laissé perplexe tous ceux qui l'ont vu. Moins d'un siècle après que les hommes aient commencé à l'étudier, il avait disparu.

Les chercheurs qui étudient l'oiseau éteint n'ont pas beaucoup d'éléments sur lesquels travailler, à l'exception de quelques journaux de bord retrouvés dans des bateaux, quelques squelettes, et quelques organes desséchés. Une part importante de la recherche actuelle consiste à distinguer les faits de la fiction.

« Malgré les nombreux volumes qui ont été écrits à son sujet, l'histoire du dodo nous échappe encore largement. On en sait plus sur la population, la reproduction et les petits des dinosaures et d'autres animaux préhistoriques que sur le dodo qui a disparu très récemment par la faute des hommes », explique le Dr. Julian Hume.

Mais grâce aux nouvelles technologies qui ouvrent le champ à des découvertes inédites, il se pourrait bien que l'on en sache bientôt plus sur le plus célèbre des oiseaux disparus.