Mais surtout, les chercheurs ont établi une distinction entre la pédophilie et l’agression sexuelle sur mineurs, une différence entre l'attraction elle-même et le crime. « La plupart des gens entendent ces mots et pensent qu'ils sont synonymes. Ce n'est pas le cas », dit James Cantor, un psychologue clinique et neuroscientifique canadien qui étudie la pédophilie.Seule la moitié environ des auteurs de délits sexuels sur des enfants sont de véritables pédophiles. L'autre moitié préfère les adultes sur le plan sexuel et abuse des enfants parce qu'ils sont accessibles ou facilement manipulables. Les consommateurs de pédopornographie, par contre, sont presque toujours des pédophiles au vu de la facilité avec laquelle ils pourraient, s’ils le voulaient, accéder à des alternatives à la pornographie adulte.L'objectif de tout traitement moderne et préventif de la pédophilie devrait être d'aider les gens à gérer leurs penchants sexuels plutôt que d'essayer de les changer, selon Cantor. Cela peut passer par le recours volontaire à des médicaments réducteurs d'hormones pour contrôler les pulsions ou par une thérapie. La pédophilie et la violence sexuelle n'étant pas synonymes, le traitement de la pédophilie ne consiste pas seulement à prévenir les abus sexuels sur les enfants, mais aussi à aider les personnes concernées à améliorer leur santé mentale et leur bien-être. C'est un concept qui peut être difficile à accepter. Il s'agit de reconnaître que les personnes qui sont sexuellement attirées par les enfants méritent de vivre une vie saine et épanouie.« Seule la moitié environ des auteurs de délits sexuels sur des enfants sont de véritables pédophiles. L'autre moitié préfère les adultes sur le plan sexuel et abuse des enfants parce qu'ils sont accessibles ou facilement manipulables »
En 2014, le journaliste Luke Malone a écrit un article sur des jeunes, parfois des mineurs, qui découvraient qu'ils étaient attirés par les enfants, et comment ils y faisaient face. Quand Adam, un des jeunes pédophiles interviewés, a avoué à une thérapeute son problème, « elle est juste devenue extrêmement froide et sévère. À quelques reprises, elle a même failli se mettre à crier. » Elle a tout révélé à la mère d'Adam.« Il y a une très bonne raison pour laquelle les pédophiles évitent les thérapeutes et les médecins : ces derniers ont l'obligation de les dénoncer à la police s’ils pensent que des enfants pourraient être en danger par la suite, explique Ethan Edwards*, co-fondateur de Virtuous Pedophiles. Avec le manque de formation à ce sujet et la conviction commune que tous les pédophiles abusent des enfants tôt ou tard, il est très périlleux pour un pédophile de chercher de l’aide. »« Bien sûr, la société ne peut accepter aucune forme d'abus contre un enfant. Mais il est contre-productif que ces personnes ne puissent même pas demander de l'aide à un professionnel » – James Cantor, psychologue clinicien et neuroscientifique
La thérapie par la parole doit se concentrer sur la gestion des préférences sexuelles du patient, tout en reconnaissant explicitement que ces préférences ne changeront probablement jamais. Par le passé, la thérapie était parfois axée sur la recherche d'un traumatisme, car on pensait que des antécédents d'abus conduisaient quelqu'un à en commettre. La vérité est un peu plus compliquée. Le fait d'avoir été victime d'abus sexuels dans sa propre enfance peut être un facteur déterminant pour commettre des abus sexuels à l'âge adulte, mais pas nécessairement un facteur de pédophilie. « C'est ce que j'ai entendu encore et encore, dit Cantor. Ils le savaient. Ils l'ont toujours su. Tous leurs anciens psy leur disaient de se concentrer sur les traumatismes, sur ce qui était arrivé dans leur enfance. Mais la réalité, c'est qu'ils sont nés comme ça. »« Certains patients préfèrent ne plus avoir de libido plutôt qu'avec ces pulsions sexuelles lancinantes qu'ils ne peuvent pas exprimer et contre lesquelles ils ne peuvent rien faire » – James Cantor
L'objectif est d'aider chaque individu non délinquant attiré par les enfants à trouver une thérapie s'il le souhaite ou s'il en a besoin, dit Robert Hillman, « pédophile vertueux (non délinquant) de longue date » et nouveau président de l'ASAP. Son mantra est : « Tous les pédophiles sont nés non délinquants », et il veut aider à ce que cela reste ainsi. « Les personnes heureuses et mentalement saines ne violent pas des enfants », dit-il.« Les gens font les choses les plus désespérées quand ils se sentent les plus désespérés, dit Cantor. Le but de ces groupes et de ces thérapies, c'est d'aider les patients à mener une vie qui vaut la peine d'être protégée. Lorsqu'ils ont une vie qui vaut la peine d'être protégée, c'est là qu’ils ont l'énergie et la volonté de se contrôler, parce qu'ils ne veulent pas risquer la vie qu'ils ont. »Ce que veulent Hillman et Gibson, c'est que toute personne attirée par les enfants ait la possibilité de suivre sa propre voie et de déterminer ce qui fonctionne le mieux pour elle. Cela peut inclure une expérimentation avec des médicaments, mais pas nécessairement. L'ASAP ne contrôle pas ses thérapeutes, qui agissent tous indépendamment, en utilisant des méthodes de traitement différentes. Ils ne réussissent pas toujours. « Un type s'est suicidé, à ma connaissance, dit Gibson. Mais je pense que nous avons probablement sauvé quelques vies et évité à de nombreux enfants d'être maltraités. »Ces groupes de soutien et ces réseaux de thérapie constituent une bouée de sauvetage, mais à eux seuls, ils ne garantissent pas une cohérence dans le traitement, et ne comblent pas les lacunes de la littérature scientifique lorsqu'il s'agit de déterminer le meilleur traitement pour une personne donnée. Certains médicaments hormonaux sont moins risqués ou plus efficaces que d'autres, certains pédophiles s'en sortent mieux sans médicaments, certaines pratiques thérapeutiques sont plus utiles que d'autres. Tout cela n’est pas clair.Comme avec tous les médicaments, certains patients ont de bonnes expériences et d'autres pas. Un pédophile peut s'identifier comme « égo-dystonique » ou « égo-syntonique ». Contrairement aux personnes égo-dystoniques, les personnes égo-syntoniques considèrent la pédophilie comme faisant partie de leur identité, et ne voient pas d'inconvénient à fantasmer et à se masturber sur des enfants (mais pas sur du porno). Il se peut que le traitement soit différent avec ceux qui ont des attitudes différentes envers leur attirance, même si les membres des deux groupes ont le même engagement à ne pas passer à l’acte.« Ces groupes de soutien et ces réseaux de thérapie constituent une bouée de sauvetage, mais à eux seuls, ils ne garantissent pas une cohérence dans le traitement »