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Culture

L’innocence et la rage

On a interviewé le légendaire LeVar Burton sur Racines, Star Trek, Reading Rainbow, et sur le fait d’être perpétuellement enthousiaste.

LeVar Burton
Acteur / Réalisateur / Éducateur
Racines (1977), Reading Rainbow (1983-2006), Star Trek : La Nouvelle Génération (1987-1994)

Dans un monde où le cynisme ne fait que croître, LeVar Burton continue d'inviter à un futur meilleur. Né à l’apogée des mouvements pour les droits civils, il semblait presque destiné à faire changer les choses dès son adolescence. À l'âge de 19 ans, LeVar a fait une entrée en force à la télévision dans la mini-série adaptée du livre Racines d'Alex Haley, qui a aidé à jeter un éclairage nouveau sur de la condition des esclaves américains.

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En plus de sa carrière d'acteur, LeVar a dédié les trente dernières années de sa vie à stimuler l'amour de la lecture chez les enfants américains en tant que présentateur de Reading Rainbow. « En tant que fils d'instituteur, dit-il, j'ai été élevé dans l'idée qu'on devrait lire autant qu'on mange »

J'ai récemment rencontré LeVar dans son bureau – entouré de cristaux de guérison, de sauge, et de ses Emmy – pour discuter de sa carrière, des lunettes Google et d’être enthousiaste.

VICE : Vous avez fait vos débuts à la télévision en 1977 dans le rôle de Kunta Kinte, un jeune homme amené en Amérique contre son gré, qui ne s’est jamais coupé de son héritage africain, malgré de longues années d’esclavage. Vous pouvez m’en parler ?
LeVar Burton : À l’époque, je faisais des études de théâtre à l'université de Californie du Sud. Je vivais déjà une vie de comédien, je me dédiais corps et âme à étudier cet art. Quand j'ai lu Kunta pour la première fois, j'ai su qui était cet enfant. Je connaissais l'innocence et la rage. Je n'avais pas d'autre moyen de l'expliquer : j'avais l'impression de m'être préparé à jouer Kunta toute ma vie.

Racinesa été un énorme succès. Aujourd'hui encore, ça demeure la troisième mini-série la mieux notée de tous les temps. Cela vous touche personnellement ? Racinesétait étrange pour moi car c'était à la fois personnel et public. Avec ce succès, le tout a changé pour moi : je suis passé de simple étudiant en théâtre à la première page de TV Guide. La raison pour laquelle cette série continue d'avoir un immense impact sur la nation est qu'elle parle directement à ceux qui tiennent au concept de liberté. Kunta représente le caractère indomptable de l'esprit humain, et l'idée que nous sommes tous nés libres, peu importent les circonstances. Donc ouais, ce n'est pas le genre de chaussures qui vous vont parfaitement quand vous avez 19 ans. Vous grandissez dedans. Ça m'a pris une carrière entière pour vraiment puiser dans la richesse de cette expérience.

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Pourquoi a-t-il fallu une mini-série télé pour aider à créer une meilleure compréhension de l'esclavage en Amérique ?
C’est le pouvoir des images en mouvement combinées avec le son ! Ça attire notre attention, et l'information pénètre facilement les niveaux les plus profonds de notre conscience. Le fait de regarder Racines à la télévision a aidé les gens à développer de l'empathie pour la condition des esclaves. C'est une prise de conscience dont notre pays avait besoin pour qu'une guérison concrète ait lieu.

Est-ce vrai que votre audition pour Racines était votre premier casting ?
Oui. Mon premier jour en tant qu'acteur professionnel, Cicely Tyson jouait ma mère et Maya Angelou jouait ma grand-mère. Ces femmes étaient mes mentors. On ne peut pas rêver mieux !

Comment avez-vous réussi à surmonter la timidité ?
Un des grands avantages de cette profession, c’est la tradition qui veut que les confrères encadrent les néophytes. Et ils s'attendent à ce que vous donniez le meilleur de vous-même. Sinon vous n'avez rien à faire là. J'ai fait de mon mieux.

Vous avez suivi une formation de prêtre. Pourquoi choisir Hollywood plutôt que le clergé ?
Depuis très jeune, j'avais comme projet de mener une vie de prêtre. Ça n'a pas été une décision facile pour moi. La maturité est une série d'illusions brisées. J'avais 16 ans quand j'ai réalisé que les prêtres n'avaient pas tout compris. J'étais influencé par une pensée un peu magique, comme quoi une fois qu'on rentrait dans les ordres on était d'une manière ou d'une autre imprégné de sainteté. Vous savez, le genre de trucs qui vous empêche de faire des conneries. Finalement, j’ai décidé que j'aurais tout autant intérêt à sortir, faire mes propres erreurs et découvrir le monde.

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Quelle sorte de rôles vous a-t-on proposé juste après Racines ?
J'ai fait une série de téléfilms : _One _in a Million__, _Battered_, _Dummy._ Toujours des trucs dramatiques.

Vous faites passer plein de choses avec votre regard, en particulier pour Kunta Kinte. Pourtant dans Star Trek : La Nouvelle Génération, ils vous ont mis une visière qui cachait presque entièrement vos yeux. Quelle leçon tirez-vous de perdre ainsi votre pouvoir spécial ?
C'est fou, n'est-ce pas ? Se faire retirer le pouvoir de communiquer… Eh bien, j'ai dû me débrouiller. Il y a une bonne dose de travail, mais c’est surtout l'énergie qui compte. C'est toutes les subtilités qui ne sautent pas aux yeux. Après sept ans de port de la visière, je leur ai demandé de développer une nouvelle technologie pour pouvoir réincorporer les yeux dans mon jeu.

En tant que fan de la série Star Trek originale, qu'avez-vous voulu apporter à la Nouvelle Génération ?
Rien ! J'adore tellement la série originale… J'étais simplement ravi de pouvoir prendre part à cette aventure. En grandissant, Star Trek était l'un des rares shows que je regardais et où je voyais des gens qui me ressemblaient – et ils conduisaient des vaisseaux ! Je ne voulais pas faire le Vietnam. Je ne voulais pas devenir mac ou escroc. Je ne voulais pas être poursuivi par la police ni être toxicomane. Je voulais être comme ces mecs plus tard. La vision de Gene Roddenberry m'a aidé à former une image positive de moi-même très tôt.

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Comment Geordi voit-il le monde derrière sa visière ?
Geordi voit tout le spectre électromagnétique. Il voit tout, du rayon infrarouge aux rayons X. Il voit même les sons. Ce qui le rend spécial, c'est qu'il ressent tout simultanément.

Pourquoi avez-vous refusé une paire de lunettes Google ?
Je n'aime pas trop digitaliser mes expériences et partager les données avec Google. Ma mère ne m'a pas élevé pour que je devienne un imbécile.

Qui a eu l'idée que Reading Rainbow visite le plateau de Star Trek : La Nouvelle Génération ?
C'est une idée collective, on s'est dit que ce serait sympa, et que ça serait intéressant que les enfants puissent voir ce qui se passe de l'autre côté du miroir. Vous n'imaginez même pas le nombre de personnes travaillant dans les effets spéciaux que je rencontre et qui me disent que c'est cet épisode qui a éveillé leur intérêt pour ce qui se passe derrière la caméra.

Comment vous êtes-vous retrouvé présentateur du show Reading Rainbow ?
J'avais eu un job de présentateur dans une émission appelée Rebop, aussi sur PBS, et j'ai été contacté par les producteurs qui voulaient m'engager pour présenter une émission qui encouragerait les enfants à lire. Je n'ai pas hésité. J’en ai été le présentateur pendant vingt-trois ans. Ça fait partie de moi.

L’émission a été supprimée suite à des coupes budgétaires au profit de No Child Left Behind. Pouvez-vous expliquer ce qui s'est passé ?
En gros, l'argent que PBS recevait habituellement pour produire Reading Rainbow a été repris et donné à d'autres projets. No Child Left Behind a proclamé vouloir apprendre à lire aux enfants. Dans l'histoire, ils ont oublié que le meilleur moyen pour apprendre à lire aux enfants était de cultiver leur amour de la lecture. En 2006, Reading Rainbow a été jeté aux oubliettes.

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Récemment, vous avez acquis les droits de Reading Rainbow, et avez relancé l’émission en appli mobile. Vous pensez que les ordinateurs vont remplacer les livres ?
Non, cette émission, par exemple, a pour but de faire aimer la lecture, de donner accès aux livres. Les enfants d'aujourd'hui sont bien plus intéressés par les iPad que par la télévision, c’était donc une évolution logique pour Reading Rainbow.

Comment avez-vous récupéré le contrôle du compte Twitter de Reading Rainbow des mains d'un cybersquatter ?
Pendant trois ans, quelqu'un a chopé le nom et s'est juste assis dessus. Avec l'aide de mes followers – et du hashtag #ydhttmwfi [= You Don't Have To Take My Word For It – Vous n’êtes pas forcé de me croire], nous avons attiré l'attention de Twitter et avons fait vérifier le nom.

Tout au long de votre carrière, vous avez été un parangon de positivité. Avez-vous un jour secrètement rêvé d’être un connard ?
Je suppose que ça doit être libérateur. En revanche, j'ai travaillé longtemps et dur pour me trouver, et ce type hyper positif, c'est vraiment qui je suis. Je fais toutes sortes de choses pour rester en forme, j'ai même fait la marche sur le feu de Tony Robbins à deux reprises. Je suis ce qu'on pourrait appeler un addict à l’énergie positive.

Ce que j'admire chez vous, c'est que vous n'avez pas peur de paraître un peu nerdy.
J'appelle cela ne pas avoir peur d'être enthousiaste.

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Pour finir, est-ce que vous pouvez recommander un livre pour les lecteurs de VICE ?
Je recommande chaudement Le Chemin le moins fréquenté de Scott Peck. C'est un livre qui peut aider un individu à trouver la clé de sa propre personne.

@telefantasyTV

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