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Drogue

Dix questions que vous avez toujours voulu poser à un agent des services frontaliers

« J’ai déjà trouvé un dildo aussi long que mon avant-bras chez une vieille dame. À première vue, j’ai pensé que c’était un bat de baseball. »
Dix questions que vous avez toujours voulu poser à un agent des services frontaliers

L’article original a été publié sur VICE Allemagne.

Beaucoup de gens détestent Daniel*. En tant qu’agent des services frontaliers, il veille à ce que certaines choses – des drogues, des armes, de l’argent – n’entrent pas illégalement au pays. Un jour, il se promène avec un chien renifleur au poste douanier; le lendemain, il ne fait pas grand-chose au bureau; le suivant, il inspecte un restaurant et fait déporter des migrants.

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Daniel et son équipe doivent aussi intervenir dans des cas de crimes sérieux, comme lorsqu’il a libéré un groupe de femmes d’Europe de l’est forcées de travailler dans un réseau de prostitution. « Il y avait des condoms partout, raconte-t-il. Les filles étaient terrifiées et complètement épuisées. On a trouvé leurs “clients” dans le local voisin, tous assez vieux pour être mon grand-père. »

J’ai rencontré Daniel pour savoir entre autres s’il était facile de déjouer un chien renifleur, s’il avait déjà gardé pour lui un objet confisqué et s’il lui arrivait de se sentir mal d’avoir fait déporter des gens.

VICE : Est-ce que votre travail est difficile?

Daniel : C’est plutôt relax. J’ai un emploi sûr et le salaire est bon, un peu moins de 2400 € [près de 3600 $ CA] par mois. La pression n’est pas trop grande, surtout sur les enquêteurs. Il est assez difficile d’évaluer la quantité de travail parce que toutes les opérations sont différentes. Je travaille pas mal sur le terrain, mais, quand je suis au bureau, je peux ne rien faire pendant des jours si je n’ai pas envie de travailler. On ne peut jamais faire ça si on a un emploi normal. Bien sûr, il faut beaucoup de concentration quand on travaille sur le terrain.

Comment est-ce que des gens arrivent à déjouer les chiens renifleurs?

C’est difficile, ces chiens sont très bons et ils en attrapent beaucoup. Les gens enveloppent les substances et les trempent dans l’essence, mais les chiens les repèrent pareil, même s’il n’y a que quelques grammes. Je ne tenterais jamais de faire passer une substance illégalement s’il y avait un chien renifleur.

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Est-ce que votre poste, votre arme, votre uniforme vous donnent un sentiment de pouvoir?

Je suis content de porter un uniforme parce qu’il fait en sorte que les gens comprennent qu’on représente une autorité officielle et qu’on doit être pris au sérieux. Je pense que la visibilité de nos armes fait aussi effet. Quand les gens voient les armes, ils deviennent sensiblement plus respectueux. Mes collègues qui font des enquêtes fiscales doivent souvent fouiller des maisons, tout comme nous, mais ils ne sont pas armés, alors ils ont toujours des problèmes parce qu’ils sont pris moins au sérieux. Heureusement, je n’ai jamais eu à me servir de mon arme, et j’espère que ça continue ainsi.

Est-ce qu’il y a eu des moments où vous êtes passé près de l’utiliser?

Non, mais on s’entraîne souvent au tir, avec un entraîneur. On peut choisir les exercices que l’on veut : des simulations d’action, du tir de précision, du tir à couvert et beaucoup d’autres. Bien sûr, les entraîneurs supervisent tout l’entraînement, mais c’est quand même le fun et j’ai chaque fois hâte au prochain.

Avez-vous déjà gardé des objets confisqués pour vous?

Non, je ne le ferais jamais. Les règles sont très strictes à ce sujet. On met toujours les objets confisqués en sûreté comme preuves contre les accusés. Les drogues saisies sont envoyées dans un laboratoire, où elles sont analysées avant d’être envoyées dans la salle des pièces à conviction. Plus tard, elles sont incinérées. Mais je ne pense pas que quelqu’un s’en rendrait compte si je prenais quelques grammes de cannabis ou quelque chose comme ça.

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Avez-vous déjà porté votre uniforme au cours d’une relation sexuelle?

Non, mais les menottes oui.

Est-ce qu’il vous est arrivé de vous sentir mal pour les personnes arrêtées alors qu’elles travaillaient illégalement?

On doit souvent mettre en détention des chercheurs d’asile, des personnes démunies qui ne veulent que travailler, mais que la loi en empêche. Mais comme elles le font pareil, elles se retrouvent vite devant les tribunaux puis déportées. Il n’y a rien que je peux faire après qu’une personne a été déclarée coupable d’un crime. Je perdrais mon travail si je laissais quelqu’un fuir.

Il y a des personnes que je n’oublierai jamais, des personnes qui ont été arrêtées pour être interrogées et qui nous racontent leur vie si dure. Ils ont lutté pour vivre pendant 20 ans ou plus, puis ont eu un moment de répit en arrivant en Allemagne. Quand des personnes qui ont cette vie sont en détention avant d’être déportées, je pense souvent à elles pendant les jours suivants. Ça me fait réaliser que mes petits problèmes de tous les jours sont ridicules par comparaison.

Est-ce que vous ressentez une satisfaction quand vous arrêtez des personnes qui le méritent?

Des fois, par exemple quand on fouille le domicile de personnes qui dirigent des bordels, qui sont très impulsifs et ne se laissent pas faire. C’est satisfaisant de voir qu’ils vont devoir remettre une grosse somme d’argent à l’État, surtout quand on voit leurs maisons incroyables. On trouve souvent des trésors à l’intérieur : une piscine chauffée au sous-sol, des coffres-forts remplis de bijoux de grande valeur, des montres Rolex qui valent au moins 50 000 € [75 000 $ CA] et plusieurs voitures de luxe.

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Est-ce que vous prenez plaisir à fouiller dans les affaires des autres?

Des fois c’est amusant. J’ai déjà trouvé un dildo aussi long que mon avant-bras chez une vieille dame. À première vue, j’ai pensé que c’était un bat de baseball. Quand j’ai compris ce que c’était, je n’ai pas pu me retenir de rire. La dame n’a pas perdu sa bonne humeur.

Mais il y a des perquisitions moins amusantes. Une fois, j’en ai fait une dans la maison d’un propriétaire de restaurant qui faisait du trafic de drogue en parallèle. Il était sur mon dos tout le long, et à la fin il m’a menacé personnellement. Heureusement, je ne l’ai jamais revu depuis, mais je passe en voiture devant son restaurant assez souvent. Je n’y retournerai jamais.

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Avez-vous déjà évité d’inspecter un commerce même si vous saviez qu’il y avait des gens qui y travaillaient illégalement?

Quand on inspecte un restaurant dans certains coins de l’Allemagne, on est presque toujours certains d’y trouver quelque chose d’illégal. J’ai l’air de beaucoup généraliser, mais c’est ce que font ces restaurateurs. Ils font venir des proches ou des amis de leur pays d’origine en Allemagne pour des vacances, puis les embauchent. Ils y travaillent pour moins que le salaire minimum, par exemple 3 € [4,50 $ CA] l’heure, parce qu’ils gagneraient encore moins dans leur pays d’origine. Le traitement de ces affaires est toujours très long, alors, si c’est vers la fin d’un quart de travail, il vaut mieux ne pas s’en occuper, sinon on ne rentrera jamais à la maison. Mais, bien entendu, ces restaurants seront inspectés à nouveau la semaine suivante.

* Le prénom de la personne interviewée a été changé pour préserver son anonymat.